Le Vent de la Chine Numéro 29 (XX)
C’est un été dramatique que vit la Chine, digne d’un film à la Coppola, avec 100 rebondissements, causant cris et chuchotements :
– Fin juin, dans la stupeur, la bourse dévisse d’environ 1500 points après avoir fusé de l’indice 2000 fin 2013, à 5000 mi-juin 2015.
– Début juillet, autre fait inouï, la Banque Centrale dévalue le yuan de 3%.
– Le 23 août, quoique sous perfusion depuis 7 semaines, la bourse replonge.
Cet été voit aussi se confirmer un durcissement.
Depuis le 9 juillet, 250 avocats ont été inquiétés pour leur action contre une proche loi d’hyper-sécurité. Deux autres lois se préparent, sur les ONG (contre l’essor d’une société civile) et pour donner à l’Etat l’accès aux données financières des firmes.
En deux ans, 1500 églises furent démolies ou amputées de leur croix. Le Parti craint la montée d’une paroisse de 84 millions de fidèles, désormais plus nombreux que ses propres adhérents.
Enigme de l’été : le sommet de Beidaihe d’août a-t-il eu lieu ? Chaque année, les 60 plus hauts cadres fixent les lignes du Plenum du Comité Central d’octobre.
Mais dès août, la rumeur évoque de multiples contestations envers le n°1 Xi Jinping, qui, pour la 1ère fois depuis sa création par Deng Xiaoping, aurait annulé ce conclave balnéaire – ou bien retardé, rien n’est sûr.
En tout état de cause, au Quotidien du Peuple, un éditorial évoque une opposition « inimaginable » aux réformes. Et le 23 août, Liao Hong, rédacteur en chef et président de l’édition en ligne de ce media est arrêté, sans explication –quoique sa loyauté à l’équipe au pouvoir, ne fasse nul doute. Commentaire désabusé d’un journaliste : « par les temps qui courent, il est difficile de trouver le bon message… »
Cette question des critiques (dans le Parti et dans la rue) mérite qu’on s’y arrête. Depuis Hong Kong, une ONG du syndicalisme en Chine détecte un doublement des grèves et manifs ouvrières en 12 mois. Des milliers de PME sont en faillite, ou fermées pour pollution.
Les mécontents sont légion : les 90 millions d’agioteurs ayant perdu leur épargne sous le crash boursier ; les milliers d’employés en chômage technique à Binhai. De leur côté, les consortia publics bloquent tant qu’ils peuvent la politique du gouvernement. Enfin les petits cadres (médecins, enseignants, fonctionnaires) sont étranglés entre des salaires beaucoup trop bas et l’impossibilité actuelle de les compléter par des « enveloppes rouges ».
En guise de parade, l’appareil se réfugie dans une série de fêtes pékinoises destinées à faire diversion et à faire briller la nation : les championnats du monde d’Athlétisme (22 au 30 août) et surtout son grand défilé militaire du 3 septembre, à l’occasion du 70ème anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, invitant une quarantaine d’Etats. Ces deux fêtes servent à faire oublier à l’opinion que, faute d’avoir trouvé le consensus pour appliquer ses réformes, l’Etat prend de plein fouet les « lames scélérates » de la crise.
Aucun doute, la parade militaire du 3 septembre sera fastueuse, 12.000 hommes et femmes en uniformes de l’APL, 17 contingents étrangers, pour fêter la fin de la seconde guerre mondiale.
<p>Ce sera aussi l’occasion d’un déploiement inédit qui dévoilera 500 armements : missiles tels le DF41 (inter-continental multi-ogives), le DF21 « tueur de porte-avions » (15.000 km/h), 200 avions tels le chasseur J15, hélicoptères (Z19), tanks, drones (cf photo), radars, canons…Pékin sera groggy pour l’occasion : grandes artères, aéroports, stations de métro fermées, fenêtres condamnées sur le parcours, trafic auto divisé par deux par circulation alternée pair/impair, livraisons seulement de minuit à six heures du matin…
Dans sept provinces voisines, 10.000 usines, 40.000 chantiers seront ralentis et/ou fermés pour économiser 40% de pollution. Les Pékinois voient leurs habitudes chamboulées et gouaillent, appelant cela le « blues de la parade ».
