Le Vent de la Chine Numéro 4 (2025)
Les premières semaines de Trump à la Maison Blanche annoncent la couleur d’une nouvelle présidence reprenant les politiques de la première, tout en les accentuant tant dans la forme que dans le fond. La série de décisions prises par Trump qui ébranle à chacune de ses sorties l’ordre, tant international que national, ne manque pas de faire des adeptes et nombreux sont les commentateurs qui se réjouissent de ce grand coup de vent et de cette énergie qui laisse l’Europe sur le carreau et la Chine dans le collimateur.
De fait, le constat de Trump est que, durant les vingt dernières années, les Etats-Unis ont perdu leur place dominante dans le monde en étant pris de vitesse par la Chine. Pourtant, le fait est que, contrairement aux prévisions de presque tous les analystes il y a 20 ans, la Chine n’est pas prête à remplacer les Etats-Unis sur le plan de la puissance économique, ni encore moins sur le plan du soft-power culturel, même si son avancée dans le domaine militaire et technologique (les deux étant étroitement liés et en Chine encore plus qu’ailleurs) est patente.
Autrement dit, l’ordre mondial au niveau à la fois géopolitique, financier et commercial est loin d’être si défavorable aux Etats-Unis pour qu’il convienne nécessairement de le bouleverser afin de « replacer » les Etats-Unis en tête du leadership mondial : la Chine marque le pas, la Russie ne survit que grâce à son économie de guerre et ses réserves à la fois d’énergie fossile pour ses exportations et de repris de justice pour son armée ; et les BRICS qui parlent depuis vingt ans de remplacer le dollar n’ont pas beaucoup progressé dans ce domaine. Les Etats-Unis auraient donc beaucoup plus à perdre qu’à gagner et il est probable que la deuxième présidence Trump accentue ce déclassement relatif du pays, en se portant à elle-même toute une série de coups inutiles.
Ainsi, de l’avis de nombreux analystes économiques, la nouvelle guerre commerciale que les Etats-Unis s’apprêtent à livrer au reste du monde et principalement aux alliés historiques du pays, pourrait avoir des conséquences globales et nationales négatives. Le problème de l’économiste Trump est qu’il interprète les déficits commerciaux comme des formes de subventions déguisées et semble croire que les Etats-Unis sont capables de produire par eux-mêmes tous les biens venant à la fois du Canada, du Mexique, de l’Europe, de la Chine et de Taïwan.
Plus exactement, l’analyse de Trump est que toute dépendance militaire doit aller de pair avec une dépendance économique : si les Etats-Unis contribuent à assurer la sécurité d’un pays, ce pays devrait être déficitaire dans ses échanges avec les Etats-Unis, sinon cela signifierait que les Etats-Unis sont perdants. En réalité, les Etats-Unis restent le pays où le niveau de vie des habitants est le plus élevé au monde : le niveau de vie des Français est 56% plus bas que celui des Américains ! La réalité est plutôt que le reste du monde permet aux Etats-Unis de garder son niveau de vie très élevé, dont le coût environnemental (en termes d’empreinte carbone) est cinq fois plus grand que la moyenne mondiale. Pour quelqu’un qui n’aime pas les discours victimaires et aime tourner les « losers » en ridicule, Trump ne cesse de présenter les États-Unis comme la victime du reste du monde qui devrait enfin payer le juste prix en se voyant imposer des tarifs douaniers draconiens.
Plus encore, le véritable problème est que cette nouvelle guerre commerciale vise d’abord les alliés. Il semble que pour Trump le monde ne se divise plus en alliés et rivaux mais en vassaux et ennemis. Le pire étant que, dans le système Trump, les ennemis sont les seuls vraiment pris en considération : les vassaux étant négligeables et taillables et corvéables à merci, seuls les ennemis ont droit aux égards d’une approche plus modérée et graduelle.
C’est ainsi que les Etats-Unis ont imposé 25% de tarifs douaniers au Mexique et au Canada dont ils importent 40% de leurs produits – et ce, malgré un accord commercial signé par les Etats-Unis sous la première présidence Trump – et 100% de tarifs douaniers aux semi-conducteurs taïwanais dont ils dépendent et dont ils captent l’essentiel de la plus-value. En revanche, le 47ème Président américain n’a imposé que 10% de tarifs douaniers supplémentaires à la Chine, qui est pourtant le principal rival économique, commercial, militaire et technologique des Etats-Unis.
