Difficile d’échapper à la frénésie du « metaverse » (元宇宙 ; yuán yǔzhòu), cette technologie présentée comme une version 3D du cyberespace dans laquelle l’utilisateur, muni d’un casque de réalité virtuelle, évolue sous forme d’avatar.
Dans ce monde virtuel, il pourra retrouver ses amis, aller à un concert, essayer des vêtements, faire ses courses au supermarché, suivre des cours dans une université étrangère, participer à une réunion de travail, voire voyager à l’autre bout du monde, le tout sans jamais quitter son canapé ! Même si la définition du « metaverse » fait encore débat, la technologie pourrait bien voir le jour d’ici une décennie ou deux.
Le géant américain Facebook y voit le « successeur de l’internet » et en a même fait sa nouvelle identité en septembre 2021, en se rebaptisant Meta. Depuis lors, le nombre de demandes de dépôt de marques liées à cet univers immersif a atteint les 16 000 en Chine, le double d’il y a deux mois, selon l’administration nationale de la propriété intellectuelle.
Parmi les 1600 demandeurs, les fleurons de la tech chinoise, à savoir Tencent, Alibaba, ByteDance, iQiyi, Xiaohongshu, Baidu, NetEase, Huawei, Xiaomi, ZTE… ainsi qu’une ribambelle de start-ups, qui espèrent augmenter leur valorisation en surfant sur la tendance « meta ». Selon le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers, le marché chinois du metaverse devrait croître de 13% par an pour atteindre les 1500 milliards de $ d’ici 2030.
Même les municipalités comme Shanghai, Pékin et Wuhan, ainsi que les provinces comme le Zhejiang, le Jiangsu et le Guizhou, tentent de tirer leur épingle du jeu en intégrant le metaverse dans leurs prochains plans quinquennaux, en lui dédiant des parcs industriels et en organisant des séminaires sur le sujet. Pour les cadres, c’est une manière de prouver à leurs supérieurs hiérarchiques qu’ils ont à cœur de promouvoir l’innovation et les nouvelles technologies.
Leur enthousiasme n’est cependant pas partagé par tout le monde. Fin octobre, le think tank China Institutes of Contemporary International Relations (CICIR), affilié à l’État, a affirmé que le métaverse présentait un risque pour la « sécurité nationale » du pays.
De surcroît, la reprise en main réglementaire des géants de la tech, des éditeurs de jeux vidéo, des plateformes de livraison de repas, de VTC et des crypto-devises, pourrait présager d’une certaine hostilité du gouvernement envers tout secteur qui ne contribue pas suffisamment à « l’économie réelle ».
Pour autant, cela ne veut pas dire que Pékin compte bannir le metaverse. Au contraire, le Parti pourrait être tenté de s’en servir pour atteindre ses propres objectifs, que ce soit en matière de consommation, d’innovation ou de propagande. La Chine pourrait même ambitionner de devenir l’un des leaders de cette technologie de manière à imposer sa vision du metaverse à l’international. C’est sûrement la raison pour laquelle le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information (MIIT) a ajouté sur sa liste des PME innovantes à encourager, celles associées au metaverse.
Mais alors, à quoi ressemble(ra) le metaverse chinois ? Selon toute vraisemblance, le gouvernement voudra garder la haute main sur ce monde virtuel, comme il le fait déjà sur son internet. Étant donné que les technologies liées au metaverse n’en sont encore qu’à leurs balbutiements, Pékin a toute la latitude nécessaire pour les assimiler et les contrôler, surtout depuis qu’il a rappelé à l’ordre ses géants de la tech.
Sans être devin, il est probable que le metaverse chinois sera accessible aux seuls usagers enregistrés sous leur véritable identité ; que les règles applicables aux jeux vidéo le seront également dans le metaverse (choix d’un pseudo décent, contenu violent ou pornographique interdit, commentaires politiques proscrits, limite de temps pour les mineurs…) ; que seules les célébrités aux valeurs morales « correctes » seront exposées ; que les règles de censure imposées aux médias seront transposées virtuellement ; que les cryptomonnaies y seront bannies, remplacées par le yuan digital officiel ; et que les transactions de NFT et les achats de logements virtuels seront surveillés de près pour éviter toute bulle spéculative… Rien à voir donc avec la vision libertaire du metaverse qui prédomine ailleurs dans le monde.
Malgré toutes ces restrictions, le metaverse « aux caractéristiques chinoises » pourrait rapidement se développer en Chine, porté par un engouement jamais démenti du consommateur chinois pour toute nouveauté, particulièrement lorsqu’il s’agit de divertissement en ligne. De là à renommer « l’Empire du Milieu » en « Empire du Metaverse » ?
1 Commentaire
severy
9 mars 2022 à 01:16Ah! le métaverse, ce splendide champ de contrôle de la pensée par des forces sombres au service d’idéologies dangereuses! Quel individu écervelé ne se jetterait dans cet attirant piège où il se retrouverait « virtuellement » pied et poing liés à la merci d’une entité dont il n’a pas même conscience? Sans compter les dangers plantés par des gens malintentionnés qui pourraient sans crier gare le maîtriser, le déshabiller, le voler, le violer et laisser des séquelles psychologiques dont il ne se remettrait peut-être pas. Le métaverse a des dangers dont on ne se rend compte que lorsqu’il est trop tard. Méfions-nous-en.