Cette fête est dédiée à la paix. Cependant, elle célèbre aussi le souvenir de la « guerre de résistance, de l’agression japonaise et de la guerre mondiale antifasciste », ce qui lui donne une connotation négative, aux antipodes de la réconciliation entre Européens dès les années ‘50.
Comme les Etats-Unis, les pays d’Europe se trouvent également gênés par la formidable machine de guerre brandie le 3 septembre sans complexe par le régime socialiste. Pour cette raison, Europe, Japon, et USA ont renoncé à une présence au sommet – sauf le Président hongrois.
Italie et France seront représentées par leur ministre des Affaires étrangères. Pour
Laurent Fabius, il s’agit d’assurer le soutien chinois au plan climatique «
COP 21 », fin novembre à Paris, sous présidence française. Néanmoins, la Chine attend 39 chefs d’Etat, parmi lesquels Vladimir Poutine, les leaders d’Asie Centrale, d’Afrique, d’Amérique Latine – « les vrais amis », selon la presse locale.
Sur le succès de la parade hors frontière, Pékin ne se fait pas d’illusion. Cette démonstration de force et ce rappel à une invasion nippone non pardonnée après 70 ans, ne peuvent plaire à l’Ouest. « Mais de toute façon, assure ce diplomate, la parade est à usage national ». Peut-être pour oublier la crise, et donner des gages à l’armée, afin d’obtenir son soutien face à une réforme qu’elle n’aime guère.
Depuis juin, 42% de valorisation, 4000 milliards de dollars se sont volatilisés en bourse chinoise, dont 8,5% le 24 septembre (quand les instances cessèrent de soutenir les places de Shanghai et Shenzhen), et 7,6% le lendemain.
Le crash qui était différé depuis 7 semaines, intervint quand le Comité Permanent (ou le Bureau Politique) vota d’arrêter les frais – décision douloureuse mais inéluctable. Qu’on imagine un barrage hydraulique, menacé par un réservoir 5 fois trop lourd, et qui commence à céder. Depuis le 9 juin, la Banque Centrale « bétonnait » l’ouvrage, au coût de 10 milliards de $ par jour – 400 milliards avaient été injectés, sans parvenir à changer en quoique ce soit la méfiance et la volonté unanimes des dizaines de millions de porteurs petits et grands, de vendre dès qu’ils le pourraient. C’était donc, de la part de la CSRC, tutelle de la bourse, un énorme investissement failli et un pari perdu, ayant entraîné en 50 jours la disparition de 12 mois de profits boursiers.
De son côté, l’économie chinoise donne des signes de panne sans équivoque avec ses exportations de juillet en baisse de 8,3%, et un indice PPI des prix à la production à -5,4%, le plus faible en 6 ans. Clairement, la marée basse est là pour durer – la croissance à deux chiffres appartient définitivement au passé.
Par quel chemin en est-on arrivé là ? Plusieurs explications sont avancées :
– la promesse en 2012 du tandem Li Keqiang -Xi Jinping n’a pas été tenue, d’une redistribution de la richesse publique vers les PME et d’une relance de la consommation des ménages. L’Etat a maintenu sa vieille recette de croissance du PIB par la dette publique et les grands chantiers. Il a encouragé les provinces et les consortia publics à s’endetter, puis à refinancer leurs dettes auprès de banques sans regard sur la qualité de leurs investissements. La dette publique atteint 282% du PIB, dont un tiers (20,8 trillions de $) généré depuis 2007. La dette des consortia représente à elle seule 125% du PIB – une des plus lourdes au monde.
– à partir de 2014, pour alléger la charge de la dette locale (consortia et provinces), l’Etat a attiré les épargnants vers la bourse, par le biais d’une forte rémunération. L’avantage était d’éviter la planche à billets. Mais ce choix de refinancement des consortia par l’épargne était intenable, ces dinosaures socialistes non réformés dépensant sans produire. La bourse fonctionnait donc en trafic pyramidal, où la hausse du cours provient de l’apport constant d’épargne fraiche, sans génération de valeur ajoutée, et s’effondre dès que le crédit s’épuise. Ce fut donc le percement brutal d’une bulle boursière, au détriment des actionnaires.
