Economie : Relance et crédit…

Esquissé la semaine passée au Vent de la Chine n°7, le plan de relance de l’économie promet d’être au cœur des débats de la CCPPC et de l’ANP, d’autant qu’il se conjugue avec le tout jeune 13ème Plan quinquennal (2016-2020). 

À peine le G20 terminé, où les autorités chinoises avaient rassuré le monde vis-à-vis de tout risque de stimulus solution de facilité qui aurait exporté « sa » crise à l’étranger – voici que Li Keqiang dévoile au secrétaire d’Etat au Trésor américain Jack Lew son intention de permettre une croissance monétaire de 13% pour 2016. Cet argent frais ira aux « réformes structurelles du secteur de l’offre ». Le 1er mars aussi, la Banque Centrale coupait de 0,5% le taux des réserves obligatoires des banques (à 17% du capital), libérant 100 milliards de $ pour les prêts. 

Cette bouffée d’oxygène aiderait aussi les provinces à éliminer leurs usines et mines en surcapacité, comme ces 1000 mines de charbon devant fermer en 2016, rayant de l’inventaire 60 millions de tonnes de houille inutile. Ce choix de la Banque Centrale exprime une sensibilité qui évolue : Pékin ne s’inquiète plus du risque de chute et d’hémorragie du yuan vers l’étranger, mais veut consolider sa bourse. Il suggère aussi que l’Etat ne vise plus une dévaluation lente, mais le maintien d’un Yuan fort—bon pour les achats d’actifs hors frontières, et pour le niveau des dettes en devises.

Mais cette relaxe de la ceinture du crédit dans les banques n’est pas forcément rassurante. A l’origine, la crise financière chinoise est due à l’accès discriminatoire au crédit, en faveur des provinces et des conglomérats. Or ce système étant toujours d’active, ne pourra qu’entraîner les mêmes effets : des projets de qualité douteuse, et le refinancement des dettes d’entreprises « zombies », au lieu de financer leur fermeture. 

A ce propos, à la veille de l’ouverture du Plenum, l’Etat dévoilait une donnée capitale : le nombre d’emplois à supprimer sous deux à trois ans serait de « 5 à 6 millions », dont le tiers dans la houille et l’aciérie où 23 milliards de $ seraient réservés pour soutenir les chômeurs (formation, création d’ emplois). S’agissant de 150.000 firmes publiques à travers le territoire, dont la majorité endettées ou à faibles profits, cette évaluation est forcément un euphémisme. Mais le seul fait pour les autorités d’en faire état, traduit un tournant dans l’histoire d’un pays où jusqu’alors industrie rimait avec ouvriérisme.

Un autre pan de cet assainissement de l’économie est la réforme des retraites. Aujourd’hui, seuls 6% des 3200 milliards de $ placés en Chine, viennent des fonds de pensions. Mais les choses vont changer. Dès 2014, suite aux exemptions de taxes octroyées aux cotisants (4% du salaire annuel pour l’employé et 8,3% pour la part patronale), la masse d’argent placée dans les fonds de pension augmentait de 9,3%. Résultat, selon China Business News, le fonds public devrait d’ici 2020 placer 310 milliards de $, et les fonds privés le double, faisant progresser la capitalisation en bourse de Shanghai des 3500 milliards de $ actuels à 4500 milliards à cette échéance. 

Un autre chantier de modernisation de la finance chinoise, crucial mais à l’évidence peu près d’aboutir, est la réforme des organismes de tutelle, CBRC (pour la banque), CSRC (pour la bourse) et CIRC(pour l’assurance). Ce que l’Etat n’avait pas imaginé en créant ces mastodontes il y a 15 ans, est que chaque groupe financier allait se muer en conglomérat diversifié avec un pied dans chaque activité : la banque vend des assurances, l’assurance vend de la gestion de fortunes (en bourse)… En jouant sur les failles de chaque set de règlements sectoriels, ces groupes échappaient aux contrôles. Cette gouvernance fractionnée, pour beaucoup, est cause des deux dévissages boursiers de 2015, des scandales financiers à répétition, et de l’échec d’un « court-circuit » introduit en janvier par la CSRC en bourse de Shanghai, qui disparut après 4 jours, vu l’instabilité qu’il aggravait au lieu de la prévenir, entraînant dans sa chute Xiao Gang, Président de cette tutelle… 

Ces cloisons aujourd’hui montrées du doigt se sont longtemps maintenues sous l’effet du lobbysme de ces maisons soucieuses de préserver leurs prés carrés. Mais à présent, par quoi la remplacer ? Un super-organe, risquerait de truster trop de pouvoir et de rater l’objectif d’un rôle accru pour le marché. Rassembler ces compétences sous l’ombrelle de la Banque Centrale serait l’alternative, mais après la récente glissade du yuan et la nervosité des marchés, « il est urgent d’attendre », selon Frank Song, professeur de finances à l’Université de Hong Kong… Le Plenum de l’ANP permettra peut-être d’y voir plus clair sur les intentions des décideurs au sommet, Li Keqiang, voire Xi Jinping en personne. 

Autre volet de la réforme : d’ici 2017, les firmes publiques recevront toutes un label, « commercial » ou « service public ». Les premières jouiront de plus d’autonomie et de meilleurs salaires, mais les secondes, de plus de crédits bonifiés et protections étatiques. D’où les grandes manœuvres en cours en coulisses, pour obtenir tel ou tel statut.

Enfin, Moody’s, l’agence de notation financière, vient de rétrograder la perspective de la dette chinoise de « stable » à « négative », au vu de l’immobilisme des réformes et des 762 milliards de $ jetés en 18 mois dans le tonneau sans fond du soutien du yuan. Néanmoins, elle conserve sa note « Aa3 », mais se réserve d’y revenir, si Pékin retardait davantage les « réformes nécessaires à une croissance soutenable ».
A bon entendeur, salut !

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