En moins d’une semaine, la République Populaire de Chine, à la veille de son 70ème anniversaire, réussit deux jolis coups diplomatiques en récupérant dans son giron les îles Salomon et Kiribati. Désormais, Taiwan n’entretient de relations diplomatiques qu’avec 15 pays, dont le Guatemala, Honduras, Nicaragua, Paraguay, et le Vatican.
Le 16 septembre, comme pour sauver l’honneur, la République de Chine prenait les devants en rompant d’elle-même ses liens diplomatiques avec les Salomon, après 36 ans de relations. Cet ancien protectorat britannique de 611.000 habitants était de loin l’allié le plus important pour Taiwan dans le Pacifique. Juste avant la rupture avec Taipei, Pékin venait d’offrir 8,5 millions de $ en projets de développement. Suite à cette annonce, des manifestants sur l’archipel dénonçaient cette décision prise pour de « mauvaises raisons », et s’inquiétaient pour leur avenir : les généreux programmes taïwanais d’aides dans l’éducation, l’agriculture et la santé vont prendre fin, ce qui devrait impacter l’économie locale. Il faudra donc vite que l’aide chinoise prenne le relais.
Autre déficit à craindre pour les insulaires, celui en alliance avec les Etats-Unis : 48h plus tard, le vice-Président américain Mike Pence, annulait sa rencontre avec le Premier ministre des îles Salomon, « déçu » de ce revirement diplomatique. Même si les USA reconnaissent le principe « d’une seule Chine » comme 177 autres pays, ils sont un fervent soutien de Taiwan, notamment miliaire.
En effet domino, les Kiribati annonçaient quatre jours plus tard, changer d’allégeance au profit de Pékin. Depuis Taipei, le ministre des Affaires étrangères Joseph Wu condamnait cette décision « qui ignore la sincère amitié entre les deux pays ».
Aux Tuvalu, la récente élection d’un nouveau premier Ministre pourrait représenter une autre occasion pour la Chine d’isoler davantage Taiwan. « Il ne faudrait pas grand-chose pour que l’Etat des Tuvalu revoie ses positions», affirme Jonathan Pryke du think tank australien Lowy Institute. Taiwan contribue au budget annuel de l’île à hauteur de 7,06 millions de $ : un montant que Pékin n’aurait aucune difficulté à dépasser.
Et la Chine ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : si la présidente Tsai Ing-wen du parti indépendantiste (DPP) est réélue aux présidentielles de janvier 2020, Pékin s’efforcera de faire fermer les 15 ambassades restantes. Depuis l’arrivée au pouvoir de Tsai en 2016, Pékin a intensifié ses efforts et a grossi le montant de ses chèques aux partenaires de Taiwan. Cela a porté ses fruits au Salvador, au Burkina Faso, en République dominicaine, à Panama et São-Tomé-et-Príncipe.
Mais cette stratégie chinoise visant à mettre la pression maximale sur Taiwan avant les élections ne serait-elle pas contreproductive pour Pékin ? En effet, en lui volant ses alliés, la Chine se rend impopulaire auprès des électeurs taïwanais, rendant ainsi la tâche difficile aux candidats partisans d’un rapprochement avec le continent ; qui déjà n’ont pas la cote au regard des événements à Hong Kong. De plus, la Chine risque d’envenimer un peu plus ses relations avec les États-Unis. L’Australie et la France, entre autres, s’inquiètent aussi de cette montée en puissance chinoise dans la région, qui pourrait être un tremplin pour son influence militaire dans le Pacifique.
1 Commentaire
severy
21 septembre 2019 à 17:12Taiwan ressemble de plus en plus à un certain village gaulois cerné par les troupes d’occupation romaines. Le fait que la démocratie ait pris racine dans l’île et que ses habitants ne s’en portent que mieux se retrouve au travers de la gorge du régime dictatorial au pouvoir sur le continent. Quant aux petits pays qui succombent aux tentations sonnantes et trébuchantes de l’empire rouge, qu’ils ne viennent pas pleurer lorsqu’ils se rendront compte qu’ils sont devenus les sujets exploitables à merci de leur nouveau suzerain. L’amertume qu’ils ressentiront vis à vis des largesses du gouvernement de Taiwan les fera verser de lourdes larmes.