Environnement : La longue marche verte

L’environnement reste en 2019 un des fers de lance de l’Etat, domaine d’investissement qui l’aide à soutenir son économie, contenter l’opinion et créer une filière à l’export. À la conférence annuelle de l’environnement (19 janvier, Pékin), le ministre Li Ganjie a promis le renforcement du plan d’assainissement de l’air, de l’eau et du sol. Mais en ce domaine, il est difficile d’avancer sans rencontrer fausses notes et conflits d’intérêt.

En pollution de l’air, selon le plan 2018-2020, des milliers de PME industrielles, charbonnages et métallurgies inefficaces fermeront. Sur tout le pays, le ministre promet de punir les cadres trop tolérants : « aucune excuse ne vaudra ». La baisse nationale d’émissions de particules 2,5µ (microgrammes) l’an passé, cache le fait que des poumons industriels tel Pékin-Tianjin-Hebei accusaient une émission moyenne de 73µ/m3, plus du double de l’objectif visé (35µ). Sans le dire, cette inflexibilité promise doit venir contrer un effet pervers du frein à la croissance : pour tenter de sauver leurs emplois menacés, les cadres provinciaux ferment trop souvent les yeux sur les écarts de pollution… 

Dans les transports d’ici 2020, 90% des 20 millions de camions diesel du pays devront être aux normes, ou être relayés par le rail et le bateau, qui sont pressentis pour reprendre la majorité du fret national sous 24 mois. Les camions polluants seront tout simplement bannis des villes. A Pékin, selon Yang Bin, le vice-maire, ce sont 140.000 camions de tout le pays qui ont été mis en liste noire, et seront interdits d’entrée dans la capitale, et toute grande ville.

Mais ces succès masquent des zones d’ombre. Au Hebei, 6 millions de fermes ont dû passer au gaz, mais des primes insuffisantes ont fait tripler leur note de chauffage (à 4000¥ cet hiver), compromettant la santé de dizaines de millions de ruraux. 

De même, tout en équipant son sol en centrales (plus) propre, la Chine exporte vers ses « routes de la soie » des centrales à charbon conventionnelles que les banques étrangères se sont engagées à ne plus financer. De la sorte en 2018, la Chine jouit d’un pactole de 36 milliards de $ de contrats, pour bâtir 26% des 399 GW contractés mondialement en centrales thermiques. Ce faisant, elle va à l’encontre de ses engagements internationaux de décarbonisation de la planète, selon la Convention contre le réchauffement climatique signée suite à la COP21 de Paris…

En matière de protection des lacs et fleuves, malgré des incidents encore fréquents, des progrès notables apparaissent : en 2018, 1009 sections fluviales et 1586 sources noirâtres et malodorantes ont été nettoyées, atteignant le niveau de propreté de classe 3. Au Zhejiang, 6500km de rivières ont été libérés de déversements d’immondices, et 5100km d’épandages industriels. Des techniques surpuissantes de surveillance apparaissent : satellites, drones et cameras fixes livrent des données, analysées en temps réel par big data et permettant de frapper plus efficacement les contrevenants. Surtout, relate le ministre de l’eau E Jingping, un système lancé en 2013 fait merveille : 1,23 million de « chefs de rivières » provinciaux, cantonaux ou de base veillent chacun au grain sur leur section de rivière. Le même système est appliqué aux lacs, avec 57.000 chefs.

Le fleuve Yangtzé a été virtuellement affranchi d’une grande menace, celle du dragage de ses berges ou du lit pour son sable et ses graviers employés en construction : 1622 barges ont été verbalisées ou confisquées, 49.000 patrouilles ont été effectuées, y compris des frappes surprises sur 27 portions vulnérables, selon Wang Hui, de la Commission des ressources aquatiques du fleuve.
Enfin, la NDRC, super ministère de la planification de l’économie, jure mettre de l’ordre parmi les 24.100 petits barrages sur le Yangtzé et ses affluents et d’en faire fermer une partie, surtout à l’Ouest, entre Sichuan et Tibet.

Envers de la médaille : le ministère a autorisé au Sichuan le barrage de Lawa sur la Jinsha (Yangtzé supérieur), méga ouvrage de 2GW, 239m de hauteur de tablier à 4,6 milliards de $. 31 km² de forêt et d’emblavures seront perdues, sans compter une grave atteinte à la biodiversité du pays, en cette zone très riche en faune et flore mal connue. Clairement, les défenseurs de la nature ne gagnent pas toutes leurs batailles, contre les lobbies régionaux.

Sous l’angle du retraitement des déchets enfin, la Chine avance. Elle en a bien besoin, ses métropoles suffoquant à l’intérieur de ses ceintures de dépôts d’immondices non retraitées. Depuis fin 2017, le Conseil d’Etat bannit les importations de déchets étrangers. En 2018, elles reculaient de 48,5%, et le reste suivra d’ici 2020. Selon le plan, des frappes coordonnées vont s’attaquer aux incinérateurs inefficaces et aux dépôts sauvages. Tandis qu’à travers le pays, 50 bases de recyclage « intégral » de déchets solides et autant de bases de retraitement des rejets industriels, sont planifiées, permettant de traiter les déchets métalliques, minéraliers, agricoles, forestiers…

Elles s’attaqueront aussi aux déchets nouveaux que sont le vélo partagé (au cycle de vie courte), les emballages du e-commerce, les batteries. Les bases de recyclage seront sous la responsabilité des régions, mais en gestion privée. Les financements proviendront en partie des fonds publics, en partie de source privée et possiblement d’obligations « vertes »—car l’activité est supposée rapporter. Par cette double formule de bases spécialisées et de blocus aux déchets importés, le Ministère des Industries et des Technologies de l’Information espère nettoyer ces écuries d’Augias et limiter l’impact « déjà visible sur le développement à haute qualité de notre économie industrielle ». Sans solution à ce déluge de déchets, la croissance est menacée !   

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1 Commentaire
  1. severy

    Qui va se charger du juteux marché du recyclage des dizaines de millions de caméras de surveillance défectueuses qui pullulent dans le pays comme des chancres mous?

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