Le Vent de la Chine Numéro 5 (2024)

du 5 au 18 février 2024

Editorial : Le Lapin au terrier, place au Dragon !
Le Lapin au terrier, place au Dragon !

Les grandes villes se vident prématurément, les trains sont pris d’assaut, les autoroutes saturent… Voici venu le temps du « chunyun » (春运), la plus grande migration annuelle au monde à l’occasion de la fête du printemps, appelée « chunjie » (春节). Durant 40 jours, ce n’est pas moins de 9 milliards de voyages (un record) que réaliseront des dizaines de millions de Chinois pour célébrer le nouvel an en famille et avec leurs amis. Naturellement, les autorités sont sur les dents et veillent à ce que rien ne vienne perturber leur périple, même pas une vague de froid qui s’est abattue sur le centre et l’est du pays. Il faut dire que la réputation du Dragon (de bois), dont la Chine célèbrera le passage dans la nuit du 9 au 10 février, le précède.

Cinquième signe du zodiaque chinois, le dragon est une créature légendaire qui incarne la puissance, la grandeur et la sagesse depuis des millénaires. Contrairement aux représentations occidentales qui le dépeignent comme un monstre terrifiant, le dragon est associé en Chine à toutes les représentations bénéfiques du monde. Symbole de l’empereur, le dragon recueille souvent entre ses griffes une perle, renforçant ainsi sa symbolique de richesse et de prospérité.

Son caractère chinois (龙 – 龍 ; lóng), dont la graphie antique est une combinaison des différents animaux qui le compose (corps de serpent, écailles de poisson, griffes de tigre…), est employé dans de nombreuses expressions courantes. Parmi celles-là, « dessiner un dragon et lui ajouter des yeux » (画龙点睛, huàlóng diǎnjīng) est l’équivalent chinois de « cerise sur le gâteau » ; « l’esprit du cheval-dragon » désigne des personnes pleines de vitalité (龙马精神 , lóng mǎ jīng shén) ; et « voir la tête du dragon mais pas sa queue » (神龙见首不见尾, shén lóng jiàn shǒu bú jiàn wěi) fait allusion à quelqu’un de secret. Le Dragon est également souvent associé au Tigre et au Phénix dans des proverbes, tel que « tigre couché et dragon caché » » (卧虎藏龙, wòhǔ cánglóng), qui désigne des personnes aux talents insoupçonnés ou encore « un dragon (symbole masculin) et un phénix (symbole féminin) font le bonheur » (龙凤呈祥, lóng fèng chéng xiáng), souvent utilisé pour présenter ses vœux aux jeunes mariés.

Spécificité de 2024, l’année sera une « année veuve » puisqu’elle débutera après (et non pas avant) le « Lichun » qui a eu lieu le 4 février et marque le début du printemps. Traditionnellement, ces années là, les Chinois évitent de se marier car elles sont considérées comme de mauvais augure. Cela n’est bien sûr pas du goût des autorités qui démentent tout lien entre malchance et cette configuration du calendrier. A savoir que le nombre de mariages célébrés en Chine chaque année est sur le déclin depuis dix ans déjà : en 2022, ils étaient deux fois moins nombreux qu’en 2013.

Paradoxalement peut-être, 2024 pourrait être une année très favorable aux naissances, le caractère auspicieux du Dragon engendrant souvent (c’est surtout vrai à Hong Kong, Taïwan et Singapore) un mini baby-boom. Or, depuis 2016, le nombre de naissances en Chine continentale ne cesse de dégringoler : l’an passé, le pays n’en a connu que 9 millions – deux fois moins qu’il y a sept ans. Plusieurs facteurs sont à l’œuvre : baisse du nombre de femmes en âge de procréer, perspectives économiques moroses, coût de l’éducation prohibitif… L’effet « Dragon » suffira-t-il à inverser la tendance ? Les experts (démographes, pas astrologues) en doutent, les jeunes Chinois étant moins superstitieux que leurs parents.