– une troisième explication est avancée par l’analyste Francesco Sisci qui voit dans le crash de juin la main de conglomérats publics. Sciemment organisé, ce crash aurait eu pour but d’avertir l’équipe dirigeante de renoncer à ses réformes qui lésaient leur monopole sur le crédit. Les arrestations (26 août) de Xu Gang, manager de CITIC Securities, et de Wang Xiaolu, journaliste financier, corroborent la théorie du complot. Xu, pour avoir fait évader des fonds hors du pays, et Wang, pour avoir semé la panique en suggérant dans la revue Caijing, le possible retrait du soutien de la CSRC à la bourse.
Aujourd’hui, de façon prévisible, le 1er ministre Li Keqiang monte au créneau pour affirmer qu’ « aucun élément désormais n’est là pour justifier une baisse supplémentaire ».
La défense s’organise : 66 banques clandestines sont fermées et à Macao, 5 réseaux de transfert de yuan par carte de crédit sont démantelés.
Le 25 août, au soir de la seconde journée « noire », la Banque Centrale baisse de 0,5% les réserves bancaires obligatoires et réduit de 25 points les taux d’intérêt (dépôt et prêt), libérant 106 milliards de $ de crédit frais.
De même, les banques publiques semblent avoir été « priées » de refinancer la bourse : ICBC et Banque de Chine par exemple, auraient placé d’importants ordres d’achats en actions « blue chips » (valeurs sûres). Et un premier résultat positif apparaissait à ces efforts : l’index de Shanghai remontait de 5,3% le 27 août.
En même temps, contredisant la décision au sommet du week-end précédent, un sauvetage de la bourse semblait se dessiner, avec le principe d’autoriser le placement de jusqu’à 30% du fonds de la Sécurité sociale nationale, soit 164 milliards de $.
On remarque dans cette tempête et ce tumulte, la fragilité des résultats acquis, et le risque pris par les dernières mesures. Réduire les réserves des banques peut apparaître aventureux, à une époque où fleurissent faillites et mauvais prêts bancaires non remboursables. De même, écorner le fonds de la Sécurité sociale pour renflouer la bourse, pourrait revenir au pire, à priver les retraités une seconde fois de leur pension (la première étant le double crash boursier).
Mais l’Etat n’avait pas le choix : dans l’urgence, il fallait une bourse en hausse, à la veille de la grande parade de commémoration de la seconde guerre mondiale, le 3 septembre. C’est chose faite !
Régulièrement, Nicolas, étudiant à Paris, sous-loue une chambre de son
appartement parisien à des touristes chinois via Airbnb, firme de San Francisco fondée en 2008. Pratique pour arrondir les fins de mois ! <p>De l’autre côté de la planète, Lili Liu veut divorcer. Pour racheter à son époux sa part de leur appartement à Pékin, elle emprunte, et pour payer les mensualités, elle loue le logis sur internet, aussi via Airbnb. Et ça marche ! A 600 yuans la nuit, les visiteurs affluent, provinciaux chinois venus visiter la capitale, cherchant leur nuitée sur l’application créée spécialement pour la Chine (cf logo, en photo) et totalement sinisée au niveau de son fonctionnement (paiement via WeChat, localisation Baidu). Airbnb devient ainsi un des ténors d’un marché chinois qui devrait peser 1,56 milliards de $ en 2015, +163%, grâce aux millions de propriétaires de logements en mal d’argent frais, et des dizaines de millions de nouveaux touristes intérieurs.Brian Chesky, le jeune fondateur, fait le pari de réussir sur la toile chinoise, où les plus grands du monde (eBay, Yahoo, Google) se sont cassé les dents. Il annonce (19 août) une alliance avec Sequoia-China (créateur de Ctrip) et China Broadband Capital (CBC), ses grands investisseurs. Il recherche ostensiblement un directeur local, pour ramifier et développer le réseau : siniser encore plus, et montrer patte blanche auprès des autorités, hyper-vigilantes sur le secteur de l’internet (très contrôlé et souvent censuré).
