À peine la nouvelle administration 2017-2022 mise en place, des bribes de réforme apparaissent pour la finance et l’économie, tous azimuts. En voici un bref tableau :
– L’Etat s’attaque aux firmes zombies non-viables, qui vivent des subventions tout en empêchant l’émergence d’un système productif plus moderne. Pékin décompte 2000 « entreprises zombies » de niveau central et 7000 de niveau provincial. Le FMI évalue leur dette à 284% des actifs, chiffre qui croît d’1,6% chaque année. Seules 20% ont été restructurées : l’Etat et la SASAC (tutelle des groupes publics) craignent de les mettre en faillite, au risque de soulèvements sociaux.
Mais cela change. J. Wuttke, ex-Président de la Chambre de Commerce Européenne, constate une détermination très ferme de fermer ces firmes zombies. Depuis 2015, 1,6 million d’emplois dans les secteurs du charbon et de l’acier ont disparu, correspondant à l’élimination de 115 millions de tonnes par an de capacité de production d’acier et 440 millions de tonnes de houille. Dans les provinces, les limiers de la discipline du Parti et de la protection de l’environnement s’associent pour débusquer les cadres renâclant à fermer des unités condamnées. Ils interviennent même de nuit, pour mieux surprendre les flagrants délits.
– L’Etat lance aussi la 3ème phase d’un plan pour faire passer les groupes d’Etat à une structure propriétaire mixte « privée-publique ». En mi-novembre, fut annoncé le lancement d’un fonds de 15 milliards de $ financé par l’Etat et les investisseurs privés. 31 consortia publics ont été sélectionnés pour proposer aux entreprises privées une part de leur capital, et de prendre part à des projets co-financés par ce fonds. Le problème de cette stratégie, toutefois, est son absence de transparence, et le risque pour les acteurs privés, de voir les provinces abuser de leurs apports pour refinancer leurs entreprises zombies.
– Concernant l’exportation du capital, la Chine zigzague entre deux fronts contradictoires, décourageant certains grands groupes privés, mais tentant d’encourager d’autres. Les premiers, parmi lesquels Wanda (le milliardaire Wang Jianlin) et l’assureur Anbang, sont accusés d’avoir joué un rôle important dans une fuite des capitaux estimée à 1000 milliards de $ en 2016, dont 170 milliards en hôtels, cinémas et clubs de football. Mais tout en punissant de tels excès, Pékin doit soutenir les projets de l’initiative « Belt & Road » (BRI) d’expansion industrielle hors frontières. Il s’agit donc pour elle de « séparer le bon grain de l’ivraie ».
Mi-novembre, 16 ministères publiaient des lignes directrices pour inciter les industriels à s’exporter, et la finance, à les soutenir. Le 28 novembre, ils précisaient les limites de cette ouverture, afin de prévenir fraude fiscale ou blanchiment : les projets à l’étranger devaient respecter la loi mais aussi —et c’est nouveau— les conventions internationales, les résolutions de l’ONU, la coopération étrangère et la réputation du pays. Ceci, sous peine de perdre leur accès aux licences d’investissement, aux subventions, aux octrois de terrains, aux licences bancaires ou du droit d’entrée à leur capital.
– On voit aussi se profiler un embryon de réforme de la taxation, à travers le marché de l’eau. Depuis juillet 2016, un nouveau système de prix était testé au Hebei : les usines recevaient un quota annuel, dont le dépassement avait pour conséquence d’augmenter progressivement le prix. Ce plan avait forcé des milliers d’industries à s’équiper en systèmes moins gourmands, et à acheter l’eau recyclée des centrales d’épuration. En 18 mois, 460 millions de m3 avaient été économisés. Le 28 novembre, le ministère des Finances redéployait ce plan à neuf provinces–Pékin, Tianjin, Mongolie Intérieure, Shandong, Shanxi et Shaanxi, Henan, Sichuan et Ningxia.
Il se trouve qu’au plan national aussi, la consommation d’eau a entamé sa redescente. En 2016, la Chine a nécessité 604 milliards de m3 d’eau, 16 milliards de moins qu’en 2015. Mais la situation reste sérieuse : depuis des décennies, ce pays de 20% de la population mondiale ne dispose que de 7% des ressources en eau douce, et épuise ses réserves. 678 millions de Chinois vivent en région sous approvisionnement tendu : une ville comme Tianjin, quatrième du pays, a tant pompé ses nappes phréatiques que 9440 km² de son sol est « en subsidence » – il s’affaisse, et se salinise sous l’effet de la proximité de la mer. En de tels endroits, il est temps de faire payer l’eau à son vrai prix. Un problème est que le monde agricole, pourtant responsable de la moitié de la consommation, en reste pour l’instant exempté.
– Dernier domaine-clé, le Comité pour la Stabilité financière, organe paritaire de la Banque centrale et des tutelles de la bourse, de la banque et de l’assurance, publiait le 17 novembre, les nouvelles règles uniques du jeu des produits financiers, applicables au 1er juin 2018 à ce secteur pesant l’an dernier 15.000 milliards de $.
Ce texte interdit aux fournisseurs de services financiers de garantir un rendement et leur impose une réserve de 10% du capital pour couvrir les pertes. Les fonds doivent respecter un plafond maximal d’endettement – 140% des actifs pour les fonds publics. Ce nouveau cadre légal et le Comité de Stabilité (pour l’instant dirigé par le vice-Premier Ma Kai) sont le point culminant de 18 mois d’efforts de discipline d’un secteur qui était jusqu’à 2016 hors contrôle et ayant subi des crashs retentissants, notamment des fonds sur internet. Et le résultat commence à s’en ressentir : au 30 juin 2017, les fonds d’épargne et de prêt assuraient 82,6% du PIB (selon Moody’s), 4% de moins que 12 mois plus tôt.
De plus, le 2 décembre était publié un nouveau texte encadrant les micro-crédits en ligne, qui comptent déjà 10 millions de clients avec des taux usuraires dépassant les 100% par an.
La tendance est claire : l’Etat central reprend la main sur le crédit, pour le rendre plus équitable, et surtout plus durable.
Sommaire N° 40 (2017)