Il n’en est pas moins vrai que les natifs du Dragon (nés en 1904, 1916, 1928, 1940, 1952, 1964, 1976, 1988, 2000, 2012, 2024) sont souvent considérés comme des êtres chanceux, charismatiques, persévérants. En revanche, il leur arrive de se montrer impatients, têtus et arrogants.

Parmi les célèbres natifs du signe, on trouve bon nombre de figures et hommes politiques (Jeanne d’Arc, Martin Luther King, Che Guevara, François Mitterrand, Deng Xiaoping, Vladimir Poutine, Chen Jining, l’actuel secrétaire du Parti à Shanghai ou encore Liu Jianchao, pressenti futur ministre des Affaires étrangères…), d’acteurs et cinéastes (Chen Kaige, Maggie Cheung, Bruce Lee, Juliette Binoche…), et d’entrepreneurs (dont le plus célèbre d’entre eux, Jack Ma).

Selon la croyance, ceux dont le Dragon est le signe de naissance cette année (本命年, « běnmìngnián ») doivent porter chaque jour quelque chose de rouge (bracelet, chaussettes, sous-vêtements…) s’ils veulent se protéger des mauvais esprits… 2024 ne sera donc pas une année de tout repos pour eux, mais ils auront toutes les cartes en main pour dépasser les difficultés rencontrées.

Si le Dragon est en effet connu pour apporter son lot d’événements incontrôlables, faut-il pour autant s’attendre à une année « explosive » ? Si l’histoire peut servir de guide, lors de la dernière année du Dragon de bois, il y a soixante ans, le général de Gaulle a pris la décision de reconnaître diplomatiquement la Chine Populaire de Mao, faisant de la France l’un des premiers pays occidentaux (après la Suisse notamment, dès 1950) à reconnaitre Pékin au détriment de Formose. En pleine guerre froide, ce rapprochement franco-chinois a fait l’effet d’une « bombe politique ». Justement, toujours en 1964, la Chine a fait exploser sa première bombe atomique dans le désert du Taklamakan (Xinjiang), un exploit reconnu par le monde entier. Elle devenait ainsi le cinquième membre du « club nucléaire », avec les États-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni et la France (tous membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU)… Quel point commun entre ces deux événements ? Malgré leur caractère « remuant », tous deux ont permis de poser les bases de quelque chose de positif à long terme (du moins pour la Chine). De quoi nous donner un aperçu de ce que le Dragon de bois nous réserve !


Politique : Un nouveau ministre des Affaires étrangères à l’horizon
Un nouveau ministre des Affaires étrangères à l’horizon

Géopolitique : Le modèle philippin face aux pressions chinoises
Le modèle philippin face aux pressions chinoises

Un récent éditorial du quotidien nationaliste Global Times au sujet des relations entre la Chine et les Philippines est remarquable par sa capacité à cristalliser cette vérité « aux caractéristiques chinoises » propre à la réalité alternative de la propagande d’Etat. Intitulé, sans ironie, « La rationalité peut-elle revenir dans la politique étrangère des Philippines ? », l’article accuse les Philippines (106 millions d’habitants, 4,4 milliards de $ de dépenses militaires annuelles, 0,5% du total mondial) d’agression caractérisée contre la République populaire (1,4 milliard d’habitants, 300 milliards de $ de dépenses militaires, 36% du total mondial).

Le « tort » des Philippines est de refuser à la Chine de mettre en œuvre sa tentative de nationaliser 87% de la mer de Chine du Sud, une stratégie condamnée par un tribunal international en 2016, et de défendre pied-à-pied son accès légitime, à l’égard du droit de la mer, à accéder aux surfaces terrestres émergentes situées dans sa Zone Économique Exclusive (ZEE).  Selon le Global Times, l’ensemble des actes de résistance de Manille à la tentative de Pékin d’imposer sa pax sinica sur la région relève de l’agression : « Ce sont les Philippines qui, en premier lieu, ont constamment provoqué la Chine sur la question de la mer de Chine méridionale. […] Ces provocations concernaient le transport de ravitaillements et les intrusions dans les territoires de pêche. Les actions provocatrices des Philippines en mer de Chine méridionale, dans le contexte du fossé de puissance entre la Chine et les Philippines, manifeste la stratégie indopacifique américaine et de compétition stratégique avec la Chine ». Autrement dit, étant donné le différentiel de puissance entre la Chine et les Philippines, Manille devrait accepter son sort et reconnaître la loi du plus fort sans avoir recours aux Etats-Unis et sans prétendre jouer dans la cour des grands : « En tant que pays relativement petit dans la région, les Philippines doivent faire preuve de prudence face à la concurrence des grandes puissances, sinon elles pourraient devenir une victime. […] Nous espérons que les Philippines feront preuve de suffisamment de sagesse stratégique pour développer des relations sino-philippines à l’avenir durable. »

