La COP25 devait avoir lieu à Santiago, mais ce sera finalement Madrid qui l’accueillera (2 au 13 décembre) avec ses 25 000 diplomates, scientifiques et ONG venus de 196 pays. L’enjeu majeur de ce sommet sera de mettre en œuvre l’Accord de Paris signé en 2015, dont l’objectif est de contenir d’ici à 2100 le réchauffement climatique en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. Or, selon différents rapports, c’est mal parti, surtout que les Etats-Unis s’apprêtent à quitter le navire… Il est utile de rappeler que lors de la COP21, le défi premier était de faire monter tout le monde à bord, même avec de modestes objectifs au départ, qui seraient ensuite cycliquement révisés. Dès lors, chaque état doit préparer pour 2020 des promesses plus ambitieuses que celles de 2015.
Le pays de Xi Jinping a exprimé son désir de prendre la tête de ce combat contre le réchauffement climatique. Mais la triple casquette chinoise pourrait lui jouer des tours. Les pays développés considèrent que la Chine, premier pays émetteur de gaz à effet de serre et seconde économie globale, devrait contribuer, à partir de 2020, au Fonds vert pour le climat qui devrait être doté de 100 milliards de $ annuels. En guise de réponse, le vice-Ministre de l’Environnement et nouveau représentant spécial de la Chine pour le climat, Zhao Yingmin rappelait le 27 novembre qu’en tant que plus large pays en développement, la Chine doit également « faire face à ses propres défis nationaux, dont la lutte contre la pauvreté et la réhabilitation de l’environnement ». Zhao en profitait pour rejeter la proposition de l’Union européenne d’une taxe carbone aux frontières, qui impacterait les produits des pays n’ayant pas pris les mesures climatiques adéquates. Pour le gouvernement chinois, cette mesure porterait préjudice aux efforts internationaux et irait à l’encontre de l’Accord de Paris : au vu de leur longue histoire industrielle, les pays riches et développés devraient assumer une responsabilité plus grande dans la réduction des émissions de CO2.
Selon Zhao Yingmin, l’autre question majeure à Madrid sera celle d’un marché international de quotas carbone. La Chine avait annoncé le sien dès 2017, mais le projet enchaîne les difficultés. Il devrait néanmoins voir le jour l’année prochaine.
En parallèle, un récent rapport de Global Energy Monitor soulignait qu’entre janvier 2018 et juin 2019, les ouvertures chinoises de centrales à charbon ont dépassé les fermetures dans le reste du monde. Les autres pays ont réduit leur capacité de 8 GW, tandis que la Chine l’a augmenté de 42,9 GW. Cette dernière serait d’ailleurs en train de construire (ou aurait temporairement suspendu pour cause de surcapacités) pour 147GW de centrales à charbon. Elle finance aussi un quart de tous les projets houillers dans le reste du monde, en Afrique du Sud, Pakistan et Bangladesh notamment. Pour le leader mondial dans le solaire et l’éolien, cela fait désordre…
Avec un tel appétit pour le charbon, la Chine donne l’impression de revenir sur ses engagements. Ce n’est pourtant pas le cas : ces capacités supplémentaires étaient déjà planifiées dans son 13ème plan quinquennal (2016-2020), et la Chine ne s’était en aucun cas engagée à y renoncer. Ainsi, le nombre de centrales à charbon risque de continuer à croître les années à venir, mais à un rythme plus lent. La part du charbon dans le mix énergétique est donc en train d’être réduite, au fur et à mesure que la fraction des autres sources d’énergie augmente elle aussi, notamment celle du gaz et des renouvelables. A Paris, la Chine a promis que ses émissions arriveraient à un pic d’ici 2030, et de porter à 20% la part des sources d’énergies non fossiles dans son mix énergétique. Et elle est optimiste : le 27 novembre, elle annonçait avoir atteint en avance son objectif de réduction des émissions de CO2 en 2020, et que la part des énergies non fossiles était désormais de 14,3%. Alors, s’engagera-t-elle à un objectif plus ambitieux lors de la COP25 ? Un débat public fait cruellement défaut à ce sujet. Toutefois, un influent think tank gouvernemental chinois (CCICED) appelait son pays, en juin, à programmer son pic d’émissions dès 2025, et à augmenter sa part des énergies non fossiles en 2030 à 25%. Mais nombreux doutent que la Chine soit réellement prête à accentuer ses efforts climatiques, dans un contexte de ralentissement de la croissance et d’incertitude économique causée notamment par le conflit commercial avec les Etats-Unis. Dans ces conditions, le gouvernement saura-t-il résister aux sirènes du lobby du charbon ? La réponse se trouvera sans aucun doute dans le 14ème plan quinquennal (2021-2025) dont l’élaboration a déjà débuté. Fin du suspense, courant 2020.
1 Commentaire
severy
1 décembre 2019 à 13:03Au fond, la Chine a le choix entre une société industrielle en bonne santé et une population dont la santé empire et des citoyens en bonne santé dans un empire dont l’industrie va de mal en pire. Elle va devoir choisir l’option la moins coûteuse.