Energie : Réforme des conglomérats (2ème partie) – le secteur pétrolier

Voici des mois que Pékin accélère la réforme des entreprises d’Etat (cf 1ère partie). Il s’agit d’alléger le protectionnisme d’un secteur trop gâté, de le forcer à se renforcer mondialement, et de rogner les pouvoirs de secteurs trop souvent frondeurs pour sauvegarder leurs privilèges. 

Le cas le plus clair est celui du pétrole, ex-fief de Zhou Yongkang (jusqu’en 2012 le patron de toutes les polices, qui fit obstacle à l’accession au pouvoir de Xi Jinping).
Le 13 mai, une réforme apparaît signée NDRC et ANE (Administration Nationale de l’Energie), en discussion auprès des professionnels avant soumission au Conseil d’Etat pour adoption avant décembre. 

Selon ce plan, les groupes dominants, CNPC, SINOPEC et CNOOC resteraient autonomes. Encore envisagée en avril, la fusion CNPC-Sinopec serait abandonnée, suite au refus de leurs états-majors, et suivant l’exemple des 5 à 10 grands groupes mondiaux, ne dépassant pas les 100.000 employés, quand CNPC et SINOPEC peuvent friser ensemble les 2 millions. 

Mais ces groupes devraient perdre leurs réseaux d’oléo-et gazoducs. Valant 300 milliards de $, ces 77.000 km de tuyaux (pour CNPC) et 30 000 km (pour SINOPEC) seraient rachetés par un consortium national ou bien des compagnies régionales. 

L’opération permettrait de :
– recentrer les groupes d’hydrocarbures sur leur corps de métier (exploration-extraction-vente) ;
– rompre le lien entre transporteurs et vendeurs (que le producteur reste maître de son produit) ;
– et ouvrir cet outil à d’autres acteurs afin de briser un monopole qui ne profite qu’aux groupes et non au pays entier. 

De même seraient ouverts les marchés de la prospection et des services pétroliers (géologie, analyse, outillage, maintenance…), aujourd’hui aux mains des trois compères nationaux. Ainsi, la Chine peut espérer réduire sa dépendance envers l’étranger. Le monopole de la prospection fait qu’aujourd’hui 95% du territoire reste à prospecter.
Justement, afin de soutenir l’exploration, le plan de réforme envisage l’introduction d’une taxe à l’extraction, qui alimentera un fonds (local) de subventions. 

Il faut se rappeler que la dérégulation des pipelines avait débuté en 2013 (CNPC cédant des parts sur une partie de son réseau), celle des services en 2014 (avec le regroupement de 8 groupes de services chez Yizheng Chemical Fibre, filiale Sinopec). Mais depuis, le mouvement était gelé dans l’attente d’une fixation de la politique. 

Le moment est donc propice pour cette réforme, en raison de l’affaiblissement visible des groupes pétroliers. Ils sont parmi les premiers visés par la campagne anti-corruption (cf procès de Zhou Yongkang), et frappés de plein fouet par la chute mondiale du cours du pétrole, de 100 à 60$/baril en un an. Ils ne peuvent plus non plus masquer leur faible gestion : en avril, en 12 mois, la CNPC perdait 96% de ses profits et de janvier à mars, les pétroliers perdaient 29,3%, quand le secteur privé enregistrait une hausse de 6,8%.

Pour ces raisons, en mai, tous voient leurs PDG permuter. A la CNPC, Zhou Jiping, nommé en 2013, est relayé par Wang Yilin, ex-patron de la CNOOC. Chez Sinopec, Fu Chengyu, quoique juste prorogé au-delà de l’âge de la retraite, se retire devant Wang Yupu, ex-Président de l’Académie de l’ingénierie, suite à l’inculpation (27/04) de Wang Tianpu, vice-CEO. A la CNOOC, le CEO Wang Yilin est relayé par son Président Yang Hua.

Malgré leurs pertes, ces groupes publics, pas seulement pétroliers, prospèrent en bourse de Shanghai : pour les désendetter, selon une source de la CASS, l’Etat incite l’épargnant à acheter leurs parts.
On l’aura remarqué, dans ce plan, bien des facettes manquent à l’appel. Vers quels métiers, quels continents ces géants voudront-ils se tourner, une fois libérés de l’obligation de tout faire par eux-mêmes ? Qui explorera le plus à l’intérieur du pays ? En dehors ? Qui nouera le plus de liens avec les « sept sœurs » multinationales ? 

CNOOC a son chemin tracé, étant le plus jeune et dynamique, propriétaire de technologies off-shore. CNPC pourrait vouloir étendre des JV pour exploiter ses droits pétroliers en Afrique (Soudan, Angola, Gabon) et en Amérique Latine (Brésil, Venezuela). Sinopec, suivant l’héritage de Fu Chengyu, pourrait évoluer d’un rôle de simple consortium gaz et pétrole, vers un groupe plus diversifié d’énergies nouvelles et de matériaux nouveaux. 

De même, quel sera le rôle d’un secteur pétrolier dérégulé, dans les projets du gouvernement de « Routes de la soie » ? Quels oléoducs et zones industrielles la Chine construira-t-elle entre Inde, Asie du Sud-Est et Asie Centrale, Afrique et Amérique Latine ? 

Une partie de la réponse dépend d’une autre réforme encore manquante, celle des prix de l’énergie. Au profit des énergies renouvelables, celle-ci défavorisera le charbon– qui, de janvier à avril, d’après Greenpeace, voit sa consommation baisser de 6,1% et ses émissions de CO2 de 5%. Mais inévitablement, les prix du pétrole vont devoir monter, de manière à encourager son usage parcimonieux.
A ce stade, les cartes ne sont pas abattues – mais vu l’audace des mesures envisagées, on peut prédire que cette fois, la Chine est prête, sous l’angle pétrolier, à changer de règles.

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
18 de Votes
Ecrire un commentaire