Ce qui est intéressant dans cet article est qu’il dénote une certaine préoccupation. L’appel à la raison et au retour au calme doit se comprendre comme témoignant de l’inquiétude de Pékin par rapport à la stratégie des Philippines qui apparaît comme de plus en plus efficace. Non seulement, la stratégie du pays sous le président Marcos Jr. démontre la vacuité de la politique de l’ancien président Duterte qui n’a rien obtenu de la Chine malgré son attitude très conciliante mais, plus encore, elle peut servir de modèle pour l’ensemble des pays de la région et même du monde.

En quoi consiste-t-elle ? Il s’agit de dénoncer haut et fort, de façon continue et transparente, communiqués officiels, articles de presse et vidéos diffusées sur le net à l’appui, l’ensemble des actions chinoises d’intimidation contre la marine et le secteur de la pêche philippins.

En février 2023, lorsque la Chine a pointé un laser de qualité militaire sur les membres d’équipage philippins d’un bateau de patrouille, le gouvernement Marcos Jr. avait rendu public l’incident. Avant cela, aucun pays d’Asie du Sud-Est n’avait jamais osé signaler des escarmouches maritimes avec la Chine. Après cet incident, Marcos Jr. a formellement protesté auprès de l’ambassadeur de Chine aux Philippines.  Selon le commodore des garde-côtes Jay Tarriela : « la meilleure façon de lutter contre les activités de la ‘zone grise’ chinoise dans la mer des Philippines occidentales est de les dénoncer » ; cela « permet à des États partageant les mêmes idées d’exprimer des condamnations et des reproches, ce qui met Pékin sous les projecteurs ».

Ainsi, à la suite de cet incident, le Département d’État américain déclarait que « le comportement opérationnel dangereux de la Chine menaçait directement la paix et la stabilité régionales » et « sapait l’ordre international fondé sur des règles ». En conséquence, les États-Unis ont renforcé leur avertissement selon lequel ils défendraient les Philippines si les forces chinoises attaquaient les forces, les avions et les navires philippins en mer de Chine méridionale.

Plus encore, le 15 janvier 2024, Marcos Jr. avait félicité le nouveau président de Taïwan, William Lai pour sa victoire : « Au nom du peuple philippin, je félicite le président élu Lai Ching-te pour son élection à la présidence de Taiwan […] Nous sommes impatients de collaborer étroitement, de renforcer les intérêts mutuels, de favoriser la paix et d’assurer la prospérité de nos peuples dans les années à venir ». C’est ce qu’on appelle savoir jouer de « la carte taïwanaise ». Il faut en effet rappeler que si Taïwan n’est pas reconnue par les instances internationales, c’est simplement par prudence diplomatique. En réalité, rien, sauf l’immense colère de Pékin et la volonté de préserver un « ordre mondial » de moins en moins ordonné d’ailleurs, ne peut empêcher un pays de reconnaître unilatéralement et légitimement l’existence de la République de Chine.

« Hasard du calendrier », comme on dit souvent par précaution oratoire, le 17 janvier, les Philippines et la Chine, lors d’une réunion bilatérale, ont convenu d’« améliorer [un] mécanisme de communication maritime en mer de Chine méridionale » à partir de 2024. Ce qui « inclut les communications entre les ministères des Affaires étrangères et les garde-côtes des deux pays » selon le ministère des Affaires étrangères des Philippines.