Surtout, le groupe met la priorité, non sur la location en Chine, mais hors frontières, sur les 109 millions de touristes chinois à l’étranger l’an dernier (+11%). Il veut en attirer une partie vers les 500.000 apparts et maisons proposés sur son site, à travers 33 000 villes et 192 pays. De la sorte, sans inquiéter les pouvoirs locaux, il draine l’argent chinois vers son réseau mondial, tout en étoffant gentiment son réseau intérieur.
Mais rien sans rien : quand Airbnb place depuis la Chine une réservation en France, les autorités chinoises ont accès à la base de données, et peut donc savoir où son citoyen dirige ses pas.
Airbnb se trouve aussi avoir en Chine un « bébé » rival qui pousse furieusement vite : Tujia (途家, « la maison en chemin », 1 milliard de $ de valorisation, 240.000 logis à travers le pays). Et comme actionnaire, on retrouve CBC, déjà partenaire d’Airbnb. Ainsi, pour ce dernier, c’est l’épée de Damoclès, et une « invitation sans frais » de l’Etat à bien se tenir (une situation similaire à celle d’Uber et Didi/Kuaidi). Les actionnaires eux, ayant mis leurs œufs dans les deux paniers, attendent tranquilles, bien au chaud.
Comment le désastre a-t-il débuté sur l’aire de stockage de produits dangereux de la Ruihai International Logistics Co, dans la zone de Binhai (Tianjin) ? Le 12 août, un incendie se déclara, que les casernes de pompiers voisines tentèrent de circonscrire.
Et c’est alors que tout dérapa. Les pompiers attaquèrent les flammes avec leurs lances, sans connaître l’ennemi : du cyanure de sodium qui au contact de l’eau, se recombine en acétylène inflammable et explosif. Les 700 tonnes du produit dans l’entrepôt (10 fois plus que la limite autorisée) causèrent quatre foyers, deux déflagrations d’une puissance égale à 3 tonnes, et 21 tonnes de TNT. Des flammes de dizaines de mètres s’élevèrent, visibles par satellite, qu’il fallut plusieurs jours pour maîtriser.
Les dégâts sont effroyables :
– 173 morts ou disparus (dont 88 pompiers et 9 policiers) et plus de 600 blessés ;
– 17 000 logements endommagés ;
– 10.000 voitures neuves, largement importées, Toyota, VW, Renault ou Hyundai ;
– 176 usines hors service, par destruction ou rupture de stock. Après deux semaines d’arrêt, Toyota devait reprendre la production progressivement dès le 27 août.
Les travaux de nettoyage sont lourds : l’entrepôt Ruihai contenait en outre du soufre, 800 tonnes de nitrate d’ammonium, 500 tonnes de potassium, au total 40 substances à risque…
En charge du nettoyage, le vice- maire Wang Hongjiang fait évacuer les carcasses métalliques calcinées, abattre les structures soufflées, et vérifier par des petits animaux en cage, que l’air redevient viable. Il fait aussi inspecter 275 usines et en a fait fermer 70, dont Sinochem Logistics et Binhai Logistics, les deux (seules) autres firmes habilitées au stockage de produits dangereux. Dès le 20 août, Huang Xingguo, le maire de la ville, annonce le transfert de la chimie de Binhai vers la zone de Nangang, à 25 km.
Les dommages sont évalués par la Lloyds à 2,2 milliards de $, laquelle fait alors remarquer le coût du protectionnisme en assurance : tandis qu’une petite part des dégâts (pour les biens importés par l’étranger) sera couverte par la réassurance internationale, l’essentiel du sinistre devra être supporté par les assureurs chinois – et l’Etat. Il serait peut-être temps, selon la Lloyds, d’ouvrir ce marché, pour mieux répartir les risques, dans l’intérêt de tous !
Très vite, le bureau de certification des logements a déclaré « structurellement saines », onze des douze résidences sinistrées, et cinq développeurs, chapitrés par l’Etat, acceptent de racheter les appartements de qui le voudrait. Mais à quel prix ? Décidément, les souffrances de la population riveraine, et leurs manifestations de désespoir ne font pas partie des messages autorisés dans la presse.
