Le Vent de la Chine Numéro 39 (2020)
Cinq jours après avoir signé le plus large accord de libre-échange au monde, le « partenariat régional économique global » (RCEP) avec 14 autres pays d’Asie-Pacifique (sans l’Inde) le 15 novembre, le Président Xi Jinping créait la surprise au forum de l’APEC en déclarant envisager « activement » de rejoindre le « partenariat transpacifique global et progressiste » (CPTPP) rassemblant l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, le Japon, Singapour, la Malaisie, le Vietnam, le Chili, le Mexique, le Pérou et Brunei, signé en janvier 2018.
Le CPTPP est le successeur du partenariat transpacifique (TPP), qui avait été initié par l’administration Obama (sous laquelle Joe Biden était vice-président) dans le but d’endiguer la montée en puissance chinoise dans la région Asie-Pacifique, avant que le Président Trump ne retire les États-Unis en 2017.
Sur les réseaux sociaux, certains internautes chinois comparaient la situation à l’empire napoléonien rejoignant une coalition anti-française…
Pourquoi la Chine est-elle donc intéressée par un pacte commercial initialement conçu contre elle ? Les médias officiels y voient une « branche d’olivier » tendue à l’administration Biden. Mais cela s’apparente plutôt à un affront fait aux États-Unis, la Chine déclarant son intérêt pour un pacte que les USA avaient abandonné et qu’ils ne se sont vraisemblablement pas prêts de réintégrer dans un futur proche – démocrates comme républicains étant majoritairement opposés à l’idée que Washington rejoigne l’accord. Pour Pékin, intégrer le CPTPP serait aussi le meilleur moyen de contrer les plans des États-Unis, en les « encerclant » économiquement.
Cela fait des mois que la Chine réfléchit à se porter candidate au CPTPP. En mai dernier, le premier ministre Li Keqiang était le premier à exprimer l’intérêt de son pays à rejoindre le pacte. Mais l’investiture du prochain président américain approchant à grands pas, c’était en quelque sorte « le moment ou jamais » pour la Chine de se positionner, et l’occasion de se présenter en championne du multilatéralisme, enhardie par le succès du RCEP. Poursuivant sur sa lancée, la Chine devrait redoubler d’efforts d’ici le 20 janvier pour espérer conclure des accords économiques et commerciaux avec d’autres blocs et partenaires, notamment le traité d’investissement avec l’Union Européenne et l’accord trilatéral de libre-échange avec le Japon et la Corée du Sud.
Même si certains critères ont été assouplis de manière à accommoder certains membres comme la Malaisie, Singapour et le Vietnam, le CPTPP est nettement plus ambitieux que le RCEP, notamment en matière environnementale, de droit du travail, de transparence… Autant d’aspects sur lesquels la Chine s’est toujours refusé de négocier jusqu’à présent. Surtout, pour rejoindre le CPTPP, il faudrait que la Chine mette un terme aux privilèges accordés à ses entreprises d’État. « Certains affirment que la Chine ne peut pas répondre aux exigences du CPTPP, c’est absolument infondé » déclarait Long Yongtu, qui avait négocié pendant 10 ans l’entrée de la Chine à l’OMC en 2001. « Si le Vietnam et Singapour peuvent y arriver, pourquoi pas la Chine » ? L’ancien négociateur y voit un moyen d’accélérer la réforme des entreprises d’État, sujet litigieux qui bousculerait de nombreux intérêts au sein du Parti. Seulement, près de vingt ans après l’entrée de la Chine à l’OMC, l’impression qui domine chez les partenaires étrangers est celle d’une Chine qui a tendance à interpréter les règles du commerce international à sa façon… Difficile de ne pas s’imaginer un scénario similaire avec le CPTPP, promettant des concessions pour y entrer, puis s’arrangeant avec les règlements par la suite.
