Diplomatie : L’opinion publique chinoise pro-Russe… du moins en apparence

L’opinion publique chinoise pro-Russe… du moins en apparence

Alors que la guerre en Ukraine entre dans sa troisième semaine, Pékin renforce son contrôle de l’information sur la toile chinoise, tentant de camoufler l’ampleur de la crise déclenchée par le Président russe, avec qui Xi Jinping a célébré un « partenariat sans limites » le 4 février dernier.

Depuis le début de la crise, le gouvernement chinois refuse de condamner l’invasion ordonnée par le maître du Kremlin, se contentant de la qualifier « d’opération militaire spéciale ».

Ainsi, la presse a reçu pour consigne d’éviter de publier tout contenu négatif à l’égard de la Russie et toute remarque positive à l’encontre des pays occidentaux. Les médias officiels se bornent donc à diffuser des images du conflit, mais restent silencieux sur la résilience des forces ukrainiennes, les deux millions de réfugiés, les centaines de victimes civiles, ou encore les manifestations en Russie contre la guerre.

La ligne officielle est la suivante : ce sont les États-Unis et les membres de l’OTAN qui ont poussé Moscou à se défendre, et si la Chine ne soutient pas la Russie, elle pourrait à son tour se retrouver agressée par l’OTAN (ou plutôt l’AUKUS).

C’est donc sans surprise qu’une apparente majorité d’internautes chinois cautionne les raisons qui ont conduit la Russie à prendre les armes, accusant les États-Unis et ses alliés d’avoir « provoqué » Moscou.

Certains vont même jusqu’à suggérer que le gouvernement ukrainien a eu ce qu’il méritait en tentant de se rapprocher de l’Europe et de l’OTAN, des partenaires « non fiables » ayant « abandonné » l’Ukraine face aux forces militaires russes.

Parallèlement, Vladimir Poutine est présenté comme un leader courageux, osant se dresser contre l’Occident pour défendre son pays. La promesse qu’aucun civil ukrainien ne soit attaqué lui a même valu le surnom de « bienfaiteur de la paix ».

Même si l’opinion publique chinoise semble s’être rangée du côté russe, il convient néanmoins d’éviter de tirer toute conclusion hâtive en se basant uniquement sur les réseaux sociaux. D’abord, parce que la plupart des Chinois s’expriment difficilement sur des questions politiques et encore moins sur internet. Ensuite, parce que la portée des messages les plus chauvins est amplifiée par la censure de toute voix dissonante.

C’est le cas de plusieurs acteurs, animateurs TV, sportifs, commentateurs qui ont vu leurs messages supprimés et leurs comptes suspendus sur les réseaux sociaux pour s’être déclarés contre la guerre en Ukraine. Des prises de position qui leur ont valu d’être qualifiés de « pro-américains ».

Cinq historiens issus des plus grandes universités du pays ont également vu leur lettre ouverte, dénonçant l’action de la Russie sur son voisin, disparaître de la toile en moins de trois heures. Ils ont ensuite été attaqués par une horde de « trolls » les traitant de « traîtres ». « Pourquoi n’avez-vous rien dit lors de l’invasion américaine en Irak ? », a ironisé l’un d’eux.

Même le président du Comité International Paralympique (CIP), Andrew Parsons, a vu son discours d’ouverture des Jeux d’hiver tronqué par la télévision chinoise. Le passage où il appelait au « au dialogue et à diplomatie, pas à la guerre et à la haine », n’a pas été traduit. Les organisateurs ont également baissé le son de l’allocution à ce moment précis dans le stade du « Nid d’oiseau » à Pékin, qui comptait dans ses tribunes le Président Xi Jinping. Depuis, le CIP a demandé des explications. En vain…

Ambassade du Canada à Pékin avec le message : « nous sommes avec l’Ukraine »

Pour faire diversion, la propagande met en avant des sujets connexes, comme le bombardement de l’ambassade chinoise à Belgrade par l’aviation de l’OTAN en 1999, le statut de Taïwan, l’île « renégate » qu’il convient de réunifier en temps utile, ou encore la prétendue découverte de 26 laboratoires biologiques militaires américains en Ukraine.  

Quelques rares citoyens chinois essaient tout de même de percer ce brouillard de désinformation, en réfutant la propagande russe, en démêlant le vrai du faux ou en postant des vidéos depuis l’Ukraine.

Différentes ambassades occidentales ont également eu recours à des procédés similaires sur Weibo afin d’offrir une autre vision du conflit aux internautes chinois.

Cette « bataille » pour l’opinion publique chinoise souligne le rôle que la Chine et ses citoyens pourraient jouer dans ce conflit. En effet, il ne faut pas sous-estimer la capacité du public chinois à influencer les politiques du gouvernement. L’indignation provoquée par la vidéo d’une femme retrouvée enchaînée par son mari dans une cahute, en est le dernier exemple.

Cependant, même si l’opinion chinoise changeait soudainement de camp, il est peu probable que Pékin se laisse convaincre d’endosser le rôle de médiateur que l’Europe tient tant à lui confier. La Chine n’acceptera de jouer le jeu que si elle est sûre d’être en mesure d’arracher à Poutine un compromis, ce qui est loin d’être acquis.

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