Trois semaines après avoir scellé « un partenariat sans limite » avec la Russie le jour de l’ouverture ses Jeux Olympiques d’hiver (4 février), la Chine se retrouve dans une position extrêmement délicate suite à l’invasion de l’Ukraine sur ordre du Président Poutine.
Alors que les pays occidentaux fourbissent leurs sanctions économiques contre Moscou, la Chine refuse de condamner l’action militaire de la Russie et d’employer le terme « d’invasion ».
Lors du vote du projet de résolution au Conseil de Sécurité de l’ONU qui déplorait « l’agression contre l’Ukraine », la Chine s’est logiquement abstenue, tout comme l’Inde et les Émirats Arabes Unis.
Depuis le début de l’offensive ordonnée par le Kremlin, qui brandit à présent la menace nucléaire, la Chine soutient plus ouvertement la Russie, s’opposant aux sanctions occidentales et accusant les Etats-Unis d’être responsables du conflit.
Pourtant, les jours précédents « l’opération militaire russe », Pékin semblait encore sincèrement croire à la possibilité d’une désescalade tout en soulignant que tous les pays devaient voir leur souveraineté nationale respectée, l’Ukraine y compris.
Ce qui amène à la question suivante : la Chine avait-elle minimisé les menaces d’invasion du Kremlin ? Vladimir Poutine avait-il partagé ses intentions avec son « ami » Xi Jinping avant la signature de leur déclaration conjointe contre l’ordre occidental le 4 février ?
Plusieurs éléments sèment le doute, à commencer par le fait que de nombreux experts chinois ne semblaient pas réellement envisager le scénario d’une invasion russe jusqu’au jour-J. Ce sont les mêmes qui ont souligné le « manque de fiabilité » des renseignements américains lorsque ceux-ci ont erronément prédit la date de l’offensive russe. Il y a aussi le fait que quelques jours avant l’attaque, l’ambassade de la RPC à Kiev apparaissait plus préoccupée par la situation sanitaire que par l’évacuation de ses ressortissants.
D’après le New York Times, Washington avait pourtant prévenu les dirigeants chinois des projets de Poutine et sollicité leur aide pour convaincre le leader russe de renoncer. Ces inquiétudes n’auraient pas été prises au sérieux par Pékin, qui aurait par la suite partagé ces informations avec le Kremlin.
Et pourtant, plusieurs experts étrangers n’imaginent pas que le Président russe se serait lancé dans une telle aventure sans avoir reçu des garanties plus ou moins explicites de la part de Pékin.
Même si le gouvernement chinois dément catégoriquement avoir demandé à Moscou de respecter la trêve olympique avant de déclencher les hostilités, le Kremlin a néanmoins attendu 24h après la fin des JO d’hiver pour reconnaitre les deux régions séparatistes de l’Ukraine.
Cependant, l’aventurisme militaire de Moscou met le dirigeant chinois dans l’embarras, lui qui ambitionne de sécuriser un troisième mandat à l’automne prochain et qui aurait sûrement préféré que la stabilité géopolitique et économique mondiale soit préservée avant cette échéance cruciale.
En effet, Pékin aura tout le mal du monde à concilier son partenariat stratégique avec Moscou, son sacro-saint principe de non-interférence et de respect de l’intégrité territoriale, et son désir de minimiser les dégâts dans ses relations avec l’Europe et les Etats-Unis. L’équilibre entre les trois s’annonce d’ores et déjà introuvable, et Pékin sera amené à faire évoluer sa position sous le regard attentif du monde entier. Sans quoi, la Chine ratera une occasion de se présenter sur la scène internationale comme la puissance responsable qu’elle aspire à devenir.
Sommaire N° 8 (2022)