Politique : Derniers préparatifs avant la session parlementaire (ANP)

Voici revenir le temps du Plenum de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) ce 5 mars : 3000 édiles viennent entendre et discuter le bilan des 12 mois écoulés, et la ligne des 12 autres à venir. 

Ce n’est toutefois pas une session ordinaire : comment pourrait-elle l’être en pleine tourmente économique, et à 21 mois du XIXème Congrès du PCC ? D’ici là, Xi Jinping, Président et 1er Secrétaire, devra s’être assuré une majorité, en marginalisant les légions d’apparatchiks issus des ères de Hu Jintao et Jiang Zemin. Cette majorité sera nécessaire pour permettre à Xi, lors de son second quinquennat (2017-2022), de réaliser les grandes réformes (sociétales, financières) promises dans son « Rêve de Chine ». Tel est un des sens de la campagne anti-corruption qui fait rage…

Le Plenum est aussi le temps des préoccupations populistes : Pékin se penche sur le sort des 61 millions d’enfants « laissés pour compte » (留守儿童, liúshǒu értóng), par les parents migrants partis en ville gagner leur vie. Vulnérables, mal nourris, ils sont la proie des voleurs et abuseurs, ou laissés à eux-mêmes – 2 millions sont sans foyer. Le Conseil d’Etat vient de placer ces enfants sous sa protection : une directive (14 février) impose aux parents leur charge jusqu’à 15 ans révolus, ou la désignation d’un tuteur. Un dossier nominatif doit être créé sur intranet pour chacun, fixant son état-civil, santé, éducation…

Pour le grand meeting des élus, le mot d’ordre est simple : face aux défis qui s’amoncellent, la consigne est de donner « plus d’autorité » à Xi Jinping pour lui permettre de « refaçonner le paysage politique du pays » et d’« assumer la responsabilité sur diverses missions ». 

À 40 ans d’écart, une campagne vise la presse, remake de la campagne de Mao pour s’assurer sa fidélité aveugle. Dès le 19 février, le Premier Secrétaire rendait visite successivement à l’agence Xinhua, à la CCTV (cf photo) et au Quotidien du Peuple. Leurs dirigeants approuvèrent la démarche, et avertirent contre toute autre façon de penser : « afficher des opinions divergentes (sur les réseaux sociaux), c’est ébranler la fondation de la règle du Parti et du pays… gardons d’une main, le fusil et de l’autre, la plume ».

Cette campagne militante laisse sur son passage un silence dubitatif. Avec audace folle, sur internet, Ren Zhiqiang, l’ex-promoteur immobilier et blogueur très populaire (34 millions d’abonnés, surnommé « le canon » pour ses commentaires politiquement incorrects) suggère que « financés par le peuple, les media doivent servir le peuple plutôt que le Parti ». De ce fait, Ren se retrouve spontanément accusé de « capitalisme », d’esprit « anti-communiste», et d’avoir « perdu l’esprit du Parti », puisque Ren est membre du PCC –mais pour combien de temps encore ?

À l’inverse un certain Pu Liye, vice-directeur à Xinhua, calligraphiait et publiait un poème dans lequel il admire, « de ses yeux humides, le dos » du Chef de l’Etat. Son ode d’une rare obséquiosité a inspiré les réactions de milliers d’internautes – avant de disparaitre sous les ciseaux de la censure, après quelques minutes. 

Autre débat probable du Plenum, deux mois après la « Conférence centrale de travail sur l’urbanisme », le Conseil d’Etat a issu des normes concernant les villes de l’avenir.
Ainsi ces créations futures devront s’abstenir de tolérer la construction de bâtiments aux formes « bizarres » – tel le QG de la CCTV à Pékin. Autre annonce, qui risque de poser problème auprès des intéressés : d’ici 2020, l’Etat prétend rétablir à la circulation publique les voies privées à travers les résidences. 

Devant sous 20 ans accueillir 200 à 300 millions de migrants de plus (les citadins sont désormais 750 millions, soit 56% de la population), les villes futures devront présenter une architecture « adaptée, économique, arborée et plaisante », et intégrer des principes d’urbanisme. Dès la phase du design, elles devront être dotées d’équipements sociaux (écoles, cinémas, hôpitaux, parcs, transports urbains), et de systèmes de conservation de l’énergie. Une partie des constructions devra être « à prix abordable », réservée aux tranches sociales défavorisées. Ainsi, l’urbanisme entre enfin par la grande porte dans les plans de création de villes, la priorité cessant d’être la vitesse et le volume bâti. 

L’an 2020 doit marquer la fin de la réhabilitation des quartiers et logements insalubres. L’Etat se donne 5 ans pour faire démolir les constructions illégales (repérées par drones et photos satellites comparatives).
Dans cette vision des conurbations futures, le plan quinquennal de développement de Canton est approuvé : il permettra au printemps de lancer la 3ème série de zones économiques spéciales, après celles de Shenzhen, Shanghai ou Tianjin. 

Un dernier dossier « chaud » lors du Plenum, sera l’environnement. Deux innovations sont proposées : 

– Lancées depuis décembre, les « alertes rouges » en différentes zones du nord du pays vont voir leurs normes techniques « harmonisées », mais aussi « affaiblies ». Le plafond déclencheur va passer de 200 microparticules (2,5µ) par m3/jour, à 500 unités sur un jour, ou bien 300 sur 48h, ou bien 200 sur 4 jours. L’affaiblissement reflète le coût trop élevé, en terme de journées perdues en production (pour les usines) ou en éducation (dans les écoles). 

– Pour aérer la capitale, cinq « corridors à vent » de 500m de large, doivent être créés en abattant les obstacles sur leur tracé. Mais l’opinion doute : en cas d’absence de vent, la pollution stagne sur Pékin, privant les corridors de toute utilité. Aussi la rue et les experts sont unanimes : comme remède à la pollution, il n’y a pas d’alternative au fait de traquer une à une les sources d’émission.

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