Politique : Menu de la session ANP

Mises à part les intrigues autour des promotions du second quinquennat (2017-2022), le Plenum de l’ANP est le lieu où se discutent les affaires du peuple, celles du pays et du monde.

Un sujet sera la relation aux Etats-Unis. Même avec D. Trump aux commandes, l’Amérique reste irremplaçable. Aussi du 27 février au 1er mars, le Conseiller d’Etat Yang Jiechi rencontra à Washington Trump et son entourage pour préparer une visite de Xi Jinping – date non fixée mais pouvant être dévoilée durant le Plenum.

Chaque année, les deux assemblées de l’ANP et de la CCPPC engrangent les doléances de la base. L’une concerne la sécurité alimentaire : en une directive du 21 février, le Conseil d’Etat prenait les devants en durcissant les plafonds de pesticides et antibiotiques tolérables dans les denrées et produits ménagers, importés comme locaux, ainsi que les normes des différents produits d’emballage alimentaire. 20 nouveaux ports de débarquement de denrées devront disposer de services d’inspection sanitaire et de quarantaine.

On parlera aussi de lois sociales, telle celle du divorce. Avec 3 millions de séparations par an, la Chine à présent divorce plus qu’elle ne se marie. Or, la loi ne suit pas. Par exemple, du fait d’une mauvaise communication entre époux, mari et femme ne connaissent pas les décisions prises par l’un et l’autre, y compris financières. Et pourtant la loi impose aux divorcés d’assumer ensemble la responsabilité des dettes contractées durant l’union—si l’un est insolvable, l’autre doit payer. Et c’est alors qu’apparait cette réalité de terrain, dévoilée par les sondages : parmi les divorcés endettés, 87% sont des femmes, et leurs dettes proviennent de leur mari, souvent contractées au jeu, parfois en millions de yuans. 80% de ces malheureuses disent n’avoir rien su de ces dettes tenues secrètes par leur mari : elles se trouvent ruinées pour des années, avec en prime, l’enfant à élever. Aussi à l’ANP, figure un projet d’amendement pour rectifier la loi.

Autre projet : à partir du second enfant, Pékin réfléchit à des allocations familiales pour relancer la natalité mise à mal par 40 ans de limitation contraignante à un enfant par foyer. Depuis 2015, les parents ont droit à un second, ce qui en 2016, a apporté 1,3 million de naissances en plus. Mais l’Etat sait que la vague nataliste ne durera pas, et ne compensera pas le déclin déjà visible des cohortes de travailleurs—d’autant qu’une majorité de femmes, dissuadées par les coûts élevés, refuse de faire un deuxième enfant. Seule solution pour l’Etat : l’encouragement financier, prévu pour l’instant sous forme de gratuité de la crèche ou de la maternelle.

Dans le souci professé par Xi Jinping lui-même, Pékin réitère sa vieille promesse d’éradiquer d’ici 2020 la pauvreté (selon le critère de moins de 2.300 yuans/an par habitant). Pour ce faire, le régime doit faire franchir la barre à 10 millions de ruraux chaque année. Un formidable travail a été réalisé, ramenant les 122 millions de pauvres de 2011 à « 40 millions » en 2016. L’Etat a réalisé cet effort en fournissant aux paysans l’eau, les semences, de la formation, des microcrédits et projets associatifs, de la reconversion vers d’autres métiers. Mais les édiles auront noté le bémol d’Ou Qingping, directeur au Conseil d’Etat : en certaines contrées, le fonctionnaire opportuniste ne peut parfois s’empêcher d’embellir son bilan en fournissant aux pauvres des repas, sans rien faire pour améliorer leur condition économique.

Le plus grand dossier de l’ANP sera la dette des firmes d’Etat et des provinces, et ces entreprises « zombies » du charbon, de l’acier ou de l’énergie, qui polluent et fonctionnent sans profit, dévorant les subsides sans générer de croissance. Xiao Yaqing, Président de la SASAC (l’agence de supervision des consortia d’Etat) prétendait le 24 février réussir à résorber une partie de ces surcapacités—de fermer 500.000 emplois inutiles. 200 fonds de soutien (87 milliards de $) doivent aider au dégraissage.

Cette promesse est loin d’être la première, et donc à prendre avec des gants. Toutefois, l’Etat est peut-être sérieux, cette année, dans sa résolution, car il n’a plus le choix – sa dette explose. Vu leur pouvoir et leur entregent, provinces et conglomérats doivent pour se refinancer, lever des fonds en bourse, mais à des taux toujours plus élevés et sans pouvoir rien faire pour s’arracher au maelstrom de la faillite. En 2015 et 2016, selon Gavekal Dragonomics, les levées secondaires (les émissions d’actions de firmes déjà en bourse) atteignaient 466 milliards de $, plus que la recette cumulée des années 2009-2014, et 563 firmes attendaient leur tour en bourse pour aller puiser l’épargne des ménages. Face à cette réalité, l’ANP va prêcher le désendettement—mais sans avouer ce vrai constat d’échec : les premières gaspilleuses de ressources sont les provinces et leurs consortia.

Quelles autres décision à attendre du Plenum ? Peut-être une nouvelle taxe sur les « biens partagés » – parmi ceux-ci, les millions de vélos Ofo ou Mobike. Cette économie parallèle a doublé en volume en 2016 (à 503 milliards de $). Elle compte 60 millions de fournisseurs (le sextuple de l’an 2015) et 600 millions de clients.

Le dossier de Hong Kong sera sans doute évoqué, un nouveau Chef de l’Exécutif devant être élu fin mars. Parmi les candidats comptent deux favoris : celui de Pékin, Mme Carrie Lam (l’ex-n°2), et celui du public Donald Tsang, l’ex-trésorier.

Enfin, la Commission nationale de l’Education insiste pour renforcer l’enseignent de l’idéologie dans les universités, la position de « cœur du Parti » de Xi, le rejet des « valeurs occidentales ». A 8 mois du XIXème Congrès et dans l’actuelle course aux promotions, un tel étalage de zèle du ministre de l’Education, n’est pas surprenant.

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