Quoi qu’il en soit, cette déclaration de Xi Jinping met en lumière le double discours que tient Pékin – que l’on peut interpréter comme une tentative de concilier tous les bords au sein du Parti. D’un côté, la Chine prône la libéralisation des échanges et promet davantage d’ouverture de son marché. De l’autre, elle ambitionne de rendre ses entreprises d’État « meilleures, plus grosses et plus fortes », accentue son contrôle sur le secteur privé, met au point sa stratégie de « circulation duale » donnant la priorité à son marché domestique, et entretient des relations à couteaux tirés avec certains membres du CPTPP tels que l’Australie et le Canada… Mais pourra-t-elle continuer à maintenir l’ambiguïté encore longtemps ?
Éclipsée par la Covid-19, la campagne « anti-corruption » n’a pas faibli cette année. 18 « tigres », hauts cadres issus de tout horizon, ont été arrêtés d’avril à octobre 2020. L’an dernier, ils étaient 22 à être tombés dans les griffes de la Commission Centrale d’Inspection et de Discipline (CCID).
Parmi les victimes, Ren Hua, vice-présidente de la région du Xinjiang, la première « tigresse » à « tomber de cheval » (落马, luòmǎ) depuis 2017. Selon le communiqué officiel, Ren aurait « perdu ses idéaux », fait preuve de « déloyauté vis-à-vis du Parti » notamment en participant à des « activités superstitieuses »…
Des dirigeants de Hainan, du Fujian, de Pékin, un vice-directeur de l’administration nationale de l’énergie (NEA, véritable coupe-gorge politique), trois cadres issus de l’appareil de la sécurité publique (de Pékin, en passant par Chongqing et Shanghai), l’ancien président de la China Shipbuilding Industry Corporation (CSIC), et un directeur financier de la COFCO, conglomérat public de l’agro-alimentaire, ont également été mis sous enquête.
N’appartenant pas à la catégorie des « tigres », un vice-président du groupe pétrolier CNPC a également été limogé début novembre. Sa chute s’ajoute à la longue liste de cadres de la CNPC arrêtés depuis la condamnation de l’ancien Président du groupe, Jiang Jiemin, à 16 ans de prison en 2013.
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En parallèle, les premiers remaniements en préparation de la transition de 2022 ont été annoncés le 20 novembre et le 1er décembre. Six nouveaux secrétaires provinciaux du Parti ont ainsi été nommés, suite aux départs à la retraite de leurs prédécesseurs.
¤ Il y a d’abord Jing Junhai (60 ans), un protégé de Zhao Leji (n°6 du Parti et patron de l’anti-corruption), qui devient secrétaire du Jilin, remplaçant Bayinchaolu, un membre de « l’armée de Zhijiang », fidèle à Xi Jinping.
¤ Jing sera secondé par Han Jun (57 ans), nouveau gouverneur de la province. Diplômé d’un doctorat en économie agricole à 25 ans, il a passé les trois dernières décennies dans des think tanks affiliés au gouvernement avant de devenir directeur du groupe directeur des affaires rurales en 2017. Han était largement pressenti pour venir remplacer l’actuel ministre de l’Agriculture Han Changfu (66 ans), ayant atteint la limite d’âge.
C’est finalement Tang Renjian (58 ans), originaire de Chongqing et gouverneur du Gansu, qui devrait remporter le poste. Tang a débuté sa carrière au ministère de l’Agriculture, puis a intégré la Commission Centrale des Affaires financières et économiques, où il passera plus de 16 ans. C’est là qu’il rencontrera l’actuel vice-premier Liu He, son bienfaiteur.
¤ Autre remaniement ministériel : Wang Wentao (56 ans, cf photo), gouverneur du Heilongjiang depuis 2018, était nommé secrétaire du Parti au ministère du Commerce, à la place de l’actuel ministre Zhong Shan. Diplomé de philosophie à la prestigieuse université de Fudan (Shanghai). Wang n’a pas exactement le bagage attendu pour ce rôle, n’ayant aucune expérience en commerce international. Plus étrange encore, il est le neveu de l’épouse de l’ancien Président Jiang Zemin et appartient de ce fait à la clique de Shanghai. Wang aurait également travaillé quelques mois sous Xi Jinping en 2007 lorsqu’il était responsable du district de Huangpu. Deviendra-t-il officiellement le nouveau ministre ? Verdict fin décembre.
