Le Vent de la Chine Numéro 5 (2016)
Le 7 février à minuit, pétards et feux d’artifices à travers la Chine célébrèrent le passage du signe de la Chèvre à celui du Singe de feu. Néanmoins, signe de frugalité et dans un souci environnemental, ils résonnèrent moins forts que l’an passé (ventes divisées par deux à Pékin, et bannies dans le centre de Shanghai). Dans la capitale, les foires traditionnelles (庙会, miàohuì) furent limitées à 5 jours seulement, avec moins de stands, de confiseries et de spectacles d’acrobaties. Pour écarter tout risque d’attentats, partout dans le pays des forces de police et militaires étaient déployées dans les gares, métro, parcs et temples…
Le soir du chūnwǎn (春晚), le gala télévisé (cf photo) fut distraitement suivi par plus de 700 millions de téléspectateurs. Glorifiant la fonction militaire, il alterna sketches de comiques gominés et danses d’ethnies minoritaires aux costumes chatoyants. Pendant ce temps, plus 8 milliards d’e nveloppes rouges virtuelles (红包, hóngbāo) furent échangées, 8 fois plus que l’an passé.
Personnifié par Sun Wukong (孙悟空), le facétieux héros du Voyage à l’Ouest (le roman identitaire du Céleste Empire), le Singe est un signe astral espiègle, courageux, bon vivant et plein d’astuces – contrairement à la chèvre condamnée à errer, ventre creux, aux flancs des collines pelées… Aussi sous ce nouveau signe, plus souriant, les démographes attendent un bond en avant des naissances, +20% et dans Pékin 300.000 bébés en 2016. Il arrive au Singe, pourtant, de se montrer sous un jour moins positif -obstiné, cabotin, irritable. Pour les Chinois donc, 2016 est pleine d’incertitudes. Le Singe saura-t-il flouer la crise, ou bien toutes ses ruses n’aboutiront-elles qu’à un feu de paille, vite suivi de cendres, et de dégâts telle l’implosion de la bulle immobilière dans l’année ?
Du 24 janvier au 3 mars, des nuées de citadins auront visité le laojia (老家), village natal. Les 2,91 milliards de voyages prévus se seront déroulés mieux que de coutume. La vente par internet de tickets nominatifs découragea faux billets et ventes à la sauvette, et le train fonctionna mieux : par -10°C en gare de Canton, seuls 100.000 passagers furent bloqués 10 heures le 2 février, un net progrès par rapport aux 900.000 qui avaient été retenus 3 jours en 2008.
Au chapitre porte-monnaie, ce chunjie fut frugal : 66% des salariés, 5% de plus qu’en 2015, n’eurent pas de prime. Afin d’échapper au poids des traditions et de couper court aux critiques quant à leur célibat, innombrables furent les jeunes ayant loué (3000¥/semaine) un ou une fiancé(e) pour duper leurs (grands-)parents. L’offre la plus sophistiquée vint de Hong Kong, dont les agences spécialisées préparèrent les faux couples à répéter les détails du prétendu amour. Les acteurs s’engageaient aussi à ne pas fumer, et moins encore à s’embrasser, seuls quelques gestes tendres étant tolérés afin d’accréditer l’illusion de cette relation imaginaire.
Ainsi, les statistiques de ce cru 2016 du « chunjie » le montrent, le retour au village perd de son attrait, 15 jours avant l’échéance, 60% des citadins se disaient tentés par un s éjour hors du pays, et 6 millions d’entre eux profitaient de la période pour s’évader vers les 5 continents, parfois pour des voyages à thème, du « mariage à Paris » » au « ski au Japon » ou à la « croisière en Antarctique » – chacun craquant en argent de poche 10.000¥ en moyenne. Ce chunjie en somme, expose la maturation rapide de la société. En troquant traditions millénaires, ces citadins découvrent ainsi le vrai sens des vacances et du voyage – la découverte simultanée de soi et du monde, – pour la première fois dans l’histoire du pays.
