Le 7 février à 9h01, alors que la Chine entière préparait les pétards du Nouvel An, la Corée du Nord la gratifia d’une fusée à sa façon : Kwangmyongsong (« Etoile brillante »), porteuse d’un satellite « d’observation terrestre » mais conçue pour livrer une ogive de 500kg sur la Californie à 12.000 km de là. Le premier étage était « autodestructeur », pour compliquer la tâche de la marine sudiste qui, lors du dernier tir en 2012, avait récupéré les débris et commenté ces matériels secrets.
Ainsi, la course au nucléaire nord-coréenne s’emballe : depuis septembre, Pyongyang refabrique du plutonium à son réacteur de Yongbyon rouvert après 8 ans d’arrêt. Le 6 janvier, il testait une bombe « H » , et aujourd’hui, son missile longue-portée.
Pour la Chine, ce tir fit l’effet d’une gifle : fin janvier, un de ses cadres s’était rendu à Pyongyang dans l’espoir de l’en dissuader – en vain. Pire, après avoir annoncé un tir « entre le 8 et le 25 février », Kim Jong-un, le jeune dictateur a fait avancer la mise à feu, en pleine célébration chinoise !
Cette provocation est d’abord due à l’idéologie nationale : au nom de la Juche, ce régime enclavé revendique « liberté » et « bonheur » dans la fière affirmation de son indépendance. D’autre part, son chantage à la bombe lui procure une aide alimentaire de l’ONU. Enfin, le tir peut viser à mater une fronde des partisans de Jang Sung-thaek, l’oncle de Kim qui l’avait fait exécuter en 2013.
Quelques heures après le tir, Pékin « riposta » par de simples regrets. Qu’on ne s’y trompe pas : les leaders chinois sont furieux vis-à-vis de Pyongyang, « ingrat qui mord la main qui le nourrit ». Xi Jinping a refusé jusqu’alors de rencontrer Kim Jong-un.
Malgré tout, la Corée du Nord demeure un « frère d’arme », et selon les règles, son soutien ne peut être changé qu’à l’unanimité au Bureau Politique, où siègent plusieurs nostalgiques durs tel Zhang Dejiang, Président du Parlement, ayant étudié à Pyongyang. L’autre raison tient au fait que ce sont les USA qui prient Pékin de lâcher Pyongyang : le gendarme du monde, avec qui la Chine est se heurte en mer de Chine du Sud, et son rival pour la maîtrise sur l’Asie demain. Dur de céder quoique ce soit à un tel rival !
Au final, la Chine apparaît clairement victime… d’elle-même, contrainte à laisser le petit voisin accéder à la bombe atomique, et les Etats-Unis arrimer la Corée du Sud à son système de missiles de défense à sa porte. Jusqu’à quand Pékin va-t-elle s’enferrer dans cette passivité ? Peut-être jusqu’en 2017, après le XIX Congrès, où tous les vieux « camarades » aux postes de commande seront mis à la retraite.
Sommaire N° 5 (2016)