Petit Peuple : Changsha – Don Yuan, l’éternel tombeur (2ème partie)

Résumé de la première partie : à l’hôpital de Changsha (Hunan), Yuan Li, 35 ans, est admis aux urgences suite à un accident de voiture. Ses proches sont contactés : mais voilà que se présentent 17 femmes, se présentant toutes comme sa compagne…

Entra d’abord dans sa chambre d’hôpital, Qingye, belle blonde décolorée de 24 ans et propriétaire de la BMW à bord de laquelle s’est crashé son Roméo. Quoique son joujou ne fut plus qu’un tas de ferraille par l’imprudence du vaurien, elle se jeta au pied du lit, saisit avec effusion la main de l’emplâtré, ouvrit la bouche pour lui crier son amour et sa peur de l’avoir perdu, quand apparut dans l’embrasure un nouveau visage : Lihua, mannequin de 30 ans.

 Apercevant sa rivale, elle s’écria : « Yuan Li, que fait cette créature à tes côtés ? » mais se retint de foncer sur l’intruse uniquement par souci de ne pas troubler le repos de l’amant en état critique. Lequel très pâle, avait profité de la confusion pour disparaître sous les draps et feindre la perte de connaissance. 

Mais à son tour Lanping, comptable de 32 ans, pénétra dans la pièce, cheveux en bataille, indifférente aux ordres vains de l’infirmière. Bras chargés, elle prétendit déposer un garçonnet sur le lit, s’écriant : « Ciel, ton papa est vivant… embrasse-le ! ». Pour le blessé encore sous le choc opératoire, ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. 

Emergeant des draps, s’écriant « je suis mort… en enfer ! », il agrippa frénétiquement la sonnette d’urgence, cria aux infirmières de faire sortir de suite toutes ces importunes. S’aidant du service d’ordre appelé à la rescousse, le personnel soignant parvint—non sans peine– à faire sortir les fiancées dans le couloir où, à leur stupéfaction, elles rencontrèrent une bonne dizaine d’autres prétendantes, toutes dans la même tranche d’âge de 20 à 40 ans, calquées sur le même modèle de beauté physique. 

Les vigiles s’attendaient à un pugilat général entre toutes ces femmes pour défendre leur droit à l’homme alité. Deux d’entre elles commençaient d’ailleurs à s’invectiver quand s’interposa Qingye d’une voix de stentor, coupant court au désordre : « Stop ! Nous sommes ici toutes victimes, ne soyons pas en plus ridicules ». 

En deux minutes, partant de son propre cas, elle expliqua comment elles avaient été dupées par un prédateur moins amoureux d’elles que du sexe, du pouvoir et du fric. A son discours, l’angoisse et les larmes disparurent des visages, laissant place à la colère, la raison revenue, la volonté de dignité et de se défendre. Toutes ressentirent la rage de témoigner. 

Lanping s’était crue mariée – ils avaient fait un simulacre d’union, seul y manquait le passage au bureau des mariages. Hongye préparait ses noces, réservant robe blanche et salle de bal. Plus s’accumulaient les témoignages, et plus elles réalisaient l’absence d’empathie et le génie manipulateur de ce monstre, leur compagnon. 

Dans le couloir, la troupe s’organisa. Sur proposition de Lanping, les 17 votèrent de laisser deux d’entre elles en faction devant la chambre pour bloquer toute velléité de fuite, tandis que 10 allaient déposer plainte à la police pour rupture de promesse de mariage, et extorsion de fonds.
Xiaomi se chargea d’ouvrir un compte WeChat collectif pour collecter les témoignages. De la sorte, en un tour de main, elles pigèrent le mode opératoire de Yuan Li, comment pour se les attacher, il leur empruntait de l’argent, peu ou beaucoup selon leurs moyens, les forçant ainsi à le revoir. 

Comment s’y prenait-il pour ne jamais se trahir en se trompant de nom ? Il donnait à chacune un nom de code bizarrement emprunté au monde industriel ou politique, tel « commerciale », « secrétaire provinciale » ou « vérificatrice aux comptes ». Elles découvrirent ainsi sur les réseaux sociaux plus de 200 filles, à des degrés divers de conquête –qu’elles s’empressèrent d’avertir et de détromper. Enfin, cerise sur le gâteau, elles découvrirent qu’il avait falsifié le diplôme d’une université locale, lui qui n’avait pas le Gaokao (Bac), afin de devenir éligible à un emploi.

Entre temps, toute la Chine s’enflamma pour cette affaire au buzz irrésistible. Elle se divisa en deux camps, celui des féministes déterminées à combattre un certain sport de séduction machiste, et celui d’hommes éblouis d’admiration, qui s’adressaient au Casanova pour lui demander les ficelles du métier.

Finalement début avril, Yuan Li réussit à prendre la clé des champs, fuyant l’hôpital et ses harpies pour aller poursuivre sa convalescence en un lieu plus calme et sûr. Pour cette peu glorieuse retraite, il obtint une complicité inattendue : celle des policiers qui protégèrent sa sortie en panier à salade. Les pandores avaient pour cela un prétexte valable : c’était pour instruire l’enquête sur la plainte collective et sur son faux diplôme, en vue de deux actions judiciaires, dès que les juges seraient prêts. 

Yuan Li semble donc perdu de réputation (身败名裂, shēn bài míng liè) auprès de ses admiratrices et au risque de se retrouver bientôt en prison. 

Mais est-ce bien si sûr ? On apprend qu’une des filles, en secret, continue à lui apporter des liasses de billets roses – pour ses frais médicaux et d’avocat. Triste trahison, qui la désolidarise de la vengeance commune. 

Mais allez savoir, c’est peut-être elle, lui apportant les oranges en prison, qui empochera la mise à la sortie : un Yuan Li assagi, prêt à jouer au mari modèle!

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