On note par contre un décalage instructif entre la censure des autorités locales qui minimisent l’ampleur de la catastrophe, et la colère de Pékin qui fait publier des données effarantes sur les patrons et cadres, corrompus et incompétents. Ruihai, la société de stockage, était propriété de Dong Shexuan et Yu Xuewei, respectivement fils du commissaire de police local et cousin du président du groupe.
S’étant vu refuser sa licence du fait d’une distance de seulement 560 m de zones résidentielles (au lieu des 1000 m statutaires), Ruihai avait obtenu en avril 2014, sa certification pour 6 mois d’un autre groupe, Tianjin Zhongbin Haishen. Puis d’octobre 2014 à juin 2015, Ruihai avait tourné sans licence : « c’est normal, commentait Yu en détention préventive, tout le monde fait ça ».
Quels autres responsables identifiés ?
Le maire s’est déclaré « 100% responsable », mais reste en poste pour l’instant. Chez Ruihai, 10 employés sont sous les verrous, suivis de 11 cadres de la mairie, du ministère des Transports, des douanes et de l’administration de la Sécurité au travail, qui a validé en février 2014 le rapport favorable de Zhongbin Haishen. En tête de la liste des accusés, déjà exclu du Parti, Yang Dongliang, patron de l’administration de la Sécurité au travail, est mis en examen.
Le bilan est lourd. Le monde médusé a suivi le déballage d’amateurisme et de corruption dans cette zone portuaire toute neuve (une dizaine d’années).
Pour le régime, après deux ans de campagne anti-corruption, c’est un camouflet. On peut aussi largement constater les trous dans les mailles du filet de prévention et de gestion des catastrophes. Et surtout, s’agissant d’une zone vitrine de la nation, l’accident de Binhai laisse l’impression désagréable que l’ensemble du secteur de la chimie chinoise pourrait être logé à même enseigne, ou pire.
Selon un expert, le contrôle des produits dangereux (matières premières et déchets) en zones chimiques a déjà démarré depuis deux ans, dans le cadre de la loi écologique en vigueur depuis janvier 2015. Binhai devrait donner un coup de fouet au processus, avec un effort spécial vers les provinces de l’intérieur, plus en retard. Mais pour créer les administrations, les inspecteurs, les lois mêmes pour superviser le tout, il faudra des années.
Éphèbe nankinois de 24 ans, Wang détestait l’injustice que la vie lui avait réservée. C’était du moins ainsi qu’il voyait les choses, et ce faisant, il frisait la mauvaise foi, car dans son faux départ dans l’existence, une bonne part de responsabilité lui était imputable du fait d’une solide paresse et d’une irrésolution à prendre son destin en mains.
Sorti de son université locale depuis deux ans déjà et par la petite porte, il avait vu ses amis d’enfance s’envoler vers de belles carrières, tandis que lui, restait laissé pour compte, ne voyant à sa portée que des jobs sous-payés, répétitifs et épuisants, qu’il s’efforçait d’éviter, puisque dégradants. Pour justifier cette carrière en panne, il invoquait l’absence de fortune familiale et de hautes relations dans le Parti. Mais avec les notes obtenues durant son cursus, il ne pouvait guère espérer mieux…
Wang était issu d’une classe mandarinale ayant eu son heure de gloire dans les années ‘30. Il connaissait l’existence de l’ancienne demeure familiale au cœur d’un parc privé au bord du Yangtzé. L’histoire fit que, comme tous les biens du clan, la résidence nobiliaire fut saisie, forçant les ex-bourgeois à se replier dans un deux-pièces médiocre et exigu.
Très fier du passé, le jeune homme se remémorait aussi avec nostalgie ses aïeux distingués au service de la nation, militaires, écrivains ou hauts fonctionnaires de la République de Chiang Kai-chek.
Chez ses parents, chez qui il demeurait toujours, quelques meubles antiques rappelaient ces fastes d’antan. Telle la petite bibliothèque aux livres centenaires relatant chacun les riches heures d’une ère impériale…
Hélas pour la famille, tout ceci n’était à présent que cendres et langoureux souvenirs. Faute de savoir adhérer à son époque, Wang vivait dans la précarité, et avait le sentiment amer du pouvoir perdu, de la richesse volée. Les riches autour de lui, ses camarades de promo, fils d’officiers militaires ou de cadres de l’administration, n’avaient démontré aucun génie particulier pour mériter le logis doré, la prébende dans laquelle ils se vautraient à présent.