¤ Xu Dazhe (64 ans, le plus âgé des secrétaires provinciaux) passe n°1 du Hunan, sa province natale qu’il dirigeait en tant que gouverneur depuis 2016. Avant cela, Xu a fait toute sa carrière dans l’aérospatiale, en faisant à ce titre un membre de la « clique » du même nom ayant bénéficié d’un avancement inédit sous Xi Jinping.
¤ Début septembre, deux autres cadres issus de l’aérospatiale ont également été promus : Zhang Guoqing (56 ans, le plus jeune des secrétaires provinciaux), ancien PDG de Norinco, et nouveau patron du Liaoning, et Yuan Jiajun (58 ans), ancien président de la CASC (China Aerospace Science and Technology Corporation) qui a pris les rênes du Zhejiang.
¤ Autre « vétéran » provincial, Ruan Chengfa (63 ans) est nommé secrétaire du Yunnan. Natif du Hubei, c’est le protégé de Yu Zhengsheng, ancien n°4 du Parti. Ruan a fait ses armes en tant que maire puis secrétaire du Parti de Wuhan entre 2007 et 2016, où il s’est attelé à développer le réseau d’infrastructures, en endettant lourdement la ville.
¤ Shen Xiaoming (57 ans) devient secrétaire de Hainan, île tropicale dont il était le gouverneur depuis 2017. Né dans le Zhejiang, et ayant gravi les échelons à Shanghai, il serait associé à la « nouvelle armée de Pujiang » (au même titre que Ding Xuexiang ou Yang Xiaodu, tous deux membres du Politburo), rassemblée par le Président Xi lors son passage dans la « Perle de l’Orient » en 2007, en opposition à la fameuse « clique de Shanghai » de l’ancien Président Jiang Zemin. Pédiatre de formation, Shen a été le doyen de la faculté de médecine de l’université shanghaienne Jiaotong avant d’en devenir vice-président. Il a obtenu son premier poste en politique lorsqu’il a intégré la commission municipale de santé, puis est passé vice-maire en 2008, et enfin patron de la zone de libre-échange de Pudong en 2015. C’est durant cette période qu’il travailla sous les ordres de Han Zheng, n°7 du Parti et vice-premier ministre exécutif. À Hainan, son principal défi sera bien sûr de faire décoller la nouvelle zone de libre-échange, une initiative de Xi Jinping.
¤ Yin Li (58 ans), prend la direction du Fujian. Originaire du Shandong, Yin a obtenu son diplôme de médecine en Russie. Il a également étudié à l’école de Santé publique de Harvard. Avant 2015 où il était « parachuté » gouverneur du Sichuan par Xi Jinping, Yin Li n’avait aucune expérience en province, ayant passé la majorité de sa carrière au ministère de la Santé, et à la China Food and Drug Administration (CFDA), avec un intermède au comité exécutif de l’OMS (2004-2005). À 58 ans seulement, ce « technocrate » peut encore prétendre à un poste plus important d’ici 2027.
¤ Mme Chen Yiqin (61 ans, cf photo), prend la tête du Guizhou, province pauvre, réputée pour ses centres de stockage de « big data » et notoirement endettée – un cadeau empoisonné hérité d’un de ses prédécesseurs Chen Min’er, actuellement secrétaire de Chongqing.
Issue de la minorité Bai, Chen a passé toute sa carrière dans sa province natale, en tant que directrice du département de la propagande et de la commission provinciale des affaires politiques et légales. C’est donc dans ce contexte qu’elle a tissé des contacts en haut lieu avec Li Zhanshu, aujourd’hui n°3 du pays et au Guizhou de 2010 à 2012, Zhao Kezhi, conseiller d’État et ministre de la Sécurité publique, et Wang Xiaodong, secrétaire du Hebei.
