Le plan chinois « une ceinture, une route » se met en marche, visant à équiper l’Asie puis le monde, à écouler ses stocks invendus (se donnant ainsi le temps d’éliminer ses surcapacités) et à se créer un marché captif en milliards de consommateurs.
Mais dans leurs premiers pas hors frontières, industriels et diplomates chinois rencontrent des écueils. A Jakarta, le 22 janvier, le Président indonésien Joko Widodo lançait les travaux de la ligne TGV Jakarta-Bandung, mais 6 jours après, le chantier s’arrêtait sur ordre du ministère de l’Intérieur, faute de permis de construction et d’exploitation : « les partenaires voudraient que nous émettions ces pièces en un jour, soupirait le ministre, mais c’est impossible ! ». L’incident a le mérite d’illustrer la hâte avec laquelle des cadres des deux pays bouclent ces dossiers, brûlant parfois les étapes. La ligne de 142km doit relier ces métropoles en une demi-heure, au coût de 5,5 milliards de $, couverts à 75% par la China Development Bank. Cet atout a assuré ce contrat à China Railway International (en JV avec 4 groupes locaux), au grand dam du Japon, qui s’est consolé en empochant en Inde la liaison Mumbai-Ahmedabad à 12 milliards de billets verts. Sous réserve d’inventaire, ces obstacles ne remettent pas en cause le projet, et devraient se régler « en quelques jours », croit le ministre. Pourtant, la Chine s’est récemment installée dans l’archipel Natuna, proche de l’Indonésie et revendiqué par elle, causant l’irritation des politiciens et de l’opinion. Nonobstant, ce contentieux ne semble pas perturber la coopération : la soif indonésienne en investissements, apparait prévaloir sur les sentiments nationalistes.
Ce même délicat rapport de force domine au Vietnam, avec un résultat équivalent. Voisin de la Chine, ce pays est plus directement touché par l’expansion maritime chinoise au large des archipels Paracels et Spratleys. Mais il est aussi dirigé par un leadership âgé (celui du Secrétaire général du Parti Communiste Vietnamien Nguyen Phu Trong, de 71 ans) qui vient d’être reconduit pour 5 ans et qui sait gérer ses intérêts bien compris, entre souveraineté et développement.
Le Vietnam se prépare à recevoir une série d’importants chantiers tels le triangle ferroviaire Hanoi-Hai-phong-Kunming au Nord, ou les centrales hydroélectriques et thermiques de Binh Thuan au Sud, projets largement financés par la Chine.
Pékin et Hanoi visent un prodigieux redéploiement sur sol vietnamien des industries matures chinoises, pour desservir l’Asie du Sud-Est, de la Birmanie à Singapour. En 2015, le Vietnam a importé de Chine pour 50 milliards de $ de biens d’équipement, +14% en 12 mois.
Fait qui ne trompe pas, Pékin redéploie en eaux vietnamiennes sa plateforme pétrolière qui avait déjà provoqué des manifestations anti-chinoises en 2014. En 2016, elle semble confiante de pouvoir réitérer l’action…
Sommaire N° 4 (2016)