Sous bien des perspectives, le rachat de Syngenta par ChemChina le 3 février fera date dans l’histoire agricole, comme le moment où la Chine changea de politique pour relancer son monde rural en une génération par application massive de technologies. Rien ne sera plus comme avant !
Rien que le prix payé fait dresser l’oreille : 43 milliards de $, record chinois pour une reprise étrangère.
Syngenta est n°3 mondial des semences de grandes cultures et semences potagères. Issu de la fusion (2005) de Novartis (Suisse) et AstraZeneca (britannique), il réalisait 13,4 milliards de $ de ventes en 2015, avec 28.000 actifs.
Quoique important, le repreneur est peu connu, tout comme Ren Jianxin, son très discret fondateur, qui créa la société en 1984, grâce à un « prêt public » de 10.000 ¥, pour faire du « nettoyage industriel ». 22 ans après, le statut étatique du groupe ne fait plus de doute, pas plus que sa vocation de chimie fine et d’agrochimie. Ces métiers en aval du pétrole rapportaient moins que l’or noir lui-même, et étaient négligés en Chine, malgré leur utilité pour l’emploi, les industries et les villes.
ChemChina a grandi vite, par fusion-acquisition plus que par hausse des ventes. En 10 ans, il avala 100 firmes d’Etat, 15 milliards de $ de perles étrangères telles la branche silicium organique de Rhodia(France), Pirelli (Italie), Elkem (Norvège), Adama (Israël) ou KraussMaffei (Allemagne). Il emploie désormais 140.000 actifs, et fait 45 milliards de $ de chiffre d’affaires par an, dont la moitié en ventes de pétrole, qu’il a été le premier groupe « privé » à pouvoir importer.
Avant cette reprise, un autre rival voulut s’offrir le trésor Syngenta. En deux ans, Monsanto (US), n°1 mondial, soumit 4 offres, allant jusqu’à 47 milliards de $. Mais un écueil fit sombrer le rachat : le procès à venir, d’agriculteurs du Midwest contre Syngenta, pour refus (on verra bientôt pourquoi) par les ports chinois de cargos de maïs issu de semences Syngenta.
L’affaire pouvait coûter à Syngenta jusqu’à 17 milliards de $, et Monsanto exigeait des garanties. Faute de les obtenir, ce dernier retirait son offre en août 2015.
L’échec encouragea ChemChina à tenter sa chance, et la situation du marché tourna à son avantage. D’abord, DowChemical et Dupont fusionnèrent, brisant l’équilibre précaire d’un marché jusqu’alors tenu par une poignée de conglomérats : Syngenta risquait la reprise hostile. Puis les cours du grain reculèrent suite à la baisse de demande chinoise en matières premières.
Pékin, deus ex machina, agit alors en coulisse pour soutenir les chances de son champion. Ses ports se rouvrirent, réduisant ainsi potentiellement la facture à Syngenta (augmentant les profits des actionnaires avant leur vote). Puis en décembre, contre toute attente, ChemChina put aligner cash les 43 milliards convenus. Dès lors, Syngenta pouvait voter pour l’abdication de sa liberté.
On note au passage une anomalie dans ce deal, qui met en lumière sa connotation politique : les fonds immenses furent libérés sans broncher, « par on ne sait qui » à un groupe endetté jusqu’au cou, devant déjà 24,7 milliards de $, et ayant accusé au 3ème trimestre 2015, 135 millions de $ de pertes opérationnelles.
Les raisons de l’Etat chinois sont claires. Son agriculture, à surface égale, produit 33% de moins que celles d’Europe ou des USA. Ses progrès en 40 ans, ont été constants, mais son terroir atomisé en lopins et sa faible mécanisation l’empêche de se mesurer à l’agrobusiness international. Seule l’action d’une bio-ingénierie de pointe telle Syngenta peut changer la donne, sans faire perdre au pays son autonomie alimentaire.
C’est ici qu’apparaît l’ultime donne, vitale pour la Chine : la filière de l’OGM (Organisme Génétiquement Modifié). Avec 3,16 milliards de $ en 2015, Syngenta est second vendeur d’OGM, et seconde plateforme de semences. Ses centres de R&D hors pairs pratiquent le séquençage du génome et l’implantation de gènes privilégiés : ceux des arômes, du volume, des vitamines, de la rétention d’eau ou de l’invulnérabilité aux pestes.