Son penchant pour la nostalgie passive avait été aggravé par son éducation. Son père et surtout sa mère lui avaient invariablement passé tous ses caprices, sans en avoir les moyens, ni se rendre compte du piège qu’ils lui tendaient sur le long terme : c’était l’encourager à une existence d’oisiveté !
Aussi ce jeune dandy, au long poil dans la main, mais envieux de mener grand train, brûlait de transgresser les règles. Il voulait, en un mot, se réapproprier ce qui lui revenait de droit – héroïquement saisir par les cornes le taureau du destin !
Voilà pourquoi le 30 avril 2015, flânant dans les beaux quartiers de Nankin, et observant tant de villas cossues désertes, il s’introduisit par effraction chez M. Liu. Après avoir obscurci le champ de vision de la caméra de sécurité, il escalada le mur d’enceinte.
D’un calme olympien, il entra par la fenêtre du second étage, fouilla le salon, tira tous les tiroirs, fauchant quelques babioles sans valeur. Dans la bibliothèque, il choisit « la fleur en fiole d’or » (金瓶梅, jīn píng méi), roman licencieux de la dynastie Ming, introuvable en Chine continentale. C’était une édition taïwanaise, illustrée de planches datant du XIX. siècle. Assis dans le meilleur fauteuil, il en lut un chapitre, puis le mit dans son sac à dos.
Au frigidaire dans la cuisine, il se servit une bière belge, puis une autre. Il se concocta un succulent plat de porc aigre doux, trouvant au passage l’occasion de se faire un « selfie », coiffé de la toque de marmiton trouvée sur place, et de le poster sur WeChat, ainsi visible par tous ses amis. C’est dans cette position qu’il fut surpris par le retour à l’improviste du maître des lieux. Vite ! Wang prit la poudre d’escampette en sautant par la fenêtre.
« Ca, c’était la vraie vie », pensa-t-il en s’éloignant, méprisant les imprécations du propriétaire par la fenêtre, indifférent même aux élancements de son poignet qu’il venait de luxer en se recevant à terre. C’était l’élégance suprême, la preuve de son élévation au rang de dandy !
Après ce succès, Wang était encouragé, déterminé à recommencer. Pourtant, le chemin qu’il empruntait, défiant les lois de la propriété, était parsemé d’embûches, à laquelle sa jeune témérité était aveugle : « le veau venant de naître n’a pas peur du tigre » (chūshēng niúdú bùwèi hǔ , 初生牛犊不畏虎).
Qu’allait-il advenir de notre dandy cambrioleur ? Vous le saurez la semaine prochaine !
1-4 septembre, Shanghai : APPLAS, Salon international des plastiques et caoutchouc pour la zone Asie-Pacifique
2-4 septembre, Shanghai : MODA Shanghai, China Footwear Fair, Salons des bagages à main, cuir, chaussure et accessoires de mode
2-5 septembre, Shenzhen : CIOE, Salon de l’optoélectronique
2-5 septembre, Shenzhen : ICC China, Salon et conférence sur les composants électroniques et systèmes embarqués
3-7 septembre, Dongguan : Salon du meuble, ameublement, machines et matériaux
8-10 septembre, Pékin : CINE – China International Nuclear Power Industry Expo, Salon de l’industrie nucléaire
8-10 septembre, Pékin : CIHTE, Salon de l’industrie de traitement thermique
8-10 septembre, Pékin : CIFEE, Salon des équipements de distribution de fluides
8-10 septembre, Pékin : CITE – China International Tube & Pipe Industry Expo
8-10 septembre, Shanghai : Cloud Connect, Salon et Conférence du développement logiciel
8-11 septembre, Xiamen : CIFIT, Foire d’investissement
9-11 septembre, Pékin, CIOF, Salon de l’optique
9-11 septembre, Pékin, CIOTC, Salon et conférence sur les technologies de pétrole offshore
9-11 septembre, Shanghai : CITEXPO, Salon international du pneu