Petit Peuple : Nankin (Jiangsu) – La passion naturaliste de Shen Zhijun (2ème partie)

Nankin (Jiangsu) – La passion naturaliste de Shen Zhijun (2ème partie)

Au zoo Hongshan, de Nankin, après les années fastes du tournant du siècle, 2019 s’annonça comme calamiteuse et chargée d’orages peu communs !

L’été 2019, un incident rare et grave survint au parc animalier. Depuis sa naissance sur place en 1999, l’orang-outan Leshen était devenu une de ses mascottes de par sa beauté – un athlète humanoïde au poil oranger – et par son intelligence. Leshen savait se brosser les dents et nettoyer sa cage. Mais le 5 juin, trop d’affluence du public le fit sortir de ses gonds : au moyen de sa couverture, il neutralisa le câble électrifié du mur d’enceinte, arracha le grillage extérieur avant de s’enfuir parmi la foule, qui s’éparpilla terrorisée en tous sens. En urgence, le vétérinaire accourut armé de son fusil anesthésiant, et l’endormit d’une décharge à assommer un éléphant. Mais hélas, la dose mal calculée était trop forte : Leshen fut impossible à ranimer.

L’incident était prémonitoire : en 2020, la déferlante de COVID s’abattit sur le pays, privant le zoo de son public, et de ses recettes, indispensables pour payer les salaires et l’alimentation quotidienne des 2800 pensionnaires. Les bêtes maigrirent, devinrent léthargiques – un jour, l’on découvrit une antilope famélique qui pour son malheur s’était réfugiée dans l’enclos des loups, lesquels l’avaient égorgée et s’en repaissaient. Chaque jour, Shi Zhijun le directeur, faisait ses rondes à travers le parc, tentant de cacher son désarroi – mais ses cheveux, blanchissant, en disaient long sur sa détresse.

Au 15 mars 2020 après 51 jours de confinement, le retour à la normale suscita un moment d’espoir. Entre les diverses sections du zoo, un parcours à sens unique fut aménagé, sourcilleusement surveillé par les gardiens. A chaque entrée, un tapis rouge avait été déployé, et les média avaient été invités. Même la nature était de la partie – sur les pruniers et abricotiers portant leurs premières fleurs, le soleil jetait ses rayons bienveillants. Bref, tout était là – sauf le public. Au lieu des 20.000 visiteurs quotidiens qu’il recevait en moyenne avant la COVID, le parc dut admettre le soir venu en faisant sa caisse, qu’il n’en avait reçu que le dixième. Et encore, sur cette cohorte, les trois quarts étaient entrés gratis, personnes âgées, enfants, handicapés ou militaires, tous passés sur billets de faveur. C’en était à pleurer !

A l’aide de toute son équipe, Shi Zhijun s’adressa aux sponsors publics ou privés de la région pour qu’ils l’aident à franchir cette mauvaise passe. Après tout, avec ses 8,8 millions d’habitants au Jiangsu, la province la plus riche du pays, Nankin pouvait payer. Mais, ces efforts furent vains : l’un après l’autre, tous se défilèrent : les temps étaient durs pour tout le monde ! Dès lors, chaque nuit face aux échéances sans issue, Shen restait « dans l’attente vaine des bras de Morphée » (Yè bù chéngmèi, 夜不成寐). Dans l’année, 20% du personnel quitta le zoo – tous ceux qui ne pouvaient pas compter sur le salaire du conjoint pour joindre les deux bouts !

En août 2020, ayant épuisé toutes ses options, Shen osa enfin s’adresser à la seule autorité qu’il n’ait pas encore abordé : au maire de la ville, à qui il posta la lettre qu’il ressassait depuis des mois, retenu par la crainte de perdre la face. A présent au bord du gouffre, il n’avait plus le choix, et plus rien à perdre. Bien lui en prit : quelques semaines plus tard, il recevait 7 millions de yuans de fonds publics, permettant de payer les arriérés. C’était loin de suffire pour le tirer d’affaire, mais c’était sa première bouée de sauvetage !

Début 2021, l’embellie se précisa, aidée par un nombre d’initiatives déployées les mois précédents. En janvier, une campagne auprès du public rapporta 200.000 yuans. Shen les utilisa pour faire imprimer des T-shirts à l’effigie des espèces les plus célèbres, qu’il fit vendre sur la boutique du zoo en ligne – grand succès auprès des ados. Des camps d’observation furent organisés, ainsi que « semaines de la science » avec droits d’entrée. Et depuis 12 mois, 103 sessions de streaming s’étaient succédées pour permettre aux confinés d’observer les animaux sur internet : sans rapporter directement, ces activités, au moins, maintenaient le lien avec le public.

En février 2021, notre directeur imagina un ambitieux programme d’« adoption » d’un animal –signifiant en pratique le paiement d’un an de son entretien. Ouvert à tous, enfants ou adultes, classes scolaires ou groupes industriels, ce plan abondamment commenté dans les médias en a pour toutes les bourses, à 360 Yuans l’adoption d’une tortue, à 3000 celle d’un panda, et jusqu’à 10000 yuans celle d’un hippopotame. En échange, le sponsor peut baptiser « son » protégé, venir sur place deux fois le nourrir (sous la supervision rapprochée d’un responsable), et reçoit 10 entrées par an, ainsi qu’un diplôme d’honneur, voire une cérémonie. Et ce plan-là, enfin, rencontre le succès : il récompense son souci de répondre aux attentes des clients, et témoigne du fait que l’économie reprend du poil de la bête. Si, d’aventure, vous souhaitiez à votre tour parrainer un animal, et obtenir en prime une pancarte sur son enclos pour vanter votre mécénat, Shen Zhijun et son zoo de Hongshan vous attendent – appelez le  025-68150268 !

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