Société : Plus de contrôles, pour plus de sécurité

Un des efforts lourds de l’Etat porte sur le contrôle et la collecte des données en tous domaines de la vie publique. En voici un bilan, sous quelques unes de ces facettes :

– Les caméras de reconnaissance faciale voient leur nombre exploser dans le pays – elles devraient atteindre 400 millions en 2023. La forte demande a permis une baisse des coûts de recherche et de production par des centaines d’entreprises dynamiques, émergées ces dix dernières années. L’Etat encourage ce nouveau secteur d’équipement, comme un outil de sécurisation à disposition des firmes et de la police. Les progrès d’interconnexion entre caméras, logiciels et bases de données permettent de détecter les piétons traversant indûment les rues, d’identifier par leurs noms les clients des magasins et distributeurs de billets, et les personnes recherchées. L’ identification faciale aurait déjà permis l’arrestation de plus de 3 000 suspects. Pour l’instant la société accepte ce suivi renforcé de ses gestes, comme prix à payer pour sa sécurité.

 – Le 11 janvier, Xi Jinping annonçait le début d’une campagne nationale anti-triades. D’autres opérations « coup de poing » (严打 yándǎ) du même type avaient précédé : en 1983 sous Deng Xiaoping, 1996 et 2001 sous Jiang Zemin, et 2010, sous Hu Jintao. Soutenues par 30 agences et ministères, l’action de Xi Jinping prétend couper les liens entre mafieux et cadres locaux. Il s’agit aussi de faire reculer cette économie criminelle, ce que 5 ans de campagne anti-corruption n’ont pu  que très partiellement faire : démanteler prostitution, jeux d’argent, trafic de stupéfiants, trafics pyramidaux, traite des enfants et des femmes, prêts usuraires, protection des commerces et firmes de transports… En 2017, seuls 10.390 gangs étaient démantelés — le sommet de l’ iceberg. 2018 espère en attraper bien plus ! Mais la campagne risque d’être émaillée de règlements de comptes, par lesquels les coupables se protégeront en faisant arrêter les innocents…

– Un autre effort de contrôle touche à l’internet : l’Administration du cyberespace a imposé aux 376 millions de titulaires de compte Weibo (le « twitter » chinois) d’éliminer les fausses nouvelles, les contenus subversifs, pornographiques ou « socialement malsains », et de conserver toute publication 6 mois pour poursuites éventuelles. Les plateformes en ligne doivent aussi gommer tout site dévoilant les vies privées des stars. Dès décembre, ces portails ont commencé à réagir : Toutiao, 1er agrégateur national de news et vidéos, a recruté 2000 censeurs de plus pour visionner en temps réel tous les posts. Depuis le 1er janvier, Toutiao a déjà purgé ou censuré 1413 comptes… Tencent affirme avoir effacé de son réseau WeChat 500 millions de « rumeurs » en 2017.

Face à ce durcissement, la réaction du public est inattendue : d’après l’agence de communication Edelman, le degré de confiance de l’opinion chinoise en ses médias atteint 71%, le plus haut score mondial. Ils sont 77% à faire confiance aux journalistes et médias en ligne, et 68% aux réseaux sociaux et moteurs de recherche. Ainsi la population semble rassurée de voir ces géants de l’ internet responsables de la multiplication des infos mensongères ou autres scandales et campagnes polémiques. 

– Dans le même souci, la Banque Centrale rectifie le tir dans la course au crédit social. Huit groupes de l’internet ont reçu l’autorisation d’expérimenter des systèmes de notation comportementale des individus. Mais la Banque Centrale vient d’interdire à Tencent et Alibaba d’abuser de leurs bases de données individuelles (tel Sesame credit d’ Ant Financial, filiale d’Alibaba) pour vendre des biens ou services aux particuliers.

– En urbanisme aussi, le contrôle se durcit. Dès le 24 janvier, Pékin a dévoilé ses plans pour raser 40km² de bâtiments sans permis, et d’en déplacer les habitants. La campagne de décembre se poursuit, qui avait chassé des foules de migrants, qualifiés de citoyens de « bas niveau ». C’est un tournant : Pékin, à 21,7 millions d’habitants, entame sa décroissance.  

– En matière de contrôle de la pollution en 2018, le pouvoir veut augmenter le chauffage au gaz naturel à 270 milliards de m3, soit +12,5%, dont 40% importés. D’ici décembre, la ville de Pékin aura raccordé au gaz ses 450 derniers villages, fermé 500 usines et 176 marchés et centres logistiques, tout en délocalisant quelques universités et hôpitaux.

Trois années d’efforts de dépollution commencent à porter leurs fruits dans la capitale. La qualité de l’air dans la capitale s’améliore avec un taux de dioxyde de soufre réduit de 70% depuis 2012, à 8 grammes/m3 en 2017, et celui des microparticules (PM 2,5µ ) de 90 à 58 grammes/m3. De 2018 à 2020, la prochaine cible sera la pollution des transports. Parmi les mesures visées, figurent un meilleur raffinage du carburant et une amélioration de l’offre de transports en commun. De plus, l’Etat s’apprête à élargir cet effort, jusqu’alors concentré sur Pékin et Shanghai, aux provinces du Sha’anxi et Shanxi.

– Depuis 2013, la Chine consacre des montants astronomiques pour amender 3,3 millions d’hectares devenus stériles par pollution : 90% devraient être sauvés d’ici 2020. De même, les volumes d’eau de classe « V » impropres même à l’industrie et à l’irrigation, devraient redescendre à 5% du total – contre 8,8% en 2017. Quant aux eaux de classes « III ou supérieure », elles devront dépasser 80% du total. Annoncés le 5 février par Li Ganjie, ministre de l’Environnement, ces mesures explicitent ainsi l’effort tardif mais puissant de la nation pour remonter la pente.

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1 Commentaire
  1. severy

    C’est merveilleux, d’être surveillé par ces centaines de millions de caméras intelligentes qui pourront analyser la composition chimique des pets dont nous laisserons le délétère sillage au passage de nos humbles personnes. Notre smartphone recevra un message dans la minute qui suit, nous proposant un plat, l’adresse d’un restaurant, un médicament, le site d’une pharmacie, un conseil, la liste des cabinets de psychologues qui pourront tous nous guérir de ces involontaires flatulences qui font grimper le taux national de pollution atmosphérique, nous avertissant par la même occasion que, faute de choisir « librement » parmi ces options, nous serons immédiatement répertoriés dans la liste noire des réfractaires, des subversifs et des opposants qui refusent de s’aligner en rang d’oignons dans le moule du conformisme socialiste « à la chinoise ». Free breathers, beware!

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