Les conséquences de ce rachat par « ChemChina » sont incalculables. Depuis 20 ans, la recherche OGM était l’apanage du ministère de l’Agriculture, qui redistribuait aux universités des souches OGM brevetées Monsanto, Dupont ou Syngenta, échangées à fin de R&D à l’exclusion de toute exploitation commerciale. Ces instituts d’agronomie devaient rassembler leurs découvertes et aboutir ensemble à la série d’OGM « nationaux » en blé, riz ou maïs, conformément aux besoins. Et de fait, ils sortaient régulièrement des souches nouvelles, « made in China ».
Le problème est que le permis d’exploitation n’est jamais venu : trop rivales, les universités n’avaient pas joué le jeu de l’échange. Leurs « inventions » étaient piratées, voire entachées d’erreurs de manipulation. A certifier de telles semences « amateurs », la Chine ne pourrait échapper à de nombreux procès et scandales.
Sous cette perspective, le rachat de Syngenta, selon un grand expert de ce secteur, signifie que le ministère de l’Agriculture a été désavoué, et les universités renvoyées à leurs chères études. Plutôt que de nettoyer les écuries d’Augias, tâche impossible, le pouvoir a opté pour remettre le dossier aux industriels, à commencer par ChemChina. La décision émane des super-commissions créées par Xi Jinping, et qui supervisent voire court-circuitent le Conseil d’Etat.
On y reviendra la semaine prochaine, pour dévoiler d’autres noms de l’économie chinoise impliqués dans cette restructuration, et pour évaluer les incidences (lourdes) à attendre, sous 15 ans, pour l’agro-business mondial.
La Chine 93 ème rang du football, aspire à percer comme puissance mondiale de ce sport. Elle en est loin, étant en mauvaise posture pour se qualifier pour la Coupe du Monde de 2018 en Russie— son entraîneur français Alain Perrin (cf notre interview exclusive l’été dernier) vient d’être congédié. Mais elle veut remonter la pente : son grand plan pour le faire, provoque des vagues à travers la planète du ballon rond.
Décembre 2015 – janvier 2016, période des transferts, resteront dans les annales : les clubs chinois ont aligné 260 millions d’€ en rachats de stars du Cône Sud ou d’Afrique. A titre de comparaison, les clubs français n’ont mis sur la table que 31 millions.
L’argentin Ezequiel Lavezzi du PSG devrait partir pour le Hebei China Fortune (entre 13 et 15 millions d’€). Record de Chine, le 5 février, le Jiangsu Suning s’offre pour50 millions d’€ le Brésilien Alex Teixeira…
Et les prix flambent : transféré pour 250.000 € en 2015 au Danemark, Bruninho repart 6 mois plus tard au Guangzhou Evergrande pour 2,5 millions. On voit même les clubs chinois se « chiper » leurs joueurs étrangers : le SIPG (Shanghai) débauche à 18,5 millions d’€ le Brésilien Elkeson d’Evergrande. Même entre clubs chinois, c’est la foire d’empoigne !
Tout a commencé en 2011, sur une petite phrase du futur Président Xi Jinping , qui rêvait que la Chine « se qualifie, puis accueille, puis gagne » la Coupe du Monde de football.
En 2014, Xi proposa que d’ici 2020, 50.000 écoles soient équipées en terrains et instructeurs de foot, avec l’aide des meilleurs pays. Fin 2015, 240 entraîneurs chinois étaient en France. Ronaldo, la star brésilienne, ouvre ses académies en Chine. Le Conseil d’Etat envisage même l’octroi – rarissime – de la nationalité aux joueurs étrangers, pour les intégrer à l’équipe nationale.
La motivation est politique. La rue souffre de voir son « 11 » dernier de la classe. Et le foot est aussi un moyen de faire oublier la crise. C’est la vieille formule romaine, « du pain et des jeux », donner au peuple du travail, mais aussi des loisirs. Ainsi, le régime espère accueillir la Coupe du Monde sur son sol, en 2026 ou 2030.
