A Pékin, à la CCPPC (Conférence Consultative) et l’ANP (Assemblée Nationale) siègent 5000 édiles pour 15 jours. C’est cinq jours de plus que d’ordinaire, en raison du débat sur les amendements à la Constitution. Outre ce sujet crucial, tout est abordé, permettant de fréquentes envolées lyriques et –parfois– un reflet des soucis de la population.
Les édiles : issus d’un processus de recrutement non transparent, plus de 50% des membres de la CCPPC ont été renouvelés, et proviennent surtout du secteur de l’internet, de l’intelligence artificielle, des nanotechnologies ou de la robotique. Parmi les nouveaux ténors, dans les deux assemblées, se distinguent Robin Li (moteur de recherche—Baidu), Lei Jun (électronique—Xiaomi) Liu Qiangdong (e-commerce—JD.com) ou Liu Qingfeng (reconnaissance vocale—iFlyTek)….
En terme de richesse privée, les 100 édiles les plus fortunés des deux Assemblées dépassent 617 milliards de $, et leur pactole a progressé d’un tiers en 12 mois, bien plus vite que le PIB de +7,1%. La palme revenant à Pony Ma Huateng, PDG de Tencent, disposant de 46 milliards de $.
En terme d’égalité des genres, l’ANP compte 24,9% de femmes (+1,5%) – c’est mieux que la CCPPC qui n’en compte que 20%. Il reste encore du chemin à parcourir avant d’atteindre les 45% du Parlement suédois, ou les 39% du Palais Bourbon (France).
La suppression de la limite à 10 ans du mandat du Président est la question centrale. Li Keqiang assure que la proposition a été formulée sur demande « unanime » de la base. 2600 cadres provinciaux et des 8 mini-partis non communistes l’auraient plébiscité, selon Wang Chen, secrétaire général de la session. Zhang Donghe, édile du Hebei, renchérit : « quand on trouve un bon leader, on se le garde, pour toujours ». Un porte-parole ajoute que ce rallongement sine die du mandat serait devenu nécessaire « pour protéger l’autorité du Parti ». Et pourtant, avec infinie prudence, plusieurs politologues en fin de carrière, suggèrent que de telles déclarations explicitent l’existence de voix dissonantes que le Parti se sent obligé, par son tir de barrage, d’étouffer dans l’œuf.
Tibet : C’est la première voix un peu moins apprêtée, et elle est tibétaine. Guowa Jiamaoji, du Qinghai ose reprocher au leadership local son soupçon systématique de séparatisme envers tout Tibétain. Une telle discrimination est nuisible à l’unité nationale. A Pékin, les Tibétains se voient refoulés des hôtels. Sur le plateau tibétain, leur réseau téléphonique est bridé en 2G, et non au 4G pratiqué ailleurs. De plus, les cadres envoyés au Tibet, ne restent que 3-4 ans, et ne parlent pas la langue : « il faudrait nommer plus de cadres locaux : nos éleveurs et fermiers écouteraient plus les cadres, et moins les moines, si on leur parlait en leur langue » !
Budget : La diplomatie sourit : elle reçoit 60 milliards de yuans (19,45 milliards de $) – un budget en hausse 15,6% – afin de lui permettre d’accompagner l’initiative BRI (Belt & Road, « Ceinture et Route »). Pour lancer en Afrique ou en Asie les routes, barrages ou zones industrielles projetés, il ne suffira pas d’envoyer les rails, les locomotives ou des sacs de ciment. Des diplomates, linguistes, juristes, ingénieurs, seront nécessaires. Il faudra aussi des hommes pour négocier un droit nouveau, des normes nouvelles. Dans cette perspective, Pékin accueillera le Forum de coopération Chine-Afrique en septembre, et Shanghai organisera la 1ère Foire mondiale BRI en novembre.
La diplomatie sourit, mais la défense rit jaune, voyant son budget en-dessous de la barre des 10% depuis trois ans. Pour 2018, il sera de 8,1%. Les 1100 milliards de yuans alloués ne représentent que 25% du budget de l’US Army. Or, rappelle l’analyste Zhou Chenming, sa capacité à financer sa modernisation a été freinée par le devoir de dédommager 300.000 soldats limogés depuis 2015.
Accès au marché : Ning Jizhe, n°2 à la NDRC le précise, l’Etat parachève un plan pour relever « fortement » les barrières à l’investissement étranger dans les services financiers – marchés à terme, bourse, fonds de placement, pour mettre étrangers et Chinois sur pied d’égalité. C’est officiellement en réaction à un déclin des investissements directs étrangers (IDE) de 9,2% en décembre. Implicitement, c’est bien sûr aussi dans l’espoir de prévenir la guerre commerciale avec les Etats- Unis, conflit auquel l’Europe se joindrait rapidement.
Chen Min’er, patron de Chongqing trouve que sa ville n’en finit pas de payer la note d’une gestion calamiteuse jusqu’en 2012 par Bo Xilai. La corruption de Bo et celle de son successeur Sun Zhengcai « n’étaient pas ordinaires mais politiques » et tous deux étaient un « danger majeur, caché » pour le Parti. Chen Min’er fait ainsi une nouvelle allusion à deux tentatives de coup d’Etat qui auraient été instiguées en 2012 et 2017. Heureusement, depuis que Chen est à la barre et grâce au « leadership correct du Secrétaire général Xi Jinping », tout est rentré dans l’ordre, Chongqing va de l’avant et l’avenir est assuré.
Spatial : Yang Liwei, N°2 technique du programme spatial, annonce l’accélération des fréquences des missions de cabines spatiales habitées, à deux par an. Le recrutement de spationautes, ingénieurs, monteurs ou pilotes, est imminent pour bâtir et faire fonctionner la future station permanente chinoise de 60 tonnes, sur orbite dès 2022. Le programme spatial chinois dispose depuis peu d’un nouvel outil : un drone, testé en janvier, mis sur orbite à 5 fois la vitesse du son avant de retourner à bon port à sa base de Jiuquan (Mongolie Intérieure).
Sommaire N° 9 (2018)