L’administration du mandat de Xi Jinping III se met en place, sous le signe d’un rajeunissement et de diplômes : signe d’un besoin urgent en cadres dynamiques et compétents, aptes à faire face à des crises inédites.
Ainsi à 57 ans Zhou Zuyi, géophysicien de formation (après des études en Chine, Suisse et Angleterre) part pour le Fujian comme Secrétaire du Parti – le plus jeune secrétaire provincial de l’équipe actuelle. Xi Jinping lui aussi a servi au Fujian, province importante et qu’il connaît bien, ce qui exprime sa confiance dans ce cadre de nouvelle génération.
Aux commandes de la province côtière, Zhou Zuyi remplacera Yin Li, 60 ans, promu Secrétaire du Parti à Pékin. Yin a exercé 20 ans comme administrateur de la santé – qu’il a étudiée en Russie et aux Etats-Unis. Clairement, cette compétence est attendue dans un Pékin hanté par la Covid, avec plus de 150 nouveaux cas quotidiens recensés la semaine passée.
Le Politburo qui sort juste du XXème Congrès compte lui aussi un fort contingent de technocrates : 6 membres sur 24. Xi et ses conseillers savent qu’ils auront besoin de dirigeants capables aux manettes, pour espérer affronter les défis du pays, à commencer par la panne de croissance.
Selon les derniers chiffres, l’immobilier, locomotive traditionnelle, voit ses investissements reculer en 12 mois de 16% et ses ventes de 23%, le chômage (dans 31 grandes villes) grimper en un mois de +0,2% à 6% de la population active. La Chine, de plus, doit affronter une pandémie sans remède fiable, un vieillissement inexorable et une image internationale dégradée.
C’est sans doute pour cela que Xi Jinping s’efforce après le XXème Congrès de se rapprocher des grands de ce monde. En marge du sommet du G20 à Bali, il a rencontré Joe Biden, non pour se réconcilier – c’était hors sujet – mais pour recommencer à parler après un hiatus de longues années. L’on a alors pu voir un patron de la Chine au ton inusité, accommodant. A Bali, Xi a rencontré d’autres leaders, dont le Français Emmanuel Macron, avec le même sourire. Ainsi, il a dit à Biden ce que ce dernier espérait le plus entendre : qu’il n’avait « pas de plan pour prendre Taïwan dans l’immédiat ». Il a aussi réitéré son hostilité (confiée quelques jours plus tôt au chancelier allemand Olaf Scholz) à l’usage de l’arme nucléaire par Vladimir Poutine contre Kiev ou ailleurs. Il a été jusqu’à faire dire, par diplomate interposé, que « l’allié éternel » russe lui avait menti en omettant de lui signaler lors de son passage à Pékin l’imminence de son « opération militaire spéciale» contre l’Ukraine : ce qui est aller loin dans l’offensive de charme aux Occidentaux.
C’est que face au monde, les temps changent pour la Chine. Après des années d’auto-affirmation agressive par ses ambassadeurs « loups combattants », de grignotages territoriaux aux dépends des pays voisins, elle a usé le capital de tolérance et de « soft power » accumulé en 30 ans de politique prudente de Deng Xiaoping. Certains pays ne craignent plus de réagir, comme le Canada qui force en novembre trois groupes chinois à céder des actifs stratégiques dans les terres rares notamment, acquis au pays à la feuille d’érable. Il est grand temps pour Pékin de tenter de remonter la pente.
Le problème est que Pékin le fait, sans renoncer pour autant à sa posture de confrontation. Face au Congrès, Xi Jinping a appelé à « laisser fleurir 100 fleurs » : c’était un rappel implicite à la campagne de 1956, où Mao invitait intellectuels et dissidents à se dévoiler en le critiquant, pour mieux ensuite les faire arrêter l’année d’après.
Cette formule reprise 15 jours plus tard par Li Shulei, nouveau chef de la propagande, est là pour établir que les méthodes staliniennes et l’esprit de la révolution culturelle sont bien de retour. De même, quelques jours plus tôt, Xi se montrait parmi les officiers supérieurs de l’Armée Populaire de Libération, en tenue militaire, pour leur intimer de se tenir « prêts au combat » … Mais ce double langage marque bien les contradictions de cette équipe dirigeante.
La même hésitation, la même contradiction est perceptible face au traitement de la Covid. Le 11 novembre, l’autorité de santé nationale annonce « 16 mesures » pour alléger sa politique de confinement. En cas d’apparition de cas nouveaux, seul le malade sera isolé et non plus l’ensemble du bâtiment. L’accompagneront les cas contact « du 1er degré », mais non plus ceux « du 2d », et l’isolation de retour de l’étranger durera 5 jours et non plus 7. Mais en même temps, Pékin se montre déterminé à maintenir fermement la tolérance zéro : « le principe demeure », explique-t-on, « seule l’application est optimisée ».
Au fond, on voit bien le dilemme du pouvoir, la quadrature du cercle qu’il affronte. D’une part, les populations n’en peuvent plus et commencent à se rebeller, comme à Canton la semaine passée. De plus, le prix à payer pour cette stratégie d’isolement systématique se fait insupportable : des millions d’emplois sont perdus, des milliers d’entreprises ferment, et la croissance du PIB pour 2022 ne devrait pas dépasser 3,2%, du jamais vu.
Mais d’autre part, dès qu’on assouplit les règles, la Covid remonte : la nation enregistrait 20 000 nouveaux cas le 15 novembre, 23 276 le lendemain : record depuis avril, et cela non plus, la population ne peut le supporter. Elle n’est pas prête, préparée à l’autre approche de la pandémie, celle de l’Occident qui en deux ans, a appris à « vivre avec ». Elle y viendra, mais il faudra du temps et de bons vaccins. Xi Jinping lui aussi, a besoin de ce temps, pour ne pas avoir l’air de se déjuger.
Sommaire N° 39 (2022)