Editorial : Un Chunjie entre Confucius et smartphone

Le Chunjie touche à sa fin, Nouvel an lunaire sous le totem du Coq. Après une semaine de congés – voire 2 ou 3 -des centaines de millions de Chinois retournent au travail. Sous le feu astral (l’élément de l’année), ces congés auront plus que jamais brassé traditions et technologies connectées, signe d’une Chine qui tourne progressivement une (ou plusieurs) page(s) de son passé.

La frénésie d’achats se perpétue. Du 27 janvier au 5 février, les Chinois ont dépensé pour 140 milliards de $, 11$ par personne et 11,4% de plus qu’en 2016 sous le signe du Singe. Les cadeaux importés ont toujours la cote, tels chocolats suisses, parfums de France, compléments alimentaires australiens ou américains, masques cosmétiques coréens…

6,15 millions de fortunés s’envolèrent pour l’étranger (+7%), surtout Thaïlande et Japon. Pour le reste, 344 millions allèrent en province (+13,8%), de retour vers le village natal, ou vers des sites touristiques tels le mont Huangshan (Anhui), le parc de Zhangjiajie (Hunan) ou Disneyland de Shanghai. J.O. d’hiver (Pékin) obligent, dont l’échéance en 2022 approche, des millions de touristes choisirent les sports d’hiver en plein essor, même au Xinjiang qui déclarait 15 millions de visiteurs (+20%) anxieux de s’essayer au ski, luge et patins dans le grand-Ouest.

Les feux d’artifice n’ont causé de sérieuse pollution dans les grandes villes, que la première nuit (900 PM 2.5, dans Pékin). Dès la seconde, le rationnement des pétards réduisait les émissions de fumées.

Une partie du Gala TV (énorme show de strass et d’idéologie, 600 danseurs, 2000 costumes, 1800 accessoires, pour 700 millions de téléspectateurs) avait été délocalisée à Guilin (Guangxi). La police s’offrit le plaisir d’une chasse aux drones, ballons et modèles réduits volants. Elle en détecta 26… mais n’en captura que 6.
Hors de Chine, 2000 événements du ministère de la Culture se suivirent en 400 villes des 5 continents, popularisant le Nouvel An chinois auprès de 250 millions d’étrangers.
Durant 8 jours, les mégapoles purent « souffler » : Dongguan (Canton) perdit 70% de ses 8 millions d’âmes, Pékin 40% de ses 21 millions—offrant à ceux restés sur place les vacances d’un air plus pur et sans trafic.

Par rapport aux années précédentes, sans en avoir l’air, la fête s’est digitalisée, dévoilant la société la plus connectée au monde. 80% des achats, même des billets de train, avaient été commandés et payés par smartphone. Sur WeChat, 14 milliards d’enveloppes rouges d’étrennes furent échangées par smartphone : 10 par habitant, et 75% de plus qu’en 2016. Et la nuit du Chunjie fit les choux gras d’applications telles Idachu (1000 cuisiniers à domicile), Didi Hitch (covoiturage) ou Xiaozhu (rival d’Airbnb).
Cinq agences louaient des faux(sses) fiancé(e)s (1000¥/24h, hors frais) pour berner les vieux parents par l’illusion d’un futur mariage. Car 36% des garçons de 25-29 ans, et 21% des filles sont célibataires —toujours plus réticents à la morale confucéenne. Ces jeunes boycottent toujours plus le retour au foyer, préférant plutôt partir en vacances, avec des amis ou en solitaire…

Bilan : au retour, 95% de vacanciers estiment la fête de 7 jours trop courte, et 70% réclament l’allongement à 15 jours, ne serait-ce que pour mieux revoir leurs 15 millions d’enfants « laissés en arrière » au village. Le Parlement y réfléchit…

Enfin, un vent de nostalgie soufflait sur le web, alimenté par une vidéo présentant les traditions d’autrefois. « C’était mieux avant », sans confort ni internet, soupirent les esprits chagrins…

Rendez-vous en 2018 sous le signe du Chien. On y retrouvera une Chine  encore plus branchée, encore plus libérée, mais assurément (et quel que soit l’âge) toujours en quête de son identité.

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