Dernière arrestation étrangère sur sol chinois, Yang Hengjun, naturalisé australien en 2002, a été arrêté en transit à Canton le 19 janvier—pour « soupçon d’espionnage ». Un détail intrigue : Yang est citoyen d’une nation avec qui la Chine n’a pas de problème majeur, contrairement au Canada dont elle arrêtait deux ressortissants début décembre. Le 25 janvier d’ailleurs, Christopher Pyne, ministre australien de la Défense, était à Pékin pour discuter de coopération. Mais l’arrestation de Yang peut être éclairée par celle de Ti-Anna Wang, sino-canadienne expulsée le 17 janvier, en transit à l’aéroport de Pékin, « cueillie » dans l’avion.
Tout deux étaient en délicatesse avec le régime : le père de Ti-Anna est un dissident condamné à la perpétuité, et Yang un diplomate transfuge, qui dénonçait des « ingérences » chinoises dans les affaires de son nouveau pays, l’Australie. Face à ces deux voyageurs, la décision d’arrestation peut avoir été motivée par une irritation du régime, estimant qu’ils auraient « lâché » la patrie. De plus, la loi passée par Canberra en 2018 contre les ingérences chinoises dans ses affaires internes, et sa mise au ban de la technologie 5G de Huawei (cf nouveau siège de Shenzhen en photo) sur son sol, n’a sans doute pas arrangé les choses.
Autre continent, autre contentieux : l’interpellation de Meng Wanzhou à Vancouver le 1er décembre a tenu en haleine les chancelleries de Chine, du Canada et de bon nombre d’autres nations. Auteurs du mandat d’arrêt de la fille du PDG du groupe Huawei, les USA confirment (23 janvier) leur intention de demander son extradition avant le 30 janvier.
Entretemps, 143 universitaires et ex-diplomates de 19 pays écrivent au Président Xi Jinping pour requérir la libération des deux citoyens canadiens embastillés depuis six semaines. Cependant, les initiatives de la Chine en défense de son groupe vedette des télécoms, passent mal hors frontières. Après les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon et l’Australie, c’est au tour de l’Allemagne, du Canada et de la France d’envisager la mise au ban de cette technologie de leur sol, dans un souci de protection de leur sécurité nationale respective. Dès maintenant, tout en réfutant vertement toute accusation de systèmes espions cachés dans ses produits de communication, Ren Zhengfei le PDG de Huawei de 74 ans, avertit en interne ses équipes que dans les prochaines années, « la situation du groupe risque de n’être pas aussi aisée que par le passé ».
Un autre souci vient s’ajouter, pour l’instant léger, mais qui pourrait s’alourdir : Grace Meng, l’épouse de Meng Hongwei résidente à Lyon, demande l’asile politique en France. Meng Hongwei, 1er président chinois d’Interpol (depuis 2016), avait été rappelé fin septembre à Pékin et arrêté à l’arrivée. Pékin n’a pas encore déposé de requête pour l’extradition de Mme Meng, sans doute pour éviter d’ouvrir un contentieux avec Paris alors que les relations sino-françaises, fêtant leur 55ème anniversaire, sont au beau fixe. Au contraire de celles avec les Etats-Unis avec qui Pékin est en plein conflit commercial, sans signe de résolution rapide…
Le négociateur en chef Liu He doit se rendre à Washington les 30 et 31 janvier pour faire avancer les choses, tandis que Donald Trump, est empêtré par ailleurs dans son « Shutdown » avec le Congrès depuis 35 jours. Trump apparemment, pratique la stratégie de la terre brûlée : chaque jour qui passe rapproche les pays de la date buttoir du 1er mars où reprendront les taxes américaines « plein tarif » à 25%. Pékin semble toujours en mal d’une parade, face à un Trump qui souffle le chaud et le froid. Néanmoins, les premiers effets du bras de fer se font sentir sur la deuxième puissance mondiale.
L’Union Européenne, de son côté, cherche à mieux coordonner le contrôle des investissements étrangers (c’est-à-dire surtout ceux de Chine) dans les secteurs stratégiques. Divers groupes publics chinois ont pris des parts dans les port du Pirée, puis sur la façade nordique et baltique, de Rotterdam (Pays-Bas), Anvers (Belgique) et Hambourg (Allemagne). Discrètement, Bruxelles, et les Etats concernés, veillent pour éviter tout usage à des fins autres que commerciales. L’UE s’apprête aussi à taxer les vélos électriques made in China, et prépare aussi ses dispositions communautaires pour protéger les Etats membres de tout rachat indésiré d’actifs stratégiques.
En mer de Chine du Sud, le grand jeu bat son plein, avec en filigrane, le besoin pour des voisins plus pauvres, de concilier investissements chinois et leur propre souveraineté, ce qui donne parfois de légères incohérences de langage.
Ainsi aux Philippines, le ministre de la Défense, d’une main, prie Washington de réviser le traité de défense commun dans l’éventualité d’un conflit régional (les tensions en Mer de Chine du Sud, dit-il, sont le « plus difficile » défi auquel son pays aura à faire face), mais de l’autre, il envoie un de ses bâtiments pour des exercices conjoints avec la marine chinoise.
Enfin, la question du Xinjiang interpelle : au Kazakhstan, des dizaines de milliers de familles ouïghour-kazakhes supportent mal le confinement de leurs proches dans des camps. En coulisses, Astana a mis la pression sur Pékin. Résultat, 2000 sino-kazakhs devraient pouvoir émigrer, après abandon de leur citoyenneté chinoise.
Enfin, ces dossiers clivants, et d’autres avec d’autres pays, font qu’en 2019, la Chine aura du travail pour redonner de la substance à son « soft power » – pour faire passer le bon voisinage en première de ses priorités.
Par Liu Zhifan
1 Commentaire
severy
26 janvier 2019 à 17:57En son for intérieur, le dirigeant de l’empire du nord-est doit se dire, essuyant ses soies, qu’il n’est pas sorti de la porcherie.