En septembre 2017, la Banque Centrale bannit le bitcoin (BTC). Mais l’application de l’interdiction fut subtile : plutôt que de faire fermer les bourses d’échange de BTC et leurs «mines », la Banque Centrale se contenta d’interdire une part de leur trafic ou d’augmenter leur facture d’électricité indispensable aux « mines » pour opérer. Cette stratégie revenait à « raccompagner le BTC vers la sortie » – en douceur !
A présent que son sol n’abrite plus qu’1% du marché mondial du BTC (contre 20% à l’été 2017), Pékin s’efforce de décourager ses citoyens d’ échanger des BTC hors frontières, et de lever des fonds en cryptomonnaies par ICO (Initial Coin Offering), opération non régulée. La Chine surveille donc les bourses d’échange hors Chine, et tente de détecter sur son territoire, tout flux d’argent issu de ventes de BTC. A ce jeu, la Banque Centrale risque de voir le BTC survivre malgré ses efforts, et passer en clandestinité, devenant cette fois à 100% invisible. Pour l’instant, la plupart des investisseurs chinois en BTC semblent avoir simplement fait migrer leurs fonds hors frontières, et les « mineurs », déplacé leurs opérations vers l’Islande ou le Canada. Mais certains, au Tibet ou en Mongolie, poursuivent discrètement leur activité.
Mais que veut le pouvoir ? Dès janvier 2016, la Banque Centrale envisageait de lancer son yuan virtuel, pour « réduire le coût de circulation de la monnaie papier ». En janvier 2017, elle créait son centre de recherches en cryptomonnaies. Début 2018, Fan Yifei, vice-gouverneur de la Banque Centrale, suggérait la création d’une cryptomonnaie mondiale, basée sur un panier d’une cryptomonnaie du FMI et de plusieurs autres de nations ou organisations souveraines. Le 7 février, un groupe de chercheurs de la CASS, arrivait à une proposition similaire.
Or, si tel est l’objectif chinois, quelle meilleure manière de procéder, que commencer par « nettoyer» le pays des cryptomonnaies précédentes ? Cependant, l’autorité monétaire doit préserver les compagnies du secteur (bourses, mines) en cours d’émergence —elles seront l’outil de diffusion de sa propre, future cryptomonnaie.
Le BTC et toutes cryptomonnaies reposent sur une technologie unique, la blockchain, laquelle sert aussi à des usages commerciaux – or, cette blockchain est bienvenue en Chine. En décembre, Bohi, firme du Shandong, a acheté un cargo de soja américain en intégrant dans une blockchain tous les documents (contrats, certificats…). L’opération a été assistée par le trader céréalier Dreyfus et deux banques européennes, dont la Société Générale. Résultat : les délais administratifs ont été réduits de 80% et les risques de fraude et d’erreur aussi – avec l’accord de Pékin, bien entendu.
Sommaire N° 5-6 (2018)