Chen est la seule secrétaire provinciale du « beau sexe », et seulement la troisième femme depuis 1978 à diriger une province. Si la tradition établie depuis 2002, d’avoir au moins une représentante de la gent féminine au Politburo (en tant que vice-première ministre ou conseillère d’État) est respectée, Chen Yiqin pourrait prétendre à une promotion au Politburo en 2022. Sun Chunlan, seule femme siégeant à l’actuel Bureau politique, avait dirigé le Fujian avant d’être propulsée à Tianjin en 2012 grâce à ses soutiens, ce qui allait de pair avec une place au Politburo. D’après Alex Payette, cofondateur du cabinet Cercius, il n’est pas garanti que Chen Yiqin marche dans les pas de Sun Chunlan, Liu Yandong et Wu Yi, ne disposant pas « d’affiliations politiques suffisantes » pour accéder au Bureau politique. Jusqu’à présent, seules six femmes ont réussi à intégrer le Saint des Saints, les trois autres étant Jiang Qing, l’épouse de Mao, Ye Qun, celle de Lin Biao et Deng Yingchao, celle de Zhou Enlai. Aucune femme n’a jamais siégé au Comité permanent depuis 1949.
À travers ces chaises musicales provinciales, deux tendances se confirment : la première est celle généralisée d’être d’abord passé gouverneur (ou vice-secrétaire) avant de devenir secrétaire. Avant l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir en 2013, les secrétaires étaient majoritairement des cadres du gouvernement central parachutés en province.
La seconde tient au fait que certains secrétaires restent en poste plus longtemps que prévu, parfois plus d’un an après avoir dépassé la limite d’âge (65 ans). C’est le temps qu’il faut à Xi Jinping pour trouver des remplaçants « acceptables », c’est-à-dire compétents et fidèles. Or, la tâche se complique pour le Président qui a déjà placé tous ses alliés à des postes importants, et qui doit donc considérer des candidats au-delà de ses sphères d’influence habituelles.
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Enfin, dernière nomination de taille, au niveau national cette fois, annoncée lors de la clôture du 5ème Plenum (30 octobre) : celle de Jiang Jinquan, 61 ans et économiste de formation, qui prend la tête de l’institut central de recherche politique (CPRO), « centre névralgique » du Parti à l’origine de toutes les politiques-clés et de tous les slogans en vogue. Il est surtout le pré carré du tsar de l’idéologie Wang Huning, n°5 du Parti, qui dirigeait l’institution depuis 2002. Jiang a travaillé plus de deux décennies à l’institut, sous la supervision de Wang Huning et de celle de son prédécesseur Liu Yunshan.
Théoricien prolifique, Jiang a rédigé plus de 40 essais de plus d’un million de caractères au total. Parmi ceux-là, « comment pratiquer l’autocritique correctement » qui a remporté « un prix de l’excellence », ou encore « apprendre des actions du Secrétaire Général Xi Jinping au sujet de la construction du Parti et de la gouvernance en faisant preuve d’une discipline stricte ». Mais c’est une certaine « analyse du chemin du développement économique de la Chine », qui aurait fait forte impression auprès du Président Xi. Cadre rigoureux, discipliné et fiable, Jiang est un expert de la « consolidation » du Parti. Ce n’est pourtant pas pour ses talents de théoricien qu’il a été choisi, mais plutôt pour sa capacité à perpétuer « l’héritage idéologique » de Wang Huning.
La nomination de Jiang Jinquan ne veut pas pour autant dire que Wang Huning est en perte de vitesse. Au contraire, il pourrait être appelé de plus hautes destinées : selon Alex Payette, Wang pourrait passer en 2022 vice-président, à la place de Wang Qishan, ou alors président de l’ANP, sur les traces de Li Zhanshu. Cependant, avoir un idéologue aussi haut placé pourrait être vu d’un mauvais œil par certains au sein du Parti… Néanmoins, si cette élévation se concrétise, elle reflèterait fidèlement le « virage à gauche » entamé par le Président Xi Jinping, qui lui a déjà sa place assurée pour l’après-2022.
À précisément minuit quarante-et-une, le 27 novembre 2020, le premier réacteur chinois de 3ème génération à eau pressurisée « Hualong-One » (华龙一号 ou HPR1000) a été raccordé avec succès au réseau électrique de la province du Fujian, dernière étape avant la mise en exploitation commerciale qui devrait avoir lieu d’ici la fin de l’année.
Son constructeur CNNC célébrait cet évènement comme « la fin du monopole étranger sur le nucléaire ». C’est en effet un pas de plus vers l’indépendance technologique réclamée par le Président Xi Jinping.
