Corées : Lâchée par la Chine

Se peut-il que l’assassinat par Kim Jung-un, le tyran de Corée du Nord, de son demi-frère en exil Kim Jong-nam, soit « le pont trop loin », qui menace de précipiter la fin du régime ? À tout le moins, les signaux d’alarme qui s’accumulent, forcent à envisager cette hypothèse.

Le 11 février, le lancement d’un missile ICBN (moyenne-longue portée) était déjà une provocation envers la Chine, au moins autant qu’envers les USA. Depuis 12 mois, Pékin tentait de dissuader les Etats-Unis d’Obama d’installer une rampe antimissile THAAD en Corée du Sud, pour faire bouclier contre d’éventuels tirs vers des métropoles de sa côte-Ouest. Mais bien sûr, ce système d’armes pourrait aussi neutraliser des fusées chinoises – tel ce lanceur testé par l’APL fin janvier, d’une capacité de 10 têtes nucléaires. Dès lors, le THAAD affaiblirait de facto la force de dissuasion nucléaire chinoise—une situation inacceptable pour la Chine. Auprès de Washington comme de Séoul, la Chine jouait de cet argument : même si l’inquiétude face à Pyongyang pouvait se comprendre, l’affaire devait se régler par la diplomatie. Cependant, après le dernier test balistique nord-coréen, différer davantage l’installation du THAAD devenait irrecevable pour la Corée du Sud et les USA—ce que Kim Jong-un savait pertinemment, au moment de donner l’ordre de tirer.

Il savait aussi que le jour où son armée disposerait d’un missile intercontinental capable de toucher les États-Unis, et d’une bombe en état d’exploser, Washington ne pourrait pas se laisser faire et frapperait préventivement – surtout avec un Président impulsif comme D. Trump. Dès lors, la Chine se retrouverait face au dilemme impossible de devoir soutenir militairement les USA capitalistes, contre sa petite sœur d’armes socialiste…

Puis vint le 13 février, jour de la seconde folie du « Cher leader » (surnom officiel de Kim Jong-un, le petit fils du « Grand Leader » Kim Il-sung). A l’aéroport de Kuala Lumpur en Malaisie, il fit empoisonner Kim Jong-nam. Deux femmes étrangères avaient été recrutées par une équipe de nord-coréens en lien avec leur ambassade – l’un des hommes est arrêté et trois, de retour immédiat à Pyongyang, sont sous mandat d’arrêt par Interpol. Ce n’était pas la première fois que Kim Jong-un tentait de faire tuer son demi-frère, en exil de Corée du Nord depuis 15 ans et résident à Macao. Mais Kim Jong-nam était protégé par Pékin, qui misait sur lui au cas où son despote de demi-frère tomberait, afin d’orienter le pays dans un sens plus pacifique, de développement économique, plus conforme aux intérêts et à la vision politique de la Chine. Déjà en 2014, Kim Jong-un avait aussi fait exécuter dans des conditions aussi mystérieuses qu’atroces, son oncle Jang Song-taek, qui lui aussi était allié de Pékin. En 48 heures, ce sont donc deux actes de défiance à l’égard de la Chine qu’a ordonné le patron du petit « pays du matin calme ». 

Aussi la réaction du Président Xi Jinping a été exceptionnelle : le 19 février, il faisait fermer ses frontières au charbon nord-coréen jusqu’à la fin de l’année, causant au pays voisin la perte d’un milliard de dollars de recettes. Xi et Kim Jong-un, au demeurant, semblent être loin de s’apprécier. Kim Jong-il, père de l’actuel dictateur, avait rendu visite à la Chine sept fois en onze ans de règne—même sur la fin, quand sa santé ne tenait plus qu’à un fil— mais Kim Jong-un lui n’a encore jamais fait le voyage…

La décision de Xi Jinping était inouïe. Auparavant, la Chine n’avait jamais réellement appliqué de sanctions dures contre la Corée du Nord, même si elle en avait laissé passe plusieurs au Conseil de Sécurité (en renonçant à imposer son veto). Mais sans les faire suivre d’une application autre que symbolique. Pour cette raison, la plupart des observateurs ne voyaient en cette sanction guère plus qu’une « invitation » à négocier, d’un bras de fer sur le programme nucléaire du petit pays stalinien, la sanction pouvant être levée si Pékin obtenait satisfaction.

Mais pour la Corée du Nord, c’est un casus belli. Ce pays sous énorme pression idéologique et qui se maintient en mobilisation permanente depuis des décennies, se sent prêt à se défendre les armes à la main contre quiconque, au premier signal.

Aussi quelques jours plus tard, le petit dictateur, non sans panache, crache par voie de sa presse officielle des insultes contre deux de ses derniers alliés. Contre la Chine : sa sanction « ne vaut pas mieux que les gestes de l’ennemi pour abattre le système social de la RDPC » (nom officiel du régime), et la Chine, valet des Etats-Unis, « danse à présent sur la musique » de ces derniers. La Malaisie aussi subit la colère nord-coréenne pour refuser de rendre le cadavre du demi-frère, tout en poursuivant son autopsie, elle « participe au racket conspiratoire lancé par la Corée du Sud ».

Le ton monte donc, même en Chine. Au ministère de la Défense, un porte-parole, le 23 février, informait la presse d’un ton glacial que l’APL « prendra toutes les mesures, selon les besoins qui surgiront de l’environnement sécuritaire, pour défendre l’intégrité et la souveraineté nationale ». Un tel langage, d’ordinaire réservé à des puissances ennemies, est là pour informer que la Chine s’attend à la chute du régime, soit par coup d’Etat interne, soit par un acte désespéré de Kim Jong-un avec son armée d’un million d’hommes pour une population de 20 millions d’habitants.

Voilà où l’on en est. Ajoutons qu’au Congrès américain, la fraction républicaine de Trump, majoritaire, se prépare à réinscrire la Corée sur une liste des « Etats-voyous », afin de renforcer encore les sanctions à son encontre…

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1 Commentaire
  1. severy

    Plus vite ce régime tombera, plus vite la population nord-coréenne cessera de se serrer la ceinture et de sucer la moelle des os de ceux que ce pays a sacrifiés sur l’autel de la psychopathie institutionnelle.

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