Cette politique douanière semble à bien des égards absurde, en particulier à l’égard de Taïwan. Certes, sur le plan strictement comptable, l’excédent commercial de Taïwan avec les États-Unis a augmenté de 83 % l’année dernière par rapport à 2023, les exportations vers les États-Unis atteignant un record de 111,4 milliards de $, stimulées par la demande de produits de haute technologie tels que les semi-conducteurs. Mais qu’est-ce que les Etats-Unis de Trump peuvent demander de plus e Taipei qui achète exclusivement américain en termes de défense ? De fait, les députés KMT pro-chinois font tout pour réduire le budget de la défense de Taïwan en faisant le jeu à moyen terme de la Chine. Plus encore, les Etats-Unis ont, sous Biden, déjà introduit un CHIPS Act qui propose un crédit d’impôt à l’investissement de 25% et 39 milliards de $ de subventions et de prêts pour compenser l’écart de coûts. Cela a conduit le géant des semi-conducteurs TSMC à investir 65 milliards dans une usine de production aux Etats-Unis.
La croyance de Trump est qu’en imposant 65% de tarifs douaniers à Taïwan, les constructeurs préféreront produire directement aux Etats-Unis ; c’est oublier que les usines de fabrication de semi-conducteurs les plus sophistiquées coûtent plus de 30 milliards de $ à construire, et qu’un tel projet coûte 30% plus cher aux États-Unis que dans d’autres pays asiatiques. Les droits de douane ne suffisent donc pas à justifier la délocalisation d’une usine de fabrication de 20 milliards de $ ou le choix des États-Unis plutôt que d’un autre lieu pour une nouvelle installation.
Le président Trump part du principe que l’Amérique sera toujours indispensable à l’écosystème technologique mondial. Or la part américaine de la production mondiale de semi-conducteurs a chuté de 70% entre 1990 à 12% aujourd’hui. Si Trump parvient à augmenter considérablement le coût de ce composant-clé, il est plus probable que cela nuise à tous les fabricants américains dans le secteur des nouvelles technologies et que cela éloigne davantage la fabrication des États-Unis. Plutôt que de chercher à punir un allié comme Taipei dont la perte serait un coup immense pour Washington, Trump devrait plutôt chercher à mobiliser son arsenal juridico-financier pour protéger les Etats-Unis et ses alliés de la puissance chinoise.
« Les antihypertenseurs ne baissent pas la tension artérielle, les anesthésiques n’endorment pas les patients et les laxatifs n’accélèrent pas le transit intestinal (麻药不睡、血压不降、泻药不泻). C’est le constat sans appel de Zheng Minhua, chef du service de chirurgie générale de l’hôpital Ruijin à Shanghai. Tout comme lui, plusieurs experts de Pékin et Shanghai ont récemment remis en cause l’efficacité de certains médicaments génériques fournis aux hôpitaux publics dans le cadre du système national d’achats centralisés (国家组织药品集中采购). « J’avais l’habitude d’utiliser des anesthésiques de marque ou importés, dont je pouvais calculer la durée des effets avec précision, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui », témoigne le Dr Zheng.
Cette situation a poussé 20 membres de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC) de Shanghai, à soumettre conjointement le 17 janvier une motion visant à « protéger le droit des patients à choisir leurs médicaments », quitte à payer un supplément.
les médecins suggèrent une plus grande souplesse dans le processus d’appel d’offres des contrats de médicaments du pays afin que les médecins et les patients puissent choisir de revenir aux médicaments de marque occidentale quand ils le souhaitent,
De telles explosions de vigilance publique sont inhabituelles dans un pays où les autorités contrôlent strictement les critiques publiques à l’encontre du gouvernement.
Au cœur de la polémique, le système d’achats centralisés. Instauré par Pékin en 2018 dans le cadre d’un plan ambitieux de réforme du système de santé, il a permis de remplacer des médicaments brevetés par des géants pharmaceutiques mondiaux comme AstraZeneca, Pfizer et Sanofi, par des génériques produits par des groupes chinois, souvent à une fraction du prix original.