Pour autant, les tensions restent vives et les accrochages constants. Manille est sur le qui-vive pour contredire le narratif chinois. Ainsi, la Chine, par l’intermédiaire de ses garde-côtes, avait affirmé le 27 janvier qu’elle avait « autorisé » la livraison de fournitures au rouillé BRP Sierra Madre, un navire de la Seconde Guerre mondiale qui sert d’avant-poste aux Philippines dans le haut-fond. Qu’à cela ne tienne, le 29 janvier, date de publication de l’article du Global Times cité plus haut, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Jonathan Malaya a démenti un quelconque « arrangement spécial temporaire » permettant la livraison de fournitures pour les troupes stationnées au BRP de la Sierra Madre, dans l’ouest de la mer des Philippines. Autrement dit, les Philippines n’ont pas besoin de l’accord de la Chine pour opérer dans leur zone maritime.

A cela s’ajoute, la multiplication des alliances régionales dont les plus inédites. Ainsi le 30 janvier, lors d’une visite d’État à Hanoï du président Ferdinand Marcos Jr., le Vietnam et les Philippines ont convenu de renforcer la coopération entre leurs garde-côtes et de prévenir des incidents en mer de Chine méridionale. Voilà qui a sans doute motivé l’« appel à la raison » lancé par Pékin à Manille. Alors même que Vietnam et Philippines ont aussi des revendications concurrentes sur cette mer de Chine méridionale où circulent 3 000 milliards de $ de commerce maritime par an, un tel accord permet d’établir un front commun face aux ambitions hégémoniques de Pékin. Que Manille y parvienne non seulement avec Tokyo (les Philippines espèrent signer cette année un accord avec le Japon autorisant le déploiement réciproque sur leur sol de leurs forces militaires) mais aussi avec un pays ami de la Chine comme le Vietnam est assez éloquent.

Enfin, dernière pièce du dispositif, l’augmentation des dépenses militaires. Fin décembre, Marcos Jr. a signé le budget national de 2024 allouant à la défense une enveloppe de 5 770 milliards de pesos (103,5 milliards de dollars), soit 9,5 % de plus qu’en 2023.

A l’inverse des pays de l’Union Européenne qui veulent traiter les différends avec Pékin de façon privée et sous le sceau du secret, ou dans le cadre hautement ritualisé de la Commission, la diplomatie agressivement transparente des Philippines qui sait jouer de la carte taïwanaise en multipliant les alliances peut servir de modèle. Le fait que les Philippines soient par ailleurs l’un des pays de la zone Asie à la croissance du PIB la plus forte (7,6% en 2022 et 5,9% en 2023) n’atteste pas pour l’instant que résister à Pékin soit un frein pour sa croissance économique.

Par Jean-Yves Heurtebise


Vocabulaire de la semaine : « Ambassade, Etats-Unis, bourse, se plaindre, visa, touristes, prévisions »
« Ambassade, Etats-Unis, bourse, se plaindre, visa, touristes, prévisions »
  1. De nombreux : 许多; xǔduō (HSK 2)
  2. Citoyen : 公民; gōngmín (HSK 3)
  3. Par le moyen de, adopter (une résolution) : 通过; tōngguò (HSK 2)
  4. Etats-Unis : 美国 ; měiguó
  5. Ambassade : 大使馆 ; dàshǐguǎn (HSK 2)
  6. Réseaux sociaux : 社交媒体 ; shèjiāo méitǐ (HSK 7-9)
  7. Compte (bancaire, sur internet) : 账户 ; zhànghù (HSK 6)
  8. Exprimer (mécontentement), se plaindre : 发泄 ; fāxiè (HSK 7-9)
  9. Economie : 经济 ; jīngjì (HSK 3)
  10. Ralentir, modérer, abaisser : 缓和 ; huǎn hé (HSK 7-9)
  11. Marché boursier : 股市 ; gǔshì (HSK 7-9)
  12. Faible, fatigué : 疲软 ; píruǎn
  13. Mécontentement, pas satisfait : 不满 ; bùmǎn (HSK 2)

许多中国公民通过美国大使馆社交媒体账户发泄对中国经济缓和股市疲软不满

Xǔduō zhōngguó gōngmín tōngguò měiguó dàshǐ guǎn de shèjiāo méitǐ zhànghù lái fāxiè duì zhōngguó jīngjì fàng huǎn hé gǔshì píruǎn de bùmǎn.

