Environnement : La Chine, chevalier de la biodiversité ?

Mi-janvier, comme pour prendre de grandes résolutions à la veille du Chunjie, trois mesures fortes circulaient dans le domaine de la préservation de la biodiversité : 

– En pêche halieutique, selon Le Monde, Yu Xinrong le vice-ministre chinois de l’Agriculture, promettait de réduire l’effort de capture chinoise ;

– Le commerce de l’ivoire des éléphants devait disparaître d’ici la fin de 2017, conformément aux prescriptions de la  Convention CITES de 1975 sur le commerce des espèces sauvages menacées ;

– Sans être purement banni, le commerce des ailerons de requins perd deux transporteurs majeurs, Air China et COSCO (l’armateur maritime), qui s’engagent à refuser de convoyer cette denrée.

Jusqu’alors, en dépit des pressions de lobbies « verts » depuis des années, la Chine restait invariablement passive, en dépit de trafics qui s’enhardissaient, causant des dégâts irréparables parmi les espèces chassées.

Les organes auteurs de ces mesures sont très variés, mais tous permettent de retracer une volonté politique unique : le Président Xi Jinping  qui dès 2013, bannissait des banquets publics l’aileron du requin, délicatesse culinaire fort prisée à travers l’Asie. D’où la question évidente : gouvernement et PCC seraient-ils en train de se découvrir une vocation à la protection des espèces menacées ?

Sans dénier cette démarche « environnementale » de la Chine, d’autres préoccupations sont plus pragmatiques et immédiates. 

Concernant l’ivoire, Pékin semble certes désireuse de contribuer à mettre un terme à l’hécatombe des éléphants d’Afrique, qui cause chaque jour la disparition de 100 pachydermes pour leurs défenses, lesquelles se négocient au marché noir 1500 $ la livre. En sus de sa mise au ban légale, la Chine s’est dotée d’un autre levier international en la personne de Meng Hongwei, ancien vice-ministre de la Sécurité publique nommé en 2016 Président d’Interpol.

De plus, le 4 février à Johannesburg, au 6ème Forum de Coopération Chine-Afrique (FOCAC), la Chine n’avait nulle envie d’être mise en accusation comme premier destructeur de l’espèce : 70% de tout le trafic mondial atterrit sur son sol, et depuis 2007, le nombre des pachydermes en liberté dans la brousse africaine a diminué de 20% … La Chine a besoin de la confiance du continent noir pour y accélérer le déploiement de son plan d’infrastructures « une ceinture, une route » (OBOR), et l’interdiction du commerce de l’ivoire sur son sol est un moyen d’y parvenir. Bien sûr, toute la portée de cette mesure dépendra de la fermeté de l’application – et de mesures similaires à prendre à Hong Kong d’ici 2021. Aucun doute qu’avec cette loi, un signal fort vient d’être lancé.

Concernant le trafic des ailerons de requin, importés à prix d’or, la même analyse vaut. Plus que la Corée, que Taiwan et le Japon, la Chine en est de loin le premier consommateur. Chaque année, 73 millions de squales sont pêchés et tués pour leurs ailerons, causant une disparition massive et rapide – 15 sous-espèces sont désormais menacées. Citée plus haut, l’interdiction dans les banquets publics en 2013 a été une avancée majeure – 82% des importations ont disparu depuis.

Ce que la Chine veut éviter ici, est la condamnation d’Europe et d’Amérique, et la perte en image qu’elle risque, surtout si ces espèces doivent disparaître. L’image d’une nation sans respect pour la biodiversité, risque d’aliéner la confiance des pays occidentaux—et la stratégie « OBOR » des « nouvelles routes de la soie » est beaucoup plus importante pour la Chine, pour l’avenir de ses industries, de ses échanges mondiaux.

Concernant la pêche halieutique, le vice-ministre de l’Agriculture annonça en décembre une campagne contre la pêche illégale des flottes chinoises, fléau qui menace le poisson de mer de Chine du Sud et  des mers du globe. Il s’agit d’imposer des quotas en nombre de navires, en volumes de capture, et des limitations dans les tailles des filets et les méthodes de pêche. Yu Xinrong parle de ramener les captures chinoises de 13 à 10 millions de tonnes d’ici 2020. S’il y parvient, ce serait une révolution dans les pratiques : les côtes chinoises sont dépeuplées par une terrible surpêche et à travers le monde, la Chine n’admet notoirement que 10% de ses captures réelles – la majeure partie de ses flottes pêchent sans permis, tablant sur l’incapacité des nations à les arraisonner.

Le plus probable, est que ces nouveaux quotas s’appliqueront en mer de Chine du Sud, la seule sous contrôle chinois. Cette politique apportera alors une justification aux garde-côtes chinois pour patrouiller partout à travers cette mer partagée avec 5 pays riverains, y compris dans leurs Zones Economiques Exclusives (selon la Convention internationale des Nations Unies du droit de la mer) et à arraisonner tout chalutier contrevenant à ses normes, qu’il soit local ou étranger…

En conclusion, la Chine ne peut pas apparaître comme un chevalier blanc de la défense de la biodiversité, alors qu’elle s’en sert pour réaliser ses objectifs de déploiement planétaire.

Elle est tout simplement, comme d’autres Etats avant elle, un pays en pleine expansion tous azimuts, qui s’éveille à des responsabilités de puissance mondiale—elle est encore au tout début de la démarche.

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