Agriculture : La Chine, mère nourricière ?

On savait que la Chine avait inventé la poudre à canon et l’imprimerie. Mais voilà que depuis l’Europe, on lui attribue aussi l’invention de la levure, l’ingrédient-clé du pain, un des socles de toute civilisation. Etudiant la levure de bière (Saccharomyces cerevisiae), trois chercheurs français (J. Schacherer de l’Université de Strasbourg, G. Liti de Nice, et P. Wincker du Genoscope d’Évry) concluent que cette bactérie capable de respirer sous oxygène et de fermenter en anaérobie, est venue de Chine, suite à un travail de sélection par l’homme. En plusieurs années, cette équipe a séquencé un ensemble de 1011 génomes de levures de bière récoltées dans les cinq continents. En même temps, ils les ont faites évoluer sous contrôle laboratoire et ont créé leur base de données.

Ceci leur a permis de déterminer parmi elles 26 lignées, sauvages ou domestiquées – elles sont les mères du pain allemand, de la bière africaine, des fromages français, du saké nippon. En cette recherche, une surprise attendait les savants : sous l’angle des traits génétiques, faute de différences notables, ils ont eu du mal à distinguer les levures chinoises des étrangères, et les espèces les plus proches, S.paradoxus (qui vivent en symbiose avec les chênes, bouleaux ou érables), et S.cerevisiae  (qui partagent le même espace géographique) sont toutes originaires de Chine ou de Taiwan. Il ne leur en a pas fallu plus pour conclure à une origine commune, à une « probable » bactérie plus ancienne, ayant vécu en Chine il y a 15.000 ans avant JC.

Tout sauf anodine, cette recherche a des implications fortes pour la maîtrise du vivant. À travers la communauté internationale, le projet Sc2.0 tente de créer un génome de synthèse capable d’évoluer. L’étape suivante consistera à isoler le « génome minimum autonome » père de toutes les levures. Il sera un pas décisif vers le décodage des processus de l’évolution, pour les reproduire en laboratoire en accéléré. Au bout de ce chemin, l’humanité aura appris à transmettre des gènes dans les bactéries et les virus, qui sont le premier socle de toute vie sur Terre. Curieusement, la Chine n’est pas que la terre natale des levures domestiques : en 17 000 av. JC, c’est aussi en Chine, dans le Nord-Est qu’apparaissait le chien, croisé à partir du loup, d’après un collectif international de recherche en 2002. Puis en 12 000 av. JC suivait dans cette même région le poulet, selon une équipe sino-allemande en 2014, se basant sur des ossements d’époque néolithique… Tout ceci constituant des indices de l’importance méconnue de la Chine, dans les premiers pas de l’humanité

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1 Commentaire
  1. severy

    Fantastiques, ces recherches en génétique. En cherchant bien, on finira par trouver l’ancêtre du marxisme (parfaitement fossilisé) dans une colonie de protozoaires paléolithiques d’origine chinoise. On n’arrête pas le progrès.

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