« De nombreux citoyens chinois se sont tournés vers les comptes des réseaux sociaux de l’ambassade américaine (cf capture d’écran) pour exprimer leur frustration face au ralentissement de l’économie chinoise et à la faiblesse du marché boursier ».

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  1. Alors que : 随着; suízhe (HSK 5)
  2. Sévère : 严重 ; yánzhòng (HSK 4)
  3. Récession (économique) : 衰退 ; shuāituì (HSK 7-9)
  4. International : 国际 ; guójì (HSK 2)
  5. Image : 形象; xíngxiàng (HSK 3)
  6. Revers : 受挫 ; miǎnchú
  7. Gouvernement : 政府 ; zhèngfǔ (HSK 4)
  8. Successivement : 相继 ; xiāngjì (HSK 7-9)
  9. Déclarer, annoncer, proclamer : 宣布 ; xuānbù (HSK 3)
  10. Ouvrir, ouvert (au public, d’esprit) : 开放 ; kāifàng (HSK 3)
  11. Europe : 欧洲 ; ōuzhōu
  12. Asie : 亚洲 ; yàzhōu 
  13. Pays : 国家 ; guójiā (HSK 1)
  14. Voyageurs, touristes : 旅客 ; lǚkè (HSK 2)
  15. Sans, exempter : 免 ; miǎn (HSK 7-9)
  16. Visa : 签证 ; qiānzhèng (HSK 5)
  17. Entrée (sur le territoire) : 入境 ; rùjìng (HSK 7-9)
  18. Toutefois, néanmoins : 然而 ; rán’ér (HSK 4)
  19. Nombre de personnes : 人数 ; rénshù (HSK 2)
  20. Rester, demeurer, encore : 仍 ; réng (HSK 3)
  21. Inférieur à : 不如 ; bùrú
  22. Estimation, prévision : 预期 ; yùqí (HSK 5)

随着中国经济严重衰退国际形象受挫,中共政府相继宣布开放十多个欧洲亚洲国家旅客开放免签证入境。 然而,2023年的外国旅客出入境人数仍不如预期。

Suízhe zhōngguó jīngjì yánzhòng shuāituì, guójì xíngxiàng shòucuò, zhōnggòng zhèngfǔ xiāngjì xuānbù kāifàng shí duō gè ōuzhōu jí yàzhōu guójiā lǚkè kāifàng miǎn qiānzhèng rùjìng. Rán’ér,2023 nián de wàiguó lǚkè chū rùjìng rénshù réng bùrú yùqí。

« Alors que l’économie chinoise est en grave récession et que son image internationale souffre d’un revers, le gouvernement chinois a successivement annoncé l’entrée sans visa pour les touristes en provenance de plus d’une douzaine de pays européens et asiatiques. Toutefois, le nombre d’arrivées et de départs de touristes étrangers en 2023 reste encore inférieur aux prévisions ».


Petit Peuple : Shenyang (Liaoning) – Le gros mensonge de Madame Shen
Shenyang (Liaoning) – Le gros mensonge de Madame Shen

L’amour filial à la chinoise peut être rude. Mme Shen, à Shenyang (Liaoning) peut vous le dire. Elle incarne ce type de parents, qui n’hésitent pas à faire souffrir leur enfant « pour son bien ». Ces parents, on les appelle en Chine « parents- tigres », épithète, où se mêlent autant l’admiration que l’effroi. A la décharge de Mme Shen, il faut bien reconnaître qu’elle faisait face à un réel problème. C’est l’histoire bien connue, du couple nouveau riche qui ne se rend pas compte des risques éducatifs que représente l’abondance. 