Inspiré des modèles de 3èmegénération français et américain, le Hualong fait l’objet de 700 brevets et 120 copyrights informatiques. Ses 411 pièces principales sont conçues et produites en Chine par 5 000 entreprises locales (dont 58 détenues par l’État). Au total, le taux de localisation serait de plus de 85%. Les 15% restants représentent les équipements les plus sophistiqués qui eux sont toujours importés.
La première coulée de béton de l’unité n°5 de la centrale nucléaire de Fuqing remonte à mai 2015. À l’époque, CNNC estimait pouvoir inaugurer Fuqing 5, « tête de série » du Hualong-One en 2019. Malgré un retard de plus un an (notamment lié aux pompes de refroidissement primaires), CNNC réalise là une performance. Le réacteur devrait à terme être capable de générer annuellement 10 TWh, permettant ainsi d’économiser 8,16 millions de tonnes d’émissions de CO2. La durée de vie escomptée du Hualong-1 est de 60 ans, tandis que ses 177 « assemblages combustibles » devront être remplacés tous les 18 mois. La construction d’un second réacteur (unité n°6) à Fuqing devrait être achevée en 2021.
Ce faisant, CNNC coiffe au poteau son rival CGN qui construit deux autres Hualong-1 sur la centrale de Fangchenggang dans le Guangxi, prévus pour 2022.
Même si l’administration nationale de l’énergie (NEA) a ordonné en 2011 à ses deux champions du nucléaire de « fusionner » leurs programmes de réacteurs (ACP1000 pour CNNC et ACPR1000 pour CGN) en un seul design « standardisé », des différences majeures subsistent entre les deux modèles de « Hualong-One », celui de CGN étant considéré comme plus « sophistiqué », disposant de trois trains de sureté au lieu de deux pour celui de CNNC.
À l’horizon 2025, quatre autres Hualong-One devraient être mis en service : CNNC va en construire deux à Zhangzhou (Fujian) (2024 et 2025), tandis que CGN en bâtira deux autres à Taipingling dans le Guangdong (2025 et 2026). La construction de quatre réacteurs supplémentaires a déjà été approuvée par le Conseil d’État en septembre pour un investissement total de 70 milliards de yuans : deux par CGN à la centrale de San’ao (Zhejiang), qui devrait accueillir à terme six « Hualong-One » ; et deux autres par CNNC et Huaneng à celle de Changjiang (Hainan).
Au total en Chine, 49 réacteurs sont en opération, avec une capacité combinée de 48 498 MW. La Chine arrive ainsi 3èmedu classement, derrière la France (62,000 MW) et les États-Unis (98,000 MW). Mais Pékin pourrait vite remonter le classement et prendre la première place dès 2030 avec une capacité totale (en construction et planifiée) de 108 700 MW.
Pas moins de 14 réacteurs sont actuellement en construction dans le pays, plus que dans n’importe quel autre pays au monde. Le nucléaire est en effet un outil stratégique majeur de la décarbonisation de l’économie chinoise. À ce jour, le charbon représente 55% du mix énergétique chinois, contre seulement 5% pour le nucléaire, une part que la Chine compte porter à 10% d’ici 2035.
Outre l’avenir florissant du Hualong sur le marché domestique, le réacteur est également destiné à l’export. Dès 2015, CNNC et CGN décidaient de se répartir les marchés. Alors que CGN se concentre sur l’Europe, CNNC lui se charge des pays émergents, désireux de développer l’énergie nucléaire à un prix compétitif. CNNC évalue le potentiel d’export le long de son initiative « Belt & Road » (BRI) à 30 réacteurs – le point fort de l’offre chinoise résidant dans sa capacité à proposer des financements.