A l’appel de Xi Jinping, les investisseurs se sont rués. En 2015, Wang Jianlin le milliardaire immobilier rachète 20% de l’Atletico de Madrid. Puis pour un milliard d’euros, il empoche Sports et Media, le groupe suisse proche de Sepp Blatter, titulaire des droits de TV sur les Coupes du Monde en Asie – une vache à lait en milliards de téléspectateurs.
Jack Ma, patron d’Alibaba, n°1 mondial du commerce en ligne, a repris 38% du Guangzhou Evergrande, puis fondé Alisport, plateforme virtuelle de vente de produits dérivés (maillots des clubs, billets de stades, contenus payants sur smartphone). Sa clientèle : 600 millions d’internautes inscrits sur ses sites.
China Media Capital, du mogul Li Ruigang, rachète en décembre 13% du Manchester City, puis emporte pour 1,1 milliard d’euros, cinq ans de droits de diffusion des matchs de la Chinese Super League—20 fois le tarif pratiqué jusqu’alors.
Mais cette stratégie d’achats massifs de joueurs étrangers sera-t-elle payante ? Les clubs amateurs, en tout cas, en doutent. Selon eux, les fortunes dépensées sur une poignée de jambes en or parmi les 16 clubs « dorés » de la Chinese Super League, donneraient bien plus de résultats si elles étaient saupoudrées sur les multitudes de petits clubs vivotant dans l’ombre. De plus, dans ces grandes formations, les joueurs chinois restent complexés sur le terrain face aux stars importées surpayées. Trop souvent la colle ne prend pas, comme dans le cas d’Anelka et de Drogba, recrutés en 2013 au Shenhua (Shanghai), mais partis au bout d’un an, se plaignant de non-respect du contrat.
Autre risque, la corruption qui a failli tuer ce sport dans l’œuf – vu le nombre de scandales, les parents chinois ne voulaient même plus orienter leur enfant unique vers ce sport « pourri ». Aujourd’hui avec le grand nettoyage en cours, l’argent sale n’apparaît plus visible dans les stades de football – mais il peut revenir…
Au vu des énormes efforts en route, le football chinois ne peut que monter en qualité, sous 5 ans. Pour y parvenir, le football chinois devra trouver son propre style, cesser de compter sur les talents importés, et éliminer la triche. Ce qui ne peut se faire sans séparer le sport du Parti, au détriment de ce dernier. Y est-il prêt aujourd’hui ? Certainement pas. Et pourtant, seule la liberté des sportifs de s’organiser peut leur permettre de conjurer leurs mauvais génies. Toute la contradiction, et le défi du football chinois est là !
Guangzhou-Evergrande, le club de référence
Créé en 1954, en faillite en 2009, le Guangzhou FC est racheté par Xu Jiayin, PDG du groupe immobilier Evergrande. C’est là que débute son ascension. Xu importe des joueurs étrangers tels Conca(Argentine), et l’ex-entraineur d’Italie M. Lippi.
Dès 2011, l’Evergrande gagne le championnat national – puis chaque année jusqu’à ce jour. En 2012, il remporte la coupe d’Asie (AFC) et atteint deux fois la demi-finale de Coupe du monde des clubs.
La même année, pour préparer l’avenir, il créé sa Football Academy à 80 terrains et 150 entraîneurs, pour 2400 pensionnaires. Après avoir recruté Robinho (2014), Paulinho (2015), et F. Scolari, l’ex-coach du Brésil, il s’offre en février 2016, le Colombien J. Martinez à 42 millions d’€. Mais comme ses rivaux, Jiangsu Suning en tête, imitent sa stratégie d’achats de talents matures, il lui sera plus difficile de conserver indéfiniment sa place au sommet de la Super League…
Depuis 1990, les hobbies du 3ème âge ont bien changé : toujours plus nombreux, papis et mamies se rassemblent dans les salons de courtage, pour spéculer en bourse, surveillant l’évolution des cours au grand écran mural.
