Environnement : COP 27 : la Chine sauve ses intérêts

COP 27 : la Chine sauve ses intérêts

A Charm el-Cheikh (Egypte), la COP 27 s’est réunie du 6 au 20 novembre pour accélérer la décarbonation de l’économie mondiale, face au dérèglement climatique. En 30 ans, cette réunion écologique est devenue une énorme « machine » rassemblant 33 000 observateurs, lobbyistes et négociateurs de 200 pays, chaque année dans un pays différent, seule occasion de confronter le « nord » (généralement blanc, et riche) au « sud » (souvent plus coloré, et pauvre). Entretemps, de plus en plus de voix s’élèvent pour contester cette division qui s’avère chaque année plus arbitraire, suite aux 30 ans de croissance qui ont modifié en profondeur la répartition des richesses du monde.

La COP 27 s’est achevée sur un succès important, en jetant les bases d’un fonds de compensation des « pertes et dommages » destiné aux pays frappés par les catastrophes naturelles, et en réitérant l’objectif de limitation du réchauffement global à 1,5°C d’ici 2100. Le fonds des pertes et dommages sera activé dans un an par la COP 28 de Dubaï, et un « comité de préparation » de 28 pays (nord et surtout sud) va le préparer d’ici là, de manière à faire payer « les pays riches » mais aussi des « sources plus larges ».  

Toutefois, ce succès est voilé par le lobby des énergies fossiles, composé de compagnies exploitatrices des hydrocarbones (charbon, pétrole, gaz), et surtout d’Etats détenteurs des gisements. Ils ont pu ainsi enrayer toute velléité de date limite à l’usage de cette source d’énergie, cause n°1 du réchauffement planétaire. Cumulés, les engagements actuels des Etats en décarbonation ne permettent pas mieux qu’un réchauffement de 2,4°C d’ici la fin du siècle…

Dans cette cacophonie des nations pour le sauvetage du climat, la Chine s’en tire au mieux, avec deux bénéfices tangibles et aucun effort spécifique supplémentaire dans l’immédiat – on peut faire hommage à la qualité et à la discipline de ses négociateurs, mais aussi constater son art de participer aux négociations internationales, en prenant sans donner. Ajoutons qu’elle est restée durant les deux semaines de tapis vert dans une pénombre discrète, faisant agir ses alliés sans donner de la voix. Quels sont ses gains de Charm el-Cheikh :

– Concernant le financement du fonds « dommages et pertes », le rapport prend soin de préciser que « la Chine ne sera pas spécifiquement en première ligne ». Elle reste, comme depuis 1992 et le Protocole de Kyoto, un pays « en développement », quoique devenue entretemps le second PIB mondial et le premier émetteur de gaz à effet de serre. Ce statut préservé lui permet donc de voir l’avenir avec la confiance de conserver son « bouclier » contre les demandes futures (de l’Union Européenne et de pays en voie de développement) de contribution à l’effort commun.

– Le blocus du lobby des énergies fossiles a su empêcher toute date de fin d’exploitation de ces sources d’électricité : et ce, surtout grâce à la Chine qui a jeté tout son poids dans la bataille, par l’entremise de ses 130 pays alliés. C’est paradoxal, car ces pays pauvres auraient tout à gagner d’une contribution chinoise, d’un des pays aux plus grosses réserves financières mondiales. Mais dans cette alliance politique Chine/Pays pauvres et émergents, la discipline est de règle. Elle est toutefois en perte de vitesse : la COP27 a vu l’émergence de 43 pays insulaires menés par Antigua, qui ont osé réclamer la quote-part de la Chine, ainsi que de l’Inde…

Après la clôture, les négociateurs de l’Union Européenne et de la France ont déploré que l’Egypte, pays organisateur, ait privilégié, dans sa conduite des débats, les intérêts des pays du sud, surtout charbonniers, faisant la part belle à la Chine, au détriment de l’objectif commun de sauvetage de la planète à l’horizon 2100. Pour autant, durant les débats, la Chine a laissé entrevoir quelques plans de décarbonation prometteurs sur son territoire : par exemple, récupération accrue de l’acier usagé, qui pourrait atteindre 400 millions de tonnes d’ici 2030 et la moitié de ses besoins, et une réduction systématique des émissions de méthane dans l’agriculture, les gazoducs, les déchets urbains et surtout les mines de charbon à ciel ouvert du Shanxi.

En matière d’énergies renouvelables, la Chine après d’énormes efforts, marque des réussites uniques. En fermes solaires et éoliennes, elle est en tête, et veut détenir une capacité combinée de 1,2 milliard de kilowatts d’ici 2030, réduisant ainsi de 25% sa dépendance aux hydrocarbures. Elle veut aussi élargir sa surface de forêts (l’élément naturel le plus efficace dans le stockage de CO²) à 6 milliards de mètres cubes à cette échéance. Alors, son “intensité carbone”, à savoir ses émissions de CO² par point de PIB auront reculé de 65%. L’administration se prépare à cette optimisation en rassemblant les trois ministères hier rivaux sur l’environnement : Ecologie/Environnement, Ressources naturelles et Gestion des catastrophes naturelles. Le bilan écologique de la Chine est donc complexe et mitigé, « bon élève » de l’humanité et bientôt meneur de tendances sur son sol, mais fort réticent à entendre, dialoguer et travailler en équipe hors frontière. En profonde mutation, son évolution ne lui permet pas de coopérer plus. Il faut laisser du temps au temps.

Enfin, même si les manœuvres politiciennes permettent de préserver des intérêts nationaux en opposition de phase avec l’objectif commun de lutte climatique, le réchauffement global poursuit impavide ses ravages, causant à l’humanité un prix chaque année plus lourd à payer, sous forme de typhons, tsunamis, séismes, sécheresses et crues. Pour lancer enfin « à toute vapeur » (sic) le projet d’enrayer un réchauffement cataclysmique, deux obstacles restent sur le chemin :

– Les Etats-Unis avec leur droite financière sourde à tout effort hors frontières,

– et la Chine, en pleine nostalgie maoïste, qui ne veut rien se laisser dicter de l’extérieur.

L’argument n°1 des USA est de refuser de payer, tant que le premier pollueur, la Chine, en restera dispensée. Autrement dit, c’est clair, pour toute solution commune efficace, il n’y aura pas d’alternative à l’abandon de l’exception chinoise, au fait de rayer la Chine de la liste des nations dispensées de tout effort. Elle y a en fait intérêt, pour s’aider elle-même à nettoyer ses écuries d’Augias, sa terre, ses eaux et son air dilapidés, et pour prévenir les phases chaque année plus graves de crues et de sécheresse sur son territoire, sous l’effet d’un dérèglement des saisons, peut-être plus sévère chez elle qu’ailleurs !

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