Petit Peuple : Zunyi (Guizhou) – Un mariage culotté (2ème partie)

Zunyi (Guizhou) – Un mariage culotté (2ème partie)

A Zunyi (Guizhou), Guoyin Pan et Feiyuan Luo vont devoir se marier – mariage de raison, afin de regrouper leurs terres. Mais le rapprochement s’avère difficile par manque de confiance entre ces clans en bisbille depuis des générations

Une première dispute opposa les Pan et les Luo, à propos de la liste des invités. La famille Pan (celle du garçon) devant assumer les frais du banquet selon la tradition, elle prétendait pouvoir inviter plus de gens, ce que les Luo contestaient avec véhémence – et obtinrent satisfaction après d’âpres discussions. Eclata alors le souci majeur, autour de la robe de la mariée, rouge en signe de virginité, aussi à charge des Pan. Mais le 31 décembre vers 17h, une fois le paquet livré, la jeune femme et sa mère sortirent furieuses de la chambre d’essayage : la robe était trop petite, tout comme la gaine et la brassière. « Les Pan ont mégoté pour acheter n’importe quoi », conclut la mère. A l’unanimité, il fut convenu que la parure serait rapportée aux Pan, pour exiger une tenue à la bonne taille.

Mais une fois chez les Pan, robe et sous-vêtements sous le bras, Mme Luo se heurta à un mur : non, on ne reprendrait rien. Dans les bonnes maisons, lors des mariages, ça ne se faisait pas de contester les cadeaux rituels ! Mme Luo retourna donc au clan, où son rapport suscita des commentaires furieux : mais pour qui donc se prenaient ces Pan ?

Dans la nuit noire, le père Luo ressortit pour tenter de sauver la situation et faire appel à la raison : cette tenue devait être à la bonne taille, sinon tout le monde perdrait la face. Mais c’est alors que madame Pan l’assomma par cette remarque incivile : « Si Feiyuan ne peut passer la robe, c’est qu’elle est trop grosse : la tenue est à la bonne taille, celle qu’elle devrait faire ! » ! Blême, le père Luo s’en retourna.  

Les Pan, c’était clair, voulaient imposer à Feiyuan une vie d’enfer. Avec cette tenue miniature, on voulait lui faire porter « des petits souliers » ( chuān xiǎo xié, 穿小鞋 ), la soumettre aux moindres caprices de la belle-mère. Et pas question de compter sur le jeune mari pour la défendre… On était dans un vrai pétrin : depuis l’avant-veille, l’union civile était déjà enregistrée à la mairie !

Durant les 36 heures précédant la noce, les Luo virent défiler moultes tempêtes sous leurs crânes. Quand ils se présentèrent au jour convenu dans la cour des Pan convertie en salle de bal, pleine de bancs et tables chargées de mets, tous les témoins purent constater que quelque chose ne tournait pas rond. Les Luo ne se présentaient qu’à trois, et encore, fagotés en gros pantalons de tous les jours, paletots molletonnés et godillots maculés de glaise… Ce fut le père Luo qui fit l’annonce : « On est juste venus pour vous le dire, y’a plus de mariage, il est annulé .

Quoi, pour cette histoire de robe ? interjeta le père Pan, interloqué.

Pas de mariage sans respect , fit Luo, le visage fermé. On n’a plus confiance.

Mais… et la dot que je t’ai payée, les 88 000 yuans ?

La voici, répliqua-t-il, je te la rends – ce faisant, il sortait du manteau kaki une enveloppe débordant de liasses de billets roses. Tu peux recompter – à condition, ajouta-t-il en retenant le document vers lequel Pan tendait la main, que ta fille se trouve demain dès l’ouverture au bureau des divorces ».

Tandis que sa femme et l’ex-futur mari restaient bouches bées, le père Luo furieux reprit son bien, mû par le sentiment d’urgence de sauver les meubles. Suite à quoi les trois tournèrent les talons, drapés de leur dignité offensée.

Mais chez les Pan, la vie devait continuer : leurs invités continuaient à arriver par petits groupes et restaient intimidés près du porche, se demandant ce qui arrivait et se chuchotant les nouvelles. Pour la famille, il fallait sauver la face. « Et bien ce banquet, s’écria le père, ce bon vin et cette bonne viande, on va pas les gâcher ! On est au second jour de l’année : on va fêter le Nouvel an…Tout le monde à table ! »

Chez les Luo aussi, en même temps, on trinquait, avec les invités du clan avertis dans la nuit– il fallait garder ses bons contacts, et ne pas les priver de la fête promise. Improvisée en catastrophe, celle-ci donna lieu à bien des réactions insolites, sarcasmes contenus et rires en coin entre deux « ganbei ». La palme de l’insolite revint sans conteste à Feiyuan, au bras des amies se pressant pour lui présenter leurs condoléances. Impassible, réprimant toute émotion, elle se contentait de remarquer qu’elle n’avait rien à regretter : ce mari, elle ne l’avait pas choisi, pas vrai ? Quelques verres plus tard, elle se lâcherait :  le prochain fiancé, c’était elle qui le choisirait, et la robe aussi. Et elle serait blanche à la mode occidentale, et pas rouge, symbole d’ancien régime et d’aliénation. Et surtout, elle serait à sa taille ! 

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1 Commentaire
  1. severy

    Une histoire comme on les aime. Les deux familles refusant de dire OK, le mariage KC, tout le monde se retrouve sur le Q.

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