A lire, à voir, à écouter : « H6 », miroir de la santé chinoise

« H6 », miroir de la santé chinoise

« H6 » pour « hôpital populaire n°6 »Avec sensibilité et honnêteté, la réalisatrice Ye Ye va promener sa caméra à travers les salles et couloirs de cet établissement shanghaien pour en restituer l’atmosphère de bouillonnement permanent, la tension et l’angoisse, mais aussi la bonne humeur ambiante, la pression de ces milliers de patients qui se pressent devant les guichets, les laboratoires et les cabinets de consultation. Ils ont parfois parcouru des centaines de kilomètres dans l’espoir d’être auscultés, soulagés et guéris. Face à ce tsunami permanent de pathologies et de corps accidentés, le personnel à bout de souffle parvient miraculeusement à recevoir tout le monde, grâce à une forte dose d’improvisation. 

Dans H6, la jeune réalisatrice née en Chine, mais émigrée en France en 2001, pointe sa caméra sur deux membres du personnel de l’hôpital, quatre patients et leurs familles, afin de cerner leurs personnalités et suivre une tranche de leur vie. 

Parmi les soignants, la première est un personnage universel des hôpitaux chinois, mais absent de ceux d’ailleurs : une auxiliaire, et qui se substitue à l’infirmière ou à la famille, pour tous les soins non médicaux tels que la toilette, l’alimentation ou la veille, pour un coût à la famille qui s’avère tout sauf anodin : 350 yuans (50 euros) par jour. Personnage affectueux, truculent, mais d’une moralité parfois douteuse, cette nounou d’hôpital se voit au cours du reportage accusée par une parente de malade d’avoir facturé deux nuitées imaginaires : accusation très violente, probablement justifiée, au point qu’elle rend immédiatement le trop-perçu, dans l’espoir d’échapper à la dénonciation. 

Le second soignant est un chiropracteur qui va servir de médecin de second choix aux patients incapables d’assumer les coûts d’une médecine à l’occidentale. Cet homme maigrelet et jovial, au profil insolite, apparaît en plein jogging burlesque à travers les courées du H6, s’échauffant avant le travail. Les patients l’attendent, longue file de membres cassés qu’il va étirer un à un pour rabouter les os, réduire la fracture, avant de poser le plâtre sur le malheureux patient à demi évanoui sous la douleur. Et quand l’un d’eux demande si son traitement musclé va le guérir, sa réponse n’a rien de rassurant : « on peut toujours réparer un bol cassé, mais il ne sera plus jamais comme avant ». 

Face à ce panorama pittoresque du personnel, le sens du choix (peut-être inconscient) de la réalisatrice apparaît clairement : cet hôpital, tout en faisant le maximum pour le bien-être de ses patients, n’est pas à la hauteur des travaux d’Hercule que représente la cohorte de ses patients. 

C’est ainsi que ce film documentaire se fait le miroir sans fard de la santé chinoise. Malgré des moyens très insuffisants, ce qui frappe en définitive, est l’immense dignité de cette société. Pas un seul être, même sous la pire souffrance, ne va s’épancher en gémissements et en cris. Pas un seul membre du clan ne va abandonner l’autre à sa misère. C’est la fidélité dans le malheur, la compassion jamais prise en défaut et toujours, la résilience, l’énergie vitale prête à se reprendre pour préparer la suite de la vie. 

Par Éric Meyer

H6 a été présenté au Festival de Cannes en 2021 et est distribué dans quelques salles en France par Nour Films depuis le 2 février.

Visionnez la bande-annonce ici et retrouvez les séances près de chez vous (en France) ici !

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