Politique : La « nouvelle Bande des Quatre »

BozhoulingUne surprise lors du 12ème Plenum de l’Assemblée Nationale Populaire, ce mois de mars, aura été la diffusion du concept de la « nouvelle Bande des Quatre » (新四人帮), présentée comme la dernière menace contre la stabilité du Parti et des « Quatre priorités fondamentales» (四个 全面) du Président Xi Jinping, résumant la stratégie supposée la défaire. 

<p>La presse avait en fait évoqué dès décembre 2014 cette « nouvelle Bande des Quatre » lors de l’inculpation le 24 décembre de Ling Jihua, premier lieutenant de Hu Jintao. C’était, pour Ling (qui rejoint ainsi Bo Xilai, Zhou Yongkang et Xu Caihou), l’avant-dernière étape d’une descente en enfer, dont la dernière sera un procès, inévitablement suivi d’une lourde peine de prison. 

Démantelée en le 6 octobre 1976, l’historique Bande des Quatre, constituée de Jiang Qing et de trois cadres gauchistes, suivait un programme de fidélité à Mao et de résistance à toute réforme, telle que proposée par Deng Xiaoping.

Or en 2015, le concept de « nouvelle Bande des Quatre » se réfère lui aussi à un programme. 

En effet, en 2011, Xi Jinping, futur Président, Li Keqiang, futur Premier ministre, préparent un programme de réformes sociétales de grande envergure, basé sur une « répartition plus équitable de la ressource publique ». A cette perspective, l’opposition monte, de la part de ceux qui paieront et perdront leurs privilèges. C’est à ce moment que Bo Xilai, populaire Secrétaire du Parti à Chongqing, lance dans sa ville un contre-programme ambitieux et « rouge » « en éprouvette ». Admiré par la société, et prenant à contrepied ses adversaires politiques, Bo l’appliquerait à la Chine entière, s’il devenait maître du pays.

La collusion entre ces « Quatre » s’apparente à une tentation de remplacer à la tête de l’Etat Xi Jinping par Bo. Ce qui est insolite dans ce concept de « nouvelle Bande des Quatre » est qu’elle inclut des politiciens de bords opposés : Ling Jihua (Ligue de la Jeunesse), avec Zhou Yongkang, Bo Xilai (Club de Shanghai) et Xu Caihou (lobby militaire). 

L’élément remarquable de cette nouvelle, lors du Plenum de mars 2015, est l’évocation indirecte d’une faute politique non précisée mais dont les protagonistes eux, sont mis en lien et en accusation.
Le 18 mars, une note au rapport annuel de la Cour Suprême, notifie officieusement l’existence de cette collusion, accusant Bo et Zhou, d’avoir « sapé la solidarité du Parti » et de s’être livré à des « activités politiques non approuvées ». On a donc, pour Zhou Yongkang, une base légale pour un procès politique et non de simple corruption.

Encore très discrète, l’évocation de cette « nouvelle Bande des Quatre » peut intervenir, dès lors que ses acteurs sont tous hors d’état de nuire : condamné (Bo Xilai), sous investigation (Zhou Yongkang, Ling Jihua), ou décédé (Xu Caihou, mort d’un cancer de la prostate, annoncée le 16 mars).

La tentative de subversion n’a pas été loin. Si l’Etat légal a pu parer le coup assez rapidement, c’est d’abord dû à l’excellence des services de renseignements, très tôt alertés. C’est aussi dû, fondamentalement, au fait que tous ces hommes sont du même sérail et que donc, la notion de clan auquel on devrait jurer fidélité, est assez floue : la survie du PCC et celle de la famille priment sur tout.

L’aventure gauchiste a fait long feu mais elle n’a pas tout perdu : certains aspects de gouvernance de Bo Xilai, en raison de leur popularité, ont été repris par Xi Jinping, à commencer par le culte de la personnalité et l’inflexibilité dans la lutte contre la corruption. On pense ici à la loi en préparation contre les ONG, destinée à ralentir ou décourager la création d’une société civile.

La dureté de la gouvernance de Xi, démobilise et décourage ses partisans. D. Shambaugh, professeur en sciences politiques chinoises (George Washington University), note que cette vague de durcissement néo-maoïste aurait en réalité débuté en 2009. L’histoire même du socialisme chinois se composant d’alternance entre ces phases de repli identitaire dur (dite 守« shou »), et de phases ouvertes et d’expériences de gouvernance inclusive (放« fang »).

Pourquoi ce tournant, après une décennie d’ouverture ? Un nombre de raisons complémentaires se présentent. Parmi celles-ci, le passage de la corruption à un rythme exponentiel intenable ; les émeutes sanglantes de Lhassa et d’Urumqi en 2008 et 2009 ; l’atrophie (ou la sclérose) de l’idéologie, qui cause aux leaders des angoisses, renforcées par le souvenir de Gorbatchev, « tueur  de l’URSS » ; les intérêts cachés du « carré d’acier » ; et la crise mondiale.

Finalement, on pourrait résumer tout cela dans le fait d’un délai imprescriptible, entre la perception par une classe privilégiée du droit à ses privilèges, et l’incapacité du pays à « tenir la route » sous ces mêmes privilèges. La tentative de révolte de la « nouvelle Bande des Quatre », appuyée par toute une classe dite « hong’erdai » (红二代, les « enfants de la deuxième génération rouge »), reflète parfaitement ce phénomène et ce temps de latence, au milieu duquel nous sommes à présent : le passage de la fin des privilèges monopolistiques au règne de l’Etat de droit, ce qui est le mode de fonctionnement incontournable pour toute société sophistiquée et moderne.

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