Cheng Cheng, leur petite fille, trouvait « nul » de faire son lit, de ranger sa chambre, et protestait quand sa mère passait la prendre à l’école en Citroën Fukang au lieu de la BMW avec chauffeur de papa – « ses amies allaient se moquer d’elle ». Quand on lui demandait de se lever de table pour aller chercher quoi que ce soit, elle protestait et trouvait toutes sortes d’échappatoires.

Pas de doute, Cheng Cheng filait du mauvais coton. Si rien n’était fait, elle s’acheminerait vers une vie de ratée, de profiteuse, laissant en friche d’évidentes qualités. Il fallait absolument la remettre sur les rails, lui infliger le châtiment du maître taoïste à son novice, 当头棒喝(dāng tóu bàng hè), « donner un coup de bâton sur la tête et crier », nécessaire pour redresser la barre. C’est pourquoi après avoir bien médité, Mme Shen prit le taureau par les cornes. 

Un jour, la fillette de 9 ans lui tendit, sans rougir, son carnet scolaire truffé de mauvaises notes et d’avertissements. C’est alors que sa mère lui asséna ce gros mensonge, affûté depuis des semaines : « Cheng Cheng, je ne suis pas ta véritable maman. Nous t’avons adoptée. Ta mère génétique t’avait confiée à nous peu avant de succomber à un mal incurable. Je lui ai promis de te soutenir jusqu’à la fin de tes études. Après ça, finie la vie de château, tu devras gagner ta vie ! » Stupéfaite, la gamine voulut d’abord lui tenir tête : « Vous me faites marcher ». « Mais non », soutint la Mme Shen, sans pitié.

Les semaines qui suivirent virent la fillette se recroqueviller sur elle-même, perturbée, confuse, cauchemardant la nuit, pleurant au réveil – la mère laissait faire. 

Peu à peu, s’ensuivit sa métamorphose, sous les yeux ébahis de ses professeurs. Cheng Cheng commença à faire ses devoirs à temps, à apprendre ses leçons avec un perfectionnisme d’abord désespéré, puis complice, à mesure qu’elle prenait goût aux études. 

Son rapport aux autres, parents, enseignants, chauffeur, ayi…changea : prenant conscience de son besoin des autres, elle se mit à les écouter, comme si ce qu’ils avaient à dire pouvait avoir de la valeur, et les respecter. Et dorénavant, elle obéissait aux consignes. 

Ayant pris cette décision une fois pour toute (le père n’avait pas eu son mot à dire), la mère garda le silence. Elle se tut, même quand elle réalisa que le lien avec sa fille se distendait. 

Quand celle-ci eut 13 ans, elle déclara à ses « parents » qu’elle considérait désormais comme ses « tuteurs », qu’elle voulait entrer en pension. Pris à leur propre piège, les parents n’eurent d’autre choix que d’accepter.

Sous l’angle des résultats, les fruits du mensonge dépassèrent les espoirs les plus fous. Bourreau de travail, Cheng Cheng ne cessa plus d’être première, fut acceptée à la prestigieuse université Jiaotong de Dalian (un des établissements-phares de la région), et de nombreuses bourses lui furent accordées.
Mme Shen continuait à se murer dans son secret. Ce n’est qu’une fois sa fille employée dans une grosse boite de software du Dongbei, mariée, et pleinement indépendante, qu’elle se décida à avouer que Cheng Cheng était bien le fruit de ses entrailles, tous comptes faits. 

A cette choquante révélation, Cheng Cheng exprima une bien compréhensible surprise : pour quelle raison sa mère avait-elle si longtemps poursuivi la mystification, même après qu’elle-même se fût amendée ? Mais le désarroi fut de courte durée : depuis longtemps, la jeune diplômée était passée maître dans l’art de dompter ses émotions et garder son cœur en cage. La relation demeura inchangée, froide et courtoise. C’était trop tard : toutes ces années de tendresse volées, ne pouvaient plus être rattrapées. 

À vrai dire, dans le secret de son cœur, Cheng Cheng s’interroge. Sa mère avait-elle coupé le lien pour son bien ou pour avoir la paix ? Et si au lieu d’être une fille, elle avait été un garçon, aurait-elle pris la même décision ? Son pardon dépend des réponses à de telles questions…

Par Eric Meyer

NDLR: Notre rubrique « Petit Peuple » dont fait partie cet article raconte l’histoire d’une ou d’un Chinois(e) au parcours de vie hors du commun, inspirée de faits rééls.