L’activité a du sens économique, et aussi social : échanger les tuyaux, se faire des amis, et faire passer le temps. A faire d’incessants calculs mentaux, on entretient la mémoire. Et en faisant prospérer leur petit capital, ils obtiennent « de la face », vis-à-vis de leurs enfants. Car à long terme, leur bilan est souvent positif : les crashs de l’été et automne ont grillé 40% de la valorisation boursière, mais comme depuis 2014, elle a grimpé de 150%, il leur reste jusqu’à 110% de hausse nette – sans compter celle de leur estime de soi.
Mais pour le gouvernement, quel casse-tête ! Ces « traders en pyjama » investissent sans rationalité et sans garantie aucune, sur des positions « au feeling ». Par instinct grégaire et effet boule de neige, ils bouleversent la bourse, qui devient imprévisible.
Le 31 janvier, en un étonnant remake de l’affaire Madoff, 21 escrocs dirigés par un certain Ding Ning (cf photo) furent arrêtés dans l’Anhui pour avoir piégé jusqu’à 900.000 petits joueurs, souvent du 3ème âge. Depuis 2014, par la promesse de rendements mirifiques, leur plateforme internet Ezubao de crédit « P2P » avait ratissé 50 milliards de ¥ (7,6 milliards de $). L’arnaque était celle du « système de Ponzi » : aucun placement n’étant fait, les intérêts se payaient avec l’argent des derniers entrants. Cette fraude révèle l’immaturité du système financier chinois : Ezubao faisait sa promotion à la télévision, qui diffusait la publicité sans avoir été vérifiée, tandis que les banques vendaient cette dette sans garantie. Il n’y avait aucun encadrement légal ni corps d’inspecteurs pour protéger l’investisseur…
Les complices se partageaient le butin en villas à Singapour, limousines, diamants roses ou montres suisses… Quand les choses tournèrent mal, début décembre, ils enterrèrent 80 sacs de leur archive en banlieue de Hefei, à 6m de profondeur, espérant décamper sans laisser trace –plan déjoué par la police qui déterra le pot aux roses, grâce à l’opiniâtreté de deux pelleteuses durant 20 heures.
Selon la tutelle CSRC, cette affaire n’est que la pointe visible de l’iceberg. Ayant levé 400 milliards de ¥ d’épargne privée, les sites de prêts P2P sont 3600, dont 1000 douteux. Selon Iresearch, le volume des emprunts non protégés triplera d’ici 2019, à 1700 milliards de ¥, qui risquent de disparaître dans un projet mal « ficelé » ou une carambouille.
Le 7 février à 9h01, alors que la Chine entière préparait les pétards du Nouvel An, la Corée du Nord la gratifia d’une fusée à sa façon : Kwangmyongsong (« Etoile brillante »), porteuse d’un satellite « d’observation terrestre » mais conçue pour livrer une ogive de 500kg sur la Californie à 12.000 km de là. Le premier étage était « autodestructeur », pour compliquer la tâche de la marine sudiste qui, lors du dernier tir en 2012, avait récupéré les débris et commenté ces matériels secrets.
Ainsi, la course au nucléaire nord-coréenne s’emballe : depuis septembre, Pyongyang refabrique du plutonium à son réacteur de Yongbyon rouvert après 8 ans d’arrêt. Le 6 janvier, il testait une bombe « H » , et aujourd’hui, son missile longue-portée.
Pour la Chine, ce tir fit l’effet d’une gifle : fin janvier, un de ses cadres s’était rendu à Pyongyang dans l’espoir de l’en dissuader – en vain. Pire, après avoir annoncé un tir « entre le 8 et le 25 février », Kim Jong-un, le jeune dictateur a fait avancer la mise à feu, en pleine célébration chinoise !
Cette provocation est d’abord due à l’idéologie nationale : au nom de la Juche, ce régime enclavé revendique « liberté » et « bonheur » dans la fière affirmation de son indépendance. D’autre part, son chantage à la bombe lui procure une aide alimentaire de l’ONU. Enfin, le tir peut viser à mater une fronde des partisans de Jang Sung-thaek, l’oncle de Kim qui l’avait fait exécuter en 2013.
