Début février, le Président Xi Jinping appelait les cadres à reprendre le contrôle du récit médiatique de l’épidémie. Diverses initiatives émergeaient peu après, au succès pour le moins mitigé.
La dernière en date (17 février) émanait de la Ligue de la Jeunesse : sur Weibo, elle présentait à ses 12 millions d’abonnés, deux nouveaux porte-paroles virtuels, Hongqi Man et Jiangshan Jiao (« drapeau rouge abondant » et « terre adorée »). Quelques heures plus tard, les avatars disparaissaient entièrement du web après avoir été critiqués par le public : « des gens meurent du virus, des médecins luttent pour sauver des vies, et pendant ce temps, vous essayez d’attirer notre attention sur des dessins animés ? » pouvait-on lire. « De quoi a-t-on le plus besoin ? D’un fort soutien matériel ou de puériles tentatives virtuelles de nous remonter le moral ? », déplorait un internaute.
Fin janvier, la CCTV retransmettait en direct pendant 10 jours la construction d’un hôpital d’urgence à Wuhan. A cette occasion, elle appelait les spectateurs à voter pour leur pelleteuse favorite (désignée en fonction de leur couleur). Mais l’initiative passait mal : « la situation est désastreuse et on nous propose un jeu » ?
De même, partager les sacrifices du personnel soignant ne fait pas recette. L’histoire de l’infirmière Zhao Yu (cf photo) enceinte de neuf mois mais continuant à travailler, ou celle de Huang Shan, de retour à l’hôpital 10 jours seulement après avoir fait une fausse-couche, suscitait l’indignation sur les réseaux sociaux : « arrêter de promouvoir l’inhumanité », « cette tentative de propagande est un échec ».
Réaction similaire à la vidéo publiée par le Gansu Daily (cf photo), où l’on peut voir une douzaine d’infirmières pleurer en silence alors qu’on leur rase la tête (pour faciliter le port d’un filet et ainsi éviter la propagation du virus). L’opération de communication, qui avait pour objectif de mettre en avant la bravoure des internautes, ne fit que les mettre en rage. Un article largement partagé sur WeChat appelait à « arrêter d’utiliser la situation de ces femmes comme des outils de propagande ».
Comme on le voit, si le recours à la propagande est quasi systématique en période de crise, l’opération ne réussit pas à tous les coups. Lors de la guerre commerciale ou pendant les manifestations à Hong Kong, les campagnes lancées avaient réussi à mobiliser autour des thématiques nationalistes et de souveraineté. Cette fois, le problème est domestique, et des voix divergentes s’élèvent, critiquant la gestion de l’épidémie. En fin de compte, la population n’a plus le cœur à se laisser distraire par des jeux ou des cartoons, ni l’envie de s’apitoyer sur le sort du personnel médical. Ce n’est pas que les gens y soient insensibles, bien au contraire : ils veulent simplement que des mesures soient prises pour que la solution s’améliore réellement. Il en va de la crédibilité du gouvernement.
1 Commentaire
severy
25 février 2020 à 20:32Certains profiteurs de l’épidémie chinoise n’hésiteraient peut-être pas à tirer parti de l’aubaine mercantile pour proposer aux pigeons des filets à papillons pour attraper les virus au vol, des masques oculaires à la Zorro, des parapluies anti-postillons, des fly-tox de poche, des cirés et des bottes antidérapantes pour les membres des services sanitaires, des maillets écrase-virus, des bouches à air périscopiques portatives pour éviter de respirer l’air vicié du commun des mortels, des repousse-haleine omnidirectionnels, des bouchons à enfoncer dans l’orifice buccal des personnes suspectes, des guillotines à cran d’arrêt pour les malades confirmés qui se sont échappés des centres de détention médicalisés, des lettres de délation pour les arrivistes aux dents longues et des pilules-miracle en mélatonine pour guérir en trois jours. La propagation de l’épidémie serait-elle devenue une bien regrettable source de l’esprit de libre entreprise aux caractéristiques chinoises? Nous le saurons bientôt en observant la courbe croissante du nombre des millionnaires en République populaire. Sombre tableau.