Tara Expéditions étudie l’impact du changement climatique sur les océans. Sa 11ème expédition (2016-2018) l’emmène dans le Pacifique, avec pour objet l’étude de l’impact du réchauffement global sur les récifs coralliens.
Sa goélette de 38m de long par 10m de large (forme en « amande », qui permet de se laisser bloquer en hibernation par les glaces polaires en en bravant la compression), sera à quai du 24 février au 4 mars à Sanya (Hainan), Hong Kong (7-15 mars), Xiamen (2-10 avril). Shanghai reçoit la part du lion avec 15 jours (15-29 avril), inaugurant un lien étroit avec ce pays.
A bord vivent 6 scientifiques aux côtés de 7 marins, d’autres membres de l’équipage consistant en artistes, journalistes, médecin ou cuisinier.
Avec un budget de 5 millions d’€ en partie couverts par le CNRS, les fondations Cartier, Veolia, Albert de Monaco, L’Oréal (parmi d’autres), la mission lui a déjà fait réaliser un tour et demi de la Terre – 60.000 kilomètres, sur les 100.000 prévus en 2 ans. Elle les a surtout faits à la voile – par principe philosophique sans compromis.
Cela ne l’empêche pas d’embarquer des instruments scientifiques les plus « avancés, telle cette machine de séquençage des génomes des coraux de la planète ». 3500 plongées à travers le Pacifique dans le « triangle de corail » ont permis de remonter 25.000 échantillons, dont une partie séquencée à bord, le reste à Paris par livraison trimestrielle par avion. Romain Troublé, chef de la mission commente : « nous appliquons à la mer cette technique génomique conçue pour la médecine humaine. Car la mer est malade, et voit son mal empirer brusquement : 20% des coraux ont déjà disparu. Ceci nous aidera peut-être à trouver le remède ».
La maladie se présente comme un blanchissement accéléré des massifs : 8 jours dans cet état rendent leur condition irréversible, « morts de faim », par disparition du plancton sous l’effet de la pollution et du réchauffement global.
De traversées et escales, le bateau se partage entre recherche scientifique et communication. Deux ans avant le départ, les recherches à exécuter à bord ont fait l’objet d’une rigoureuse sélection à partir des proposition de dizaines d’instituts et universités. Une fois à bord, chacun des six scientifiques embarqués, issus de ces instituts, doit exécuter les recherches pour le compte de tous les autres. Les résultats seront mis à disposition de la communauté internationale.
Tara envoie aussi, chaque jour, les derniers résultats et articles, attendus par les revues scientifiques mondiales, ainsi que ses reportages, photos et vidéos, ayant alimenté 10.000 publications dans les médias.
Une part importante du temps de la mission se passe dans les ports, à accueillir les visiteurs, avec priorité aux classes d’élèves : Tara veut les conscientiser sur l’aspect matriciel de la mer et de ses coraux, qui concentrent 30% de la biodiversité marine, sur 2,2% de la surface de la planète bleue.
Xiamen sera un temps fort de l’étape chinoise, en raison de sa vocation nationale en océanographie, une filière d’étude de son université. Celle-ci a d’ailleurs armé en 2017 un navire de recherche ultramoderne de 77m de long, le Tan Kah Kee (cf photo). Avec le concours du professeur Dai Minhan, francophone formé à Paris, une mission chinoise est en place, qui se veut sœur de la mission Tara. Agissant sous des protocoles et normes harmonisés, les équipes vont travailler en complémentarité, Tara sur les coraux et Tan Kah Kee sur les récifs.
Tara prépare déjà sa prochaine mission, Tara Arctique qui quittera son quai lorientais en 2020. Un des six scientifiques sera Chinois et devra exécuter une partie des nombreuses expériences et recherches commandées par toute la Chine—une fois validées par la direction française. Cette coopération qui naît aujourd’hui fera parler d’elle dans les années à venir.
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Car dès à présent, la Chine ne cache plus ses ambitions sur les régions arctique et antarctique. Depuis 2013 membre observateur au Conseil Arctique, elle a publié son premier « livre blanc » sur cette immense région s’étalant au large de la Scandinavie, de la Russie et du Canada.
La Chine s’intéresse au gaz naturel sibérien qui doit lui fournir 4 millions de tonnes de GNL par an, une fois le gisement de Yamal opérationnel. Elle se prépare à faire emprunter à ses navires la route maritime nordique, qui lui promet, durant les mois d’été (hors période de gel), d’économiser 20 jours de navigation sur 48, par rapport à l’itinéraire traditionnel via le canal de Suez.
Tous les pays, surtout les riverains de l’Arctique et de l’Antarctique, ne voient pas d’un bon œil cet intérêt chinois pour ces espaces encore sauvages, riche en faune quasi-inexplorée et en ressources minérales immenses (30% du gaz du sous sol terrestre). Pour se faire accepter, elle compte sur sa capacité à cofinancer des projets. Peut-être par l’intermédiaire de son plan mondial des projets BRI (« Belt and Road Initiative »), doté officiellement de 1000 milliards de $ de crédits chinois, publics et privés…
1 Commentaire
severy
3 février 2018 à 23:05Chic! Chic! Allons, valeureux Chinois, polluer l’océan arctique puisqu’il a échappé jusque là à l’appétit des hommes d’affaires qui, pour transporter plus rapidement leurs marchandises, transforment les mers en vulgaires autoroutes.
Après avoir arrangé le côté russe de cet océan en rebutante déchetterie pour bâtiments à propulsion atomique en voie de désintégration, on se réjouit de voir ce bel océan bleu et blanc prendre enfin les couleurs irisées dûes aux vidanges des cuves de fuel que ne manqueront pas d’effectuer de nuit les vaillants capitaines travaillant pour le compte (bien rempli) des compagnies de transport de fret. La nature appréciera.