Quelques heures après le tir, Pékin « riposta » par de simples regrets. Qu’on ne s’y trompe pas : les leaders chinois sont furieux vis-à-vis de Pyongyang, « ingrat qui mord la main qui le nourrit ». Xi Jinping a refusé jusqu’alors de rencontrer Kim Jong-un.
Malgré tout, la Corée du Nord demeure un « frère d’arme », et selon les règles, son soutien ne peut être changé qu’à l’unanimité au Bureau Politique, où siègent plusieurs nostalgiques durs tel Zhang Dejiang, Président du Parlement, ayant étudié à Pyongyang. L’autre raison tient au fait que ce sont les USA qui prient Pékin de lâcher Pyongyang : le gendarme du monde, avec qui la Chine est se heurte en mer de Chine du Sud, et son rival pour la maîtrise sur l’Asie demain. Dur de céder quoique ce soit à un tel rival !
Au final, la Chine apparaît clairement victime… d’elle-même, contrainte à laisser le petit voisin accéder à la bombe atomique, et les Etats-Unis arrimer la Corée du Sud à son système de missiles de défense à sa porte. Jusqu’à quand Pékin va-t-elle s’enferrer dans cette passivité ? Peut-être jusqu’en 2017, après le XIX Congrès, où tous les vieux « camarades » aux postes de commande seront mis à la retraite.
Sous Deng Xiaoping, la Chine n’a jamais manqué son rendez-vous annuel subventionné du Nouvel An lunaire.
Gouverneur et Secrétaire du Parti se partageaient la responsabilité du succès matériel de la fête. A cette occasion, le Parti réitérait son alliance avec le Peuple, lui promettant bonheur et abondance en échange de sa discipline et de son labeur. Hommes et femmes se pressaient vers les magasins d’Etat. En échange de leurs tickets de rationnement, le cadre emplissait leurs cabas de bidons d’huile, de farine, de poissons, voire de quartiers de porc…
Dans les années 2000, on entra en une autre ère, celle de la consommation. Lors du Nouvel An ou de la « Golden Week » d’octobre, l’Etat incitait le peuple à aller dépenser ses sous dans les centres commerciaux.
Sacrifiés à l’autel du commerce, les congés servaient à battre le record précédent des ventes nationales, chaque année avec une régularité de métronome helvétique. Quand redémarrait le turbin, les bourses étaient vides, mais les tiroirs-caisses pleins. L’Etat et ses entrepreneurs demeuraient éblouis par ces orgies d’achats.
À son tour, ce temps est révolu. Depuis 2009, chaque 11 novembre à l’initiative d’Alibaba, sur la base de ce qui était au départ un gag de potaches, les groupes géants de l’internet célèbrent la fête « des célibataires.
Durant 24 heures, des dizaines de milliers de boutiques en ligne cassent leurs prix : tout est à vendre, avec de fortes réductions, sous prétexte d’équiper les célibataires et les aider à se mettre en ménage…
Finis les supermarchés bondés et les terribles queues aux caisses ! Les courses se font sur écran d’ordinateur ou smartphone. Durant ces 24 heures, jeux et quizz se succèdent online ou à la TV pour exciter l’achat. Ainsi, où que l’on soit, on peut gagner de nombreux coupons et chèques-cadeaux.
Un détail est essentiel dans cette affaire : du fait de la saison automnale où le jour est court et la nuit longue, une majorité de ces 24h de folie commerçante se déroule dans l’obscur, ce qui change toutes les perceptions. Alors, l’ambiance se fait ouatée, protectrice… Mais voilà que le e-commerce fait une tonitruante intrusion dans ce monde intime, qui cesse alors de l’être.
