Pour 2018, la Chine veut précipiter ses adieux au charbon, partiellement responsable de plus d’un million de morts prématurées par an. Représentant 68% du mix énergétique en 2017, la part du charbon devait baisser à 58% d’ici 2020. Au Hebei, l’objectif de raccorder au gaz 1,8 million de foyers ruraux a même été dépassé de 700.000. Mais c’était sans compter sur une météo à pierre fendre cet hiver, où le thermomètre chuta de jour à –4°C, de nuit à –15°C. Même des provinces subtropicales telles Hunan ou Jiangxi se sont laissées surprendre : électricité et gaz ne peuvent suivre le sursaut de demande. Forcés par la pénurie houillère à ralentir leurs turbines, 4 groupes électriciens (Huaneng, Datang, Huadian et SPIC) appellent l’Etat à laisser les mines opérer à plein régime. En effet, certaines centrales n’ont plus de charbon que pour 2 à 3 jours, et d’autres voient exploser leur facture de fret, le réseau ferré étant saturé à la veille du Nouvel An chinois. Ces difficultés sont aggravées par une déficience d’interconnexions : chaque province produit pour elle-même, sans pouvoir fournir ses voisines lors des pics de demande. L’Etat gèle donc ses projets en cours de raccordement au gaz, pour laisser les villages retourner au bois ou charbon—temporairement ! Car à long terme, les objectifs demeurent. Par exemple, en 2018, le Hebei devra brûler 5 millions de tonnes de charbon en moins, notamment du côté des industries lourdes.
Un autre « gel » – plus inattendu celui là – touche au lien entre le Pape et les églises de l’ombre, qui rejettent l’autorité du Parti. Le Pape François vient de faire un pas historique en forçant l’évêque de Shantou (Canton), Pierre Zhuang Jianjian (88 ans), à céder place à Guiseppe Huang Bingzhuang, prélat de l’église officielle chinoise. Même Joseph Zen, l’ex-Cardinal de Hong Kong notoirement hostile au Parti, parti pour Rome pour tenter de faire changer d’avis le Pape, se heurta à un mur : Le Pape répliqua que les évêques « dissidents » en leur pays ne pourraient plus compter sur lui pour valider leur ordination.
C’est un tournant : jusqu’alors, les évêques de l’ombre recevaient l’approbation pontificale, mais ceux « rouges » ne l’obtenaient pas toujours. Huang, 6 ans plus tôt, avait même été excommunié pour sa nomination « hors de l’Eglise ». C’est un message puissant qu’émet le Pape envers le catholicisme de l’ombre en Chine, et un fort appel au Parti. L’enjeu est de rétablir des relations diplomatiques rompues depuis 1951. Selon une étude américaine, au rythme actuel des baptêmes, la Chine passerait en 2030 au premier rang des nations chrétiennes avec 247 millions de fidèles. Ceci peut expliquer cela : si Paris valait bien une messe, une nonciature apostolique à Pékin vaut bien un évêque. Quand à Monseigneur Zen, qui accuse publiquement le Pape de « vendre l’église catholique de Chine », il risque lui-même à présent l’excommunication, rien de moins !
Enfin, après le gel, c’est le dégel entre la Chine et ses voisins du Japon et de Corée du Sud. Avec Tokyo, les liens s’étaient distendus suite à une longue série de visites obstinées des gouvernements nippons au sanctuaire négationniste de Yasukuni. Avec Séoul, le froid était plus récent, remontant à l’installation en 2016 d’une rampe américaine de missiles anti-missiles Thaad. Or, ces mauvaises relations diplomatiques sont dangereuses, et en tout cas incompatibles avec de forts échanges commerciaux (Chine-Japon à 303 milliards de $, Chine-Corée à 280 milliards de $). Ceci a peut-être forcé ces trois gouvernements à revoir leurs positions.
Le 28 janvier, Taro Kono, ministre nippon des Affaires étrangères, rencontra à Pékin son homologue Wang Yi (cf photo). Ils convinrent de visites des chefs d’Etat ou de gouvernement. Suivit le 29, l’annonce d’un sommet avec la Corée du Sud en avril, dans le but de négocier un traité trilatéral de libre-échange entre ces pays générant 25% du PIB mondial. Pour la planète, ce sera une nouvelle donne.
Sommaire N° 4 (2018)