Politique : Xi Jinping prend le train

Xi Jinping prend le train

« Le train deviendrait-il le moyen de transport préféré de Xi Jinping pour voyager à l’intérieur du pays » ? C’est l’innocente question posée début décembre dans un article du quotidien hongkongais South China Morning Post (racheté par Alibaba en 2016). Le journaliste se base sur le fait que le Secrétaire général du Parti ait préféré prendre le TGV (高铁, gāotiě en chinois) pendant 4h30 pour se rendre à Shanghai fin novembre plutôt que de passer deux fois moins de temps en avion.

Il n’est pas le seul. La liaison ferroviaire Pékin-Shanghai (1300 km, la plus rentable du pays) est déjà le mode de transport privilégié des hommes d’affaires qui font la navette entre les deux villes, excédés par les multiples retards des compagnies aériennes. Les usagers rapportent aussi que faire le trajet en train est finalement plus rapide « de porte à porte », car les aéroports sont excentrés et les procédures de sécurité plus longues.

Ce n’est pas la première fois que Xi Jinping renonce à la voie des airs pour ses déplacements en Chine. En juillet 2022, il prenait le train avec son épouse Peng Liyuan de Shenzhen à Hong Kong à l’occasion du 25ème anniversaire de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique (cf photo). Au lendemain du XXème Congrès du Parti, en octobre 2022, le Secrétaire général du PCC s’était également rendu par le rail à Yan’an, lieu emblématique de la révolution chinoise, pour un « team building » avec les membres du nouveau Comité Permanent.

Cette préférence pour le train ne se limite pas aux déplacements très médiatisés. Sur les 13 tournées d’inspection en province réalisées par Xi Jinping depuis le début de l’année, le dirigeant a pris le train au moins cinq fois, et ce, malgré les longues distances à parcourir : au mois de septembre, entre le Zhejiang et le Shandong ; fin août, pour rentrer à Pékin depuis Urumqi (Xinjiang), de retour du sommet BRICS ; en juillet, pour un trajet du Sichuan au Shaanxi ; ou encore au mois de mai, pour participer au Sommet Chine-Asie Centrale à Xi’an.

C’est un choix surprenant de la part du dirigeant chinois, lorsque l’on connaît les contraintes liées au déplacement en train d’un chef d’Etat dans d’autres pays. Tous les experts en sécurité le diront : un trajet d’un chef d’État est beaucoup plus simple à organiser en avion. Pas besoin de déminer la rame, de sécuriser les gares de départ et d’arrivée, ainsi que tous les ponts et ouvrages d’art du trajet… Dans le ciel, on est théoriquement confronté à beaucoup moins de dangers.

Mais les dictateurs comme Kim Jong-un, le leader nord-coréen, n’en sont pas convaincus. Ainsi, comme son père et son grand-père, Kim continue d’emprunter son luxueux train blindé pour ses déplacements, notamment au Vietnam, en Chine ou en Russie, de peur que son avion soit la cible d’une attaque.

Et Xi Jinping alors ? Pourquoi plébiscite-t-il le train ces temps-ci ? Le SCMP affirme que cela lui permet de faire étape dans des petites villes, mais aussi de voir de ses propres yeux ce qu’il se passe en province.

Prendre le TGV serait également une manière de faire la promotion du réseau ferroviaire à grande vitesse du pays, qui a connu un développement incroyable en l’espace de 15 ans seulement. Depuis la première ligne Pékin-Tianjin, longue de 117 kilomètres, ouverte en 2008, le réseau n’a cessé de se développer pour atteindre aujourd’hui les 42 000 kilomètres.

La faible empreinte carbone d’un voyage effectué en train par rapport à l’avion pourrait également être mise en avant par le dirigeant qui a promis de mettre la Chine sur de bons rails pour atteindre le pic de ses émissions avant 2030.

Cependant, le fait que la presse officielle soit très discrète à ce sujet et ne diffuse aucune photo du leader dans son « Fuxing » (le modèle de TGV de conception « 100% chinoise »), suggère que ces arguments sont peut-être secondaires ou en tout cas, ne suffisent pas à eux seuls pour expliquer la soudaine passion de Xi pour le train.

La clé de ce mystère tient peut-être à la personnalité du leader. En effet, la rumeur voudrait que Xi soit un homme superstitieux, influencé par le « Tui Bei Tu » (推背图), célèbre livre de prophéties imagées rédigé au 7ème siècle sous la Dynastie Tang, souvent comparé aux œuvres de Nostradamus. L’un de ses poèmes décrit l’assassinat d’un empereur par un soldat armé d’un arc et de flèches. Féru d’histoire, Xi n’a pas non plus oublié le destin tragique de Lin Biao, ex-successeur désigné de Mao, tué dans un accident d’avion en Mongolie en 1971. Voilà qui expliquerait selon certains la potentielle réticence du leader à monter dans un avion ainsi que la récente purge du commandement de la force des missiles de l’APL.

C’est ce climat de paranoïa ambiante que décrit un article de Politico qui a fait sensation début décembre, affirmant que l’ex-ministre des Affaires étrangères Qin Gang (qui serait mort en détention), le ministre de la Défense Li Shangfu ainsi que plusieurs généraux de l’APL, auraient transmis des secrets d’Etat à des agences de renseignements étrangères. Un scandale qui aurait été dévoilé à Xi Jinping par le vice-ministre russe Andrey Rudenko lors de sa visite à Pékin le 25 juin dernier. Mais là encore, tout cela n’est que pure spéculation…

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1 Commentaire
  1. severy

    Très intéressant mais les éléments cités à la fin sont vraiment très spéculatifs.

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