Comment faire, en 2016, pour enrayer le dévissage spasmodique de la bourse qui, le 26 janvier, perdait encore 6% (18% en un mois), faisant grelotter les financiers de la planète ?
Comment relancer l’économie avec des indicateurs en berne, tels l’export et l’import en décembre (-1,4% et –7,6%)?
Et comment éviter l’« atterrissage dur » prédit au Sommet de Davos par George Soros, le « pape » des fonds d’investissements (déclaration qui provoqua la fureur non dissimulée des autorités chinoises) ?
Évidemment surévalué, le Yuan paie au prix fort sa non-convertibilité : l’Etat doit assister impuissant à des fuites massives, de l’ordre de 1000 milliards de $ en 2015, selon Bloomberg Intelligence, septuple du score de 2014. En soutien du yuan, l’Etat a dépensé 500 milliards l’an passé – sans résultats probants.
Cette surévaluation dissimule une rareté croissante du crédit. L’Etat tente, sans succès, de contrôler la finance « grise », alors que les consortia et provinces y ont recourt pour refinancer leur dette. Aussi la question qui se pose, est comment réorienter une partie du crédit vers les PME, tout en évitant une avalanche incontrôlable de faillites de consortia publics ?
Le Premier ministre Li Keqiang convoquait début janvier une dizaine de mini-partis ou groupements pour solliciter leurs opinions sur les options de relance disponibles. Les moyens classiques seront poursuivis : grands chantiers d’infrastructures, baisse du taux d’intérêt et des réserves bancaires, consignes d’achat de titre aux groupes institutionnels lors de toute tempête en bourse… Mais ces moyens atteignent leurs limites.
Aussi Li annonce pour cette année un nombre de mesures inédites, à commencer par le passage à la TVA, en remplacement de la taxe d’affaires. Cette TVA testée depuis 4 ans dans quelques provinces et quelques secteurs, sera étendue à toute la Chine et tout marché, créant ainsi un système plus moderne et équitable. Li Keqiang promet aussi un allègement des charges des entreprises, en particulier des PME privées, qui génèrent 60% du PIB et 75% de l’emploi urbain, tout en supportant 50% de l’assiette fiscale et de taxation.
L’Etat taxe trop lourdement ses citoyens, et le sait : en 2014, à 14 000 milliards de yuan, sa recette fiscale équivalait à 10.000 yuans par personne, montant exorbitant.
Autre mesure promise par Li Keqiang (22 janvier) : la réduction des surcapacités dans l’acier et le charbon. En sidérurgie, la coupe sera de 100 à 150 millions de tonnes, objectif modeste face à la capacité nationale d’1,16 milliard de tonnes (selon l’Association nationale des producteurs). Cet outil surdimensionné n’était utilisé en novembre qu’à 71%, taux le plus bas depuis 10 ans.
Cette faible réduction ne causera qu’une embellie marginale des prix déprimés du charbon et de l’acier –mais il correspond aux moyens financiers que l’Etat peut mettre dans le reclassement des employés, le paiement des salaires et des charges patronales… Vaste programme !
Le Conseil d’Etat dispose d’un autre instrument de réduction des surcapacités : il force une baisse des tarifs des centrales thermiques, de 0,03¥/Kw/h en moyenne. Mais à la revente aux grands groupes par le monopole State Grid, il maintient le tarif antérieur. Il en attend 120 milliards de yuans de rentrées qui alimenteront un fonds de soutien au démantèlement des capacités sidérurgiques, de subventions aux PME, à la production propre, à l’achat d’électricité solaire ou éolienne, ce qui incitera les « électriciens charbonniers » à investir dans ces nouvelles filières renouvelables.
L’autre tendance très reconnaissable de 2016, est le durcissement exceptionnel tous azimuts de la gouvernance de Xi Jinping, qui n’a que deux mots d’ordre : loyauté et discipline aveugle.
Dans l’armée, la toute nouvelle Force de soutien stratégique coordonne désormais les opérations des différentes branches, et doit couvrir l’armée entière d’un « parapluie d’informations » précises et autorisées. Les commandants des différentes armes sont aussi priés de prouver leur discipline et loyauté…
En matière de finances, Xi ordonne aux tutelles de se faire obéir, prenant leurs responsabilités : « les mots sans les actes ne suffisent plus », écrit Liu He (cf portrait), résumant la pensée du chef de l’Etat et critiquant le patron de la tutelle boursière pour les décrochages successifs de la bourse. Xi veut bloquer toute spéculation contre le yuan, visant sa dévaluation.
Côté corruption, le 23 janvier, Wang Bao’an, président du Bureau National des Statistiques, fut arrêté juste après la conférence de presse qu’il venait de donner. Et vu l’accélération des arrestations en haut lieu, les patrons de conglomérats et agences d’Etat ont pris l’habitude de téléphoner tôt le matin à leurs subordonnés immédiats, pour leur confirmer qu’ils sont toujours d’active, et non disparus !
Implacable, la reprise en main concerne aussi la lutte contre la gabegie et l’extravagance : même les lanternes et banderoles rouges du Nouvel An chinois sont codifiées quant à leur valeur et à leur texte, les fêtes de mariage ou d’enterrement ne doivent plus dépasser un certain budget. Cela va jusqu’au festival des glaces de Harbin, où les bonhommes de neige se voient prescrire une taille—deux mètres…
Dans le grand vent de l’hiver, toute la Chine est donc sous contrôle du chef de l’Etat. Un des enseignements capitaux de cette année 2016, sera de découvrir à quelle fin cette concentration des pouvoirs sera utilisée.
Sommaire N° 4 (2016)