Après la boussole, la poudre à canon, le papier… Voilà que la Chine affirme avoir inventé le ski il y a 10 000 ans. Mieux, elle profite des Jeux olympiques d’hiver pour présenter le Xinjiang à la fois comme le berceau et l’avenir de cette discipline.
Pour étayer ses dires, la Chine s’appuie sur des peintures retrouvées sous un surplomb rocheux à quelque 3 000 mètres d’altitude, à proximité des frontières avec la Mongolie, la Russie et le Kazakhstan, près de la ville d’Altay (Xinjiang). On y distingue dix silhouettes humaines accompagnées d’animaux, peut-être des yaks ou des élans. Cette scène représenterait des chasseurs traquant leurs proies sur des skis.
Historiquement, les skieurs locaux n’étaient pas des Chinois de l’ethnie Han ou même des Ouïghours mais plutôt des Mongols, des Touvains et des Kazakhs. À l’époque, les skis étaient fabriqués avec des planches d’épicéa, courbées au feu et recouvertes de crin de cheval, avec de la ficelle en guise de fixations (cf photo). Un artisanat qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
Jusqu’à présent, seuls des chercheurs chinois ont conclu que ces pictogrammes étaient vieux de 10 000 ans, en se basant sur d’autres formes d’art rupestre. Cela signifierait que les skis ont précédé de plusieurs milliers d’années la civilisation chinoise elle-même, ainsi que ses inventions les plus marquantes comme le papier (105 après J.-C.), la poudre à canon (142 après J.-C.) et la boussole (220 avant J.-C.).
Cependant, trois archéologues australiens et chinois ont mis en doute cette datation. Après analyse du site rupestre d’Altay en 2015, ils ont estimé que les peintures auraient plus probablement entre 4 000 à 5 250 ans. « Il se pourrait bien que la pratique du ski se soit répandue rapidement dans une région englobant le nord de la Scandinavie, la Russie, le nord du Xinjiang et la Mongolie il y a environ 5 000 ans », indique le document.
À ce jour, le plus vieux ski jamais découvert date de 2 500 ans avant J.-C. et a été retrouvé dans une tourbière suédoise. Des dessins plus explicites de skieurs munis de bâtons apparaissent sur des pétroglyphes (des gravures rupestres) datant d’environ 5 000 ans près du village russe de Zalavruga, à l’est de la frontière finlandaise.
Une autre possibilité formulée par les archéologues est que le ski soit apparu indépendamment dans différentes régions à la même époque.
Quoique la théorie qui entoure les origines chinoises du ski fasse toujours débat, cela n’empêche pas les médias chinois de la considérer comme admise à l’international et de qualifier la préfecture d’Altay comme le « berceau du ski ».
C’est d’ailleurs la région d’origine de la skieuse de fond ouïghoure Dilnigar Ilhamjan, choisie comme dernière porteuse de la flamme olympique lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Pékin. Une « provocation » aux yeux de nombreux observateurs étrangers alors que le gouvernement chinois est accusé par les États-Unis et plusieurs autres pays occidentaux de mener un génocide à l’encontre de cette minorité musulmane. Des accusations que Pékin rejette en bloc.
Cette polémique autour des droits de l’Homme au Xinjiang n’empêche pas les autorités locales de promouvoir le développement des sports d’hiver dans la région et de comparer le relief de ses montagnes à celui des Rocheuses et sa neige poudreuse à celle d’Hokkaido (Japon). Son enneigement de novembre jusqu’à mai et ses températures clémentes auraient attiré près de 35 millions de touristes en 2021 (+59%) pour des revenus touristiques s’élevant à 26,3 milliards de yuans (+87%). Au total, le Xinjiang recenserait 72 stations de ski. Celles du « Dongbei » au nord-est du pays n’ont qu’à bien se tenir.
Sommaire N° 7 (2022)