Ce programme a permis à Pékin d’économiser 440 milliards de yuans à Pékin au cours de ses cinq premières années, en partie utilisés pour (mieux) rembourser les patients bénéficiant de thérapies innovantes coûteuses, y compris celles développées par des grands groupes pharmaceutiques internationaux qui ont dû revoir complètement leur stratégie sur le marché chinois.
Lors de l’introduction de ce système d’achats, le public avait salué les efforts du gouvernement pour rendre les soins accessibles à tous. Sauf qu’aujourd’hui, de plus en plus de médecins et de patients expriment leurs doutes sur la qualité des génériques sélectionnés, bien que leurs fabricants affichent des tests d’efficacité équivalents à ceux des médicaments de marque.
« À quoi bon payer l’assurance médicale publique si les médicaments ne fonctionnent plus ? », s’indigne un utilisateur sur Weibo. « Comment les hauts cadres du Parti obtiennent-ils alors leurs médicaments ? » interroge un autre, affichant une suspicion généralisée selon laquelle les élites du Parti communiste bénéficieraient de privilèges inaccessibles aux citoyens lambdas.
Compte tenu des antécédents de la Chine en matière de scandales alimentaires et pharmaceutiques (lait à la mélamime en 2008, vaccins frelatés en 2010…), ces révélations touchent une corde sensible auprès de la population. Face à l’ampleur du tollé, l’Administration nationale de la sécurité des soins de santé, responsable du système d’assurance maladie du pays, a rapidement annoncé qu’elle enquêterait sur la question des médicaments génériques et la fiabilité des tests.
En effet, des soupçons de fraude ont émergé, notamment lorsque des médecins ont remarqué que les données cliniques de certains génériques étaient identiques à celles des médicaments d’origine. « Même les données à deux décimales près sont exactement les mêmes », écrit le Dr Xia Zhimin, ancien rédacteur en chef adjoint de Dingxiangyuan, un forum en ligne populaire pour les professionnels de la santé. Face à ces révélations embarrassantes, le gouvernement a censuré certaines informations et restreint l’accès aux bases de données officielles, tout en expliquant que la duplication des données était due à « une erreur d’édition ».
Reste à voir si ce scandale influencera la manière dont les autorités géreront le prochain cycle d’achats centralisés, prévu un peu plus tard dans l’année. Sans remettre en cause le bien fondé du système, il semble évident que la mise en concurrence (extrême) des groupes pharmaceutiques autour du prix, se fasse au détriment de la qualité des médicaments proposés. En outre, l’efficacité aléatoire des génériques sélectionnés révèle une supervision encore insuffisante des sites de production, malgré de gros progrès réalisés en la matière ces dernières années.
Pour mémoire, 20 ans plus tôt, en 2005, Zheng Xiaoyu, l’ex-directeur l’Administration de l’alimentation et des médicaments (SFDA), était condamné à mort pour avoir touché des pots-de-vin de compagnies pharmaceutiques voulant obtenir des autorisations de mise sur le marché de leurs produits. Ces pratiques avaient été accusées d’avoir causé plus d’une centaine de morts en Chine et au Panama, décédés de l’ingestion d’un sirop contre la toux qui contenait… de l’antigel.
Venez écouter l’épisode 54 des « Chroniques d’Éric », journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine.
Episode 54 des « Chroniques d’Éric » : « La Chine, vue depuis Vancouver »
La Chine bouge dans tous les sens ces derniers mois. Tandis qu’une cloche de silence sans précédent depuis les temps de Mao s’est abattue sur l’Empire du Ciel, accompagnée d’une chape rigide de discipline, des soubresauts sont perceptibles, qui parlent de découragement généralisé et de crise latente, de souffrance en silence dans les villes et villages, de faillites des PME – toutes choses non durables.
Un jeune et talentueux podcasteur français installé au Canada, Valentin Derensart, m’a fait l’amitié de m’interviewer sur tous ces sujets : écoutez, et à bientôt !
Tous ces épisodes, inspirés par mes souvenirs et l’actualité, n’ont que le double but de vous amuser et faire découvrir la Chine. N’hésitez pas à les repartager sur les réseaux sociaux !
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