Le couple même, se retrouve séparé, esclave des envies et désirs individuels. A ce nouveau monstre, qui mélange famille et argent, les Chinois l’appelle kongfangxiong (孔方兄),le « grand frère au trou carré ». En tant que grand frère, il est une autorité morale, clanique et familiale. En tant que taël, monnaie des ancêtres, il a la sagesse financière qui mène à la fortune… C’est donc une voix doublement impossible à ignorer, plus forte que celle des sens, du conjoint, même au fond du lit conjugal !
C’est ainsi qu’à Chongqing à l’aube du 11/11, un jeune mari fut admis à l’hôpital en piteux état. En pleins ébats amoureux, il venait d’être violemment repoussé à minuit pile par son épouse, anxieuse de ruer sur son portable pour faire des emplettes. Et elle l’avait fait avec une telle rage aveugle que le malheureux s’était retrouvé blessé… Fort heureusement, traitant l’homme en urgence, les carabins surent restaurer son attribut, maintenant intactes les chances du couple de produire un héritier.
Ailleurs, à Pékin, une autre épouse dépensière découvrit, au moment de passer ses commandes par Alipay ou WeChat, que son paiement sécurisé était hors d’usage.
Elle apprit vite la raison : le mari était passé à la banque, changer à son insu son mot de passe. Si elle n’a pas exigé le divorce par la suite, elle aura à tout le moins vu sa confiance en lui voler en éclats. Même si sa démarche partait d’un bon sentiment : « j’avais tenté, expliqua-t-il, de protéger Fangfang de son démon d’achats »…
Le comble de la nuit nous vient droit de Fuzhou (Fujian) : au commissariat central à 3 heures du matin, les agents reçurent un appel d’urgence, pour conciliation de crise familiale.
Une fois sur place, ils trouvèrent le couple de Zhang (lui) et Li (elle), ébouriffés comme coq et poule en colère : « ces milliers de yuans que tu viens de jeter par la fenêtre, criait-il, jamais tu ne pourras porter ce boléro, ce boa, ces robes longues…et ces 25kg de riz, de porc congelé, pourquoi, toi qui ne sais même pas faire cuire un œuf ! En plus, il a fallu que tu mettes mon adresse au bureau comme celle de livraison – les collègues en ont pour 1000 ans à se fiche de moi ! »
Mais loin de se laisser faire, Mme Li répliqua, remontée à bloc : « et tes gadgets électroniques, à quoi ça servira ? Et puis qu’est-ce que t’as acheté pour moi, ou pour les autres ? Rien, t’es qu’un sale égoïste ! ».
L’équipe de policiers finit par saisir le motif de la dispute : dès minuit, le couple s’était jeté sur internet, grillant en quelques minutes leur crédit avant d’avoir pu acheter la moitié de leur liste d’emplettes respectives. A présent, tous deux se rejetaient à présent la responsabilité de l’échec.
Bien embarrassés, les pandores cherchèrent l’échappatoire. Discrètement, l’un d’eux se fit appeler par un collègue, puis prit son coéquipier par le bras, prévenant à la cantonade qu’ils étaient appelés sur la ligne d’urgence vers un autre cas autrement plus grave –accident ou cambriolage, qu’importe ! L’essentiel, ici, était de prendre la tangente…
15-17 février, Canton : Digital Signage, Salon de la publicité de détail et du panneau d’information numériques
15-17 février, Canton : IFAIR, Salon des solutions audiovisuelles et multimedia et des terminaux intelligents
18-20 février, Pékin : China Fish, Salon international de pêche sportive
19-24 février, Kunming, Salon de la bande dessinée et des jeux
23-26 février, Canton : D.PES Sign LED Expo, Salon de la signalétique, de l’affichage, gravure laser et des équipements d’impression
23-26 février, Shanghai : Salon du mariage
24-26 février, Shanghai : SIOF, Salon international de l’optique
24-27 février, Pékin : ALPITECH, Salon international des techniques de la montagne et des sports d’hiver
24-27 février, Pékin : ISPO, Salon international des sports, de la mode et des marques de vêtements
25-27 février, Canton : AAC China, Salon international de l’industrie de la climatisation automobile
25-27 février, Canton : Salon international du voyage
25-28 février, Pékin : CIAACE, Salon international des accessoires automobiles