Ce « Petit Peuple » a été publié pour la première fois le 5 janvier 2014 dans le Vent de la Chine – Numéro 36 (2014)


Rendez-vous : Semaines du 5 février au 28 avril 2024
Semaines du 5 février au 28 avril 2024

29 février 2 mars, Shanghai: CHINA HORSE FAIR 2024, Salon chinois international du cheval, sport et loisirs

4 – 6 mars, Canton: SIAF GUANGZHOU 2024, Salon international pour l’automatisation des procédés

6 – 8 mars, Shanghai: CCEC CHINA 2024, Salon international et conférence sur les carbures cémentés de Shanghai

6 – 8 mars, Shanghai: PM CHINA 2024, Salon international et conférence de Shanghai sur la métallurgie des poudres

6 – 9 mars, Tianjin: CIEX 2024, Salon international de l’automation, de la robotique et de la machine-outil

6 – 9 mars, Tianjin: CIRE 2024, Salon international chinois de la robotique industrielle

13-15 mars, Shanghai : CAC SHOW 2024, Salon international et conférence dédiés à l’agrochimie et aux technologies de protection des récoltes

13-15 mars, Shanghai : CHINASHOP – CHINA RETAIL TRADE FAIR 2024, Salon dédié aux technologies de pointe et aux toutes nouvelles solutions pour le commerce de détail

19-21 mars, Canton : MRO SUMMIT GUANGZHOU 2024, Salon et conférences B2B en Chine pour l’industrie aérospatiale MRO (Maintenance, Réparation et Opérations)

20-22 mars, Shanghai : PRODUCTRONICA CHINA 2024, Salon international de la production électronique

20-22 mars, Shanghai : SEMICON CHINA 2024, Salon international de l’équipement et des matériaux pour les semi-conducteurs

20-23 mars, Jinan : JINAN INTERNATIONAL INDUSTRIAL AUTOMATION 2024, Salon chinois international des technologies d’automation industrielle et de contrôle

25-27 mars, Pékin : CIPPE 2024, Salon international chinois du pétrole, des technologies pétrochimiques et de leurs équipements

26-28 mars, Shanghai : CTW CHINA 2024, La principale conférence sur la gestion des voyages d’entreprise en Chine

26-29 mars, Shanghai : HDE – ECOBUILD CHINA 2024, Salon de la construction et du bâtiment durable

27-30 mars, Hefei : CCEME – HEIFEI 2024, Salon international des équipements de fabrication pour la Chine intérieure

28-30 mars, Shenzhen : ITES EXHIBITION (SIMM) 2024, Salon des technologies et d’équipements de fabrication de pointe dans le sud de la Chine.

10 avril, Pékin : ACCESS MBA – BEIJING 2024, Campagne de communication spécialement conçue pour mieux informer les étudiants des opportunités de MBA

11-14 avril, Shanghai : CMEF – CHINA MEDICAL EQUIPMENT FAIR 2024, Salon chinois international de l’équipement médical

13 avril, Shanghai : ACCESS MBA – SHANGHAI 2024, Campagne de communication spécialement conçue pour mieux informer les étudiants des opportunités de MBA

15-17 avril, Fuzhou : HEEC – HIGHER EDUCATION EXPO CHINA 2024, Le grand salon de l’éducation de haute qualité en Asie

17-19 avril, Pékin : BEIJING INFOCOMM CHINA 2024, Beijing Infocomm China comprend une exposition qui présente les inventions des TIC les plus avancées et les plus demandées au monde

18-20 avril, Shanghai : IE EXPO CHINA 2024, Salon professionnel international de la gestion et traitement de l’eau, du recyclage, du contrôle de la pollution atmosphérique et des économies d’énergie

23-26 avril, Shanghai : CHINAPLAS ‘2024, Salon international des industries du plastique et du caoutchouc