Agroalimentaire : L’année de tous les records laitiers

L’année de tous les records laitiers

Après huit ans de partenariat, Danone a décidé de vendre sa participation au capital du géant laitier Mengniu, valorisé à 1,8 milliard d’euros. Sous pression de ses actionnaires, le poids lourd de l’agroalimentaire français a conclu un accord pour convertir sa participation indirecte dans le 8ème producteur mondial, en une participation directe de 9,8%, estimée à 850 millions d’euros, qu’il devrait revendre courant 2021.

Actionnaire de Mengniu depuis 2013, Danone comptait sur le réseau de ventes du n°2 chinois pour développer ses activités dans le pays. En échange, le groupe basé à Hohhot (Mongolie-Intérieure) et coté en bourse à Hong Kong, espérait bénéficier des technologies et de l’expérience de Danone pour poursuivre sa diversification et son développement à l’international. Alors que Danone en Chine se spécialise dans l’eau en bouteille, les boissons vitaminées et la nutrition spécialisée, le groupe hexagonal a également investi localement dans la production de poudre de lait infantile, devenant ainsi un concurrent de Mengniu sur certains segments, observe Song Liang, analyste indépendant.

De fait, les géants chinois comme Mengniu, Yili ou Feihe, ont gagné du terrain depuis le scandale du lait à la mélamine en 2008. Ils ont réussi à regagner la confiance du consommateur à grand renfort de publicités, programmes de fidélité, groupes d’entraide pour les jeunes parents, livres pour enfants… Les contrôles douaniers renforcés des « dàigòu » (代购), agents envoyant depuis l’étranger des boites de poudre infantile, a également profité aux producteurs chinois. La Covid-19 a elle aussi stimulé les ventes des marques locales, moins chères que celles importées, victimes de perturbations logistiques. Ainsi, les importations de lait en poudre pour bébés se sont rétractées, reflétant également une baisse des naissances dans l’Empire du Milieu. D’ici 2035, un responsable du ministère de l’Agriculture à Pékin évalue que la consommation chinoise de lait infantile sera réduite de 30%.

Pour autant, 2020 n’a pas été une année noire pour toutes les importations de produits laitiers, bien au contraire ! En septembre dernier, la Chine a importé plus de 100 000 tonnes de lait liquide – un record. C’est aussi la première fois que les importations ont dépassé les 1 million de tonnes en un an (+16%). Malgré le fait que près de 85% des Chinois soient intolérants au lactose, ils n’ont jamais bu autant de lait qu’en 2020 : 36 kg par habitant, soit 6 fois le volume de 2012. Là encore, la Covid-19 a joué un rôle d’accélérateur de tendance, puisque les bienfaits du lait pour la santé ont été mis en avant pendant la pandémie, considéré comme un « fortifiant immunitaire ». Les directives nutritionnelles gouvernementales ont même encouragé le public à consommer une quantité équivalente à 300 grammes de lait liquide par jour.

Surfant sur cette appétence inflationniste, la production laitière domestique est passée de 32 millions de tonnes à 34,4 millions en 2020 (+7,5%) – record historique. C’est le fruit des efforts d’un plan de restructuration de la filière, débuté en 2018. Les élevages familiaux disparaissent progressivement au profit de grosses exploitations, voire géantes, comme les trois projets de 100 000 têtes dans le parc industriel laitier de Mengniu qui ont démarré en Mongolie intérieure en juillet 2020. Aujourd’hui, les fermes de plus de 1000 têtes représentent déjà 30% du cheptel laitier. Malgré cela, le pays produit un peu moins de 70% du lait qu’elle consomme, et reste dépendant du lait étranger, mais aussi de ses semences, de ses embryons, de ses génisses, son foin, de son maïs et de son soja…

En parallèle, les importations de beurre (+35%) et de crème (+21%) ont sensiblement progressé. Sur ces marchés, la France se classe n°2, bien après la Nouvelle-Zélande, géographiquement plus proche de la Chine, et moins taxée depuis l’accord de libre-échange signé en 2013.

Dernier Eldorado du secteur laitier, le marché du fromage (fondu, à tartiner, à pizza ou hamburger…) a augmenté de 17% par rapport à 2019, et devrait poursuivre sa croissance à un rythme annuel de 12% jusqu’en 2024, selon la firme de consulting Euromonitor. Les marques étrangères se disputent ce marché prometteur : l’allemande Milkana, acquise par le groupe hexagonal Savencia en 2008, se classe en tête des ventes l’an dernier (22,7%), suivie par La Vache qui Rit du groupe français Bel (7,7%), la néo-zélandaise Anchor (6,4%), puis l’américaine Kraft (5,5%). Cinquième du classement avec 4,8% des ventes, le groupe shanghaien Milkground est réputé pour ses snacks filandreux, en bâtonnets, aromatisés aux fruits ou au chocolat, dont raffolent les enfants. Flairant la bonne affaire, Mengniu a pris une participation à hauteur de 8% de Milkground. Mais il n’est pas le seul géant chinois à s’intéresser à ce marché pas encore « affiné » : Yili et Sanyuan sont également sur les rangs. La bataille s’annonce gratinée !

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