Editorial : L’heure du bilan pour les JO d’hiver

L’heure du bilan pour les JO d’hiver

Après seize jours d’exploits sportifs, les Jeux d’hiver de Pékin ont finalement touché à leur fin le 20 février. A peine terminés, la Chine s’est empressée de les présenter comme un grand succès, avec les félicitations du comité international olympique (CIO). Les infrastructures étaient prêtes à temps. Le boycott diplomatique a été contré par la présence de près de trente dirigeants étrangers pour la cérémonie d’ouverture. L’opinion internationale est restée focalisée sur les menaces d’invasion de l’Ukraine par la Russie et le dopage de certains de ses athlètes. L’affaire Peng Shuai n’a pas dérapé. Les sportifs étrangers n’ont pas osé prendre position sur des sujets sensibles comme Hong Kong ou le Xinjiang (présenté comme le berceau historique du ski). La Covid-19 est restée confinée dans sa « bulle ». Le public chinois a répondu présent avec 600 millions de spectacteurs. La mascotte olympique s’arrache. Le ciel est resté bleu, et il a même neigé de vrais flocons ! Cerise sur le gâteau : contre toute-attente, la « team China » a réalisé la meilleure performance de son histoire avec 15 médailles dont 9 d’or (short-track, ski freestyle, patinage artistique…) lors de ces Jeux à domicile. La Chine termine donc à la troisième place du classement par médailles d’or devant… les Etats-Unis. C’est loin devant les 9 médailles récoltées il y a quatre ans à Pyeongchang (16ème place). 

Toutefois, ces Jeux ont également connu leur lot de controverses. Il y a d’abord eu celle liée au fait que ces Jeux d’hiver aient été dépendants à 100% de la neige artificielle, contre 90% à Pyeongchang en 2018 et 80% à Sotchi en 2014. La question de la naturalisation d’athlètes étrangers sans qu’ils soient contraints d’abandonner leur nationalité d’origine à l’inverse du citoyen lambda, a suscité de nombreux débats. Le paysage « dystopique » du site olympique de Shougang, qui a accueilli les épreuves de « big air », n’a pas fait l’unanimité parmi les spectateurs étrangers qui n’ont pas associé ses hauts fourneaux à la fin d’une ère industrielle dans la capitale chinoise. La disqualification de deux espoirs sud-coréens lors d’une épreuve de patinage de vitesse remportée par un athlète chinois, est venue tendre un peu plus les relations entre la Corée du Sud et la Chine, sur fond d’accusations d’appropriation culturelle. Surtout, la vidéo d’une femme atteinte de troubles mentaux, probablement victime d’un trafic d’épouses, retrouvée une chaine en métal autour du cou dans une cahute d’un village du Jiangsu, a suscité l’indignation des internautes et est venue ternir l’éclat des Jeux.

Une question subsiste : à combien s’est élevée la facture de ces JO ? Officiellement, elle serait de 3,9 milliards de $, dépassant de peu les 3 milliards que Pékin s’était fixé initialement*. Cela en ferait des Jeux d’hiver les moins onéreux des deux dernières décennies. Mais est-ce réellement le cas ?

Certes, environ 60% des sites olympiques de 2022 ont été hérités des JO d’été de 2008. C’est le cas de l’emblématique « Nid d’oiseau » qui a accueilli les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux, ou encore du « Cube d’eau » transformé en « Cube de glace » pour accueillir les épreuves de curling. Parmi les quelques édifices construits spécialement pour les Jeux d’hiver, figurent « le Ruban de glace », un anneau couvert de 12 000 places dédié au patinage de vitesse (235 millions de $), et un centre national pour le ski de fond à Yanqing (100 millions de $). Au total, Pékin avait prévu un budget de 1,5 milliard de $. Le Financial Times rapporte que la ville aurait en fait dépensé le double.

Ces calculs ne comprennent pas de nombreux projets d’infrastructures, comme le train à grande vitesse entre Pékin et Zhangjiakou (1 milliard de $) ou encore l’autoroute adjacente (5,6 milliards de $). L’argument de Pékin et CIO est, qu’avec ou sans ces JO, ces projets auraient été construits d’une manière ou d’une autre et vont contribuer au développement économique de la région.

C’est sans compter sur le coût sanitaire de ces Jeux, durant lesquels des dizaines de milliers de tests ont été réalisés chaque jour. A titre de comparaison, Tokyo avait dépensé 2,8 milliards de $ en matière de prévention sanitaire.

Selon le média américain Insider, le total des dépenses se rapprocherait plutôt des 38,5 milliards de $, soit dix fois plus que le montant dévoilé par Pékin. En comparaison, Sotchi avait investi plus de 50 milliards de $, dont la moitié en dépenses d’infrastructures. Mais pour le prestige international de la Chine, rien n’est trop beau, rien n’est trop cher.

* Pour mémoire, Pékin avait dépensé 6,8 milliards de $ pour ses Jeux d’été en 2008. Là encore, c’était sans compter les dizaines de milliards nécessaires à la construction de stades, de lignes de métro et du terminal 3 de l’aéroport.

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