À ce jour, un seul chantier de « Hualong One » est en cours hors frontières. C’est celui mené par CNNC à la centrale de Karachi (Pakistan) où deux réacteurs devraient entrer en opération en 2021 et 2022. Le projet de construction d’un Hualong-1 en Argentine, qui devait être une vitrine pour le réacteur chinois, est lui au point mort…
Au Royaume-Uni, les plans du « Hualong One » de CGN sont toujours en cours d’évaluation par les autorités britanniques en prévision d’un déploiement potentiel sur le site de Bradwell. Le HPR1000 vient cependant de remporter une victoire de taille en obtenant le 11 novembre, la certification de la part des autorités européennes de sûreté. Néanmoins, le constructeur chinois fait aujourd’hui les frais de l’affaire « 5G de Huawei », relançant le débat dans nombre de pays autour des questions de sécurité et souveraineté nationale. Le succès du dragon nucléaire chinois à l’étranger est donc loin d’être garanti.
Venez écouter le deuxième épisode des « Chroniques d’Eric », journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine.
Après le quartier de Sanlitun, c’est un endroit très différent que je veux vous montrer, cette fois à 2200 km à l’Ouest de Pékin, en pleine province tropicale du Yunnan qui signifie littéralement « au sud des nuages ». Je veux vous raconter un épisode insolite qui remonte à plus de 30 ans, dans un Yunnan qu’on aurait bien du mal à retrouver aujourd’hui, vu les bouleversements qu’il a subi… Dans ce lieu historique, cet endroit mythique, les touristes se pressent aujourd’hui pour la beauté du site, mais également n’importe quel journaliste en mal d’aventure ! Voilà je ne vous en dit pas plus… Venez écouter « Les Gorges du Saut du Tigre » !
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2nd épisode des « Chroniques d’Eric » : Les Gorges du Saut du Tigre (Hǔ
Rouge de colère, Zhende l’aîné se tourna vers Li Liang, son cousin, et l’apostropha : « tu nous as fait payer cher pour garantir le repos de mon père, et voilà qu’on a volé son corps – tu nous dois des explications ! » Cependant ce dernier, mal à l’aise, et se confondant en mimiques d’excuses, restait muet et tournait autour du monticule, dans la tentative vaine d’échapper aux regards fulgurants de l’aîné de la fratrie… « Écoute, finit-il par reconnaître, ce que nous avons fait est illégal, tu le sais bien. Nous risquons gros. Alors, tais-toi, dans ton intérêt comme le mien ».
« Il n’est pas possible de ne rien faire. Sans le corps de mon père, pas de paix possible, ni pour nous ni pour toi ! Et pour commencer, dis-moi : après nous, quelle famille a reçu un certificat de crémation» ? Zhende posait la question, pour donner suite à un soupçon qui venait de traverser sa tête comme un éclair : n’y aurait-il pas justement, autour de cette histoire de certificat, un coup fourré dont son père aurait fait les frais ?
« Eh bien, finit par murmurer Li Liang, tu devrais aller parler à Wang Hongzhan, à propos de sa mère ; et tant que tu y es, va voir Wang Ling, le secrétaire du Parti de Lizhuang »…
Bon, au moins, Li Liang coopérait. Aussi Zhende changea de ton : « d’accord, on ne va pas te chercher « des os dans l’œuf » (鸡蛋里挑骨头, jīdàn li tiāo gǔtou, version chinoise de chercher « des poux sur la tête »), mais le corps de mon père a été volé, ce n’est pas à moi d’interroger les gens : tu y vas » !
Sur quoi, de concert, ils se rendirent chez Wang Hongzhan à Lizhuang : il commença par nier tout lien avec le vol du cadavre. Mais non convaincus, ils s’accrochèrent, revinrent le lendemain, la semaine d’après, sans jamais lâcher la pression, confortés par les bruits qui couraient, assourdissants. Début 2020, Wang finit par admettre qu’il venait quelques semaines plus tôt de faire enterrer sa mère décédée depuis trois ans. Mais de certificat d’incinération, non, il jurait ses grands dieux n’en rien savoir : « Je n’ai jamais entendu parler d’un tel papier… S’il y en a un, c’est mon fils qui doit l’avoir, mais nous sommes pauvres… On n’aurait jamais pu payer. Je ne suis qu’un vieil homme, et qu’un bon fils qui a fait son devoir ».
Zhende et Li Liang se tournèrent alors vers Wang Ling, le patron du district : ce dernier les reçut fort fraîchement, prenant les choses de haut : « Je n’ai rien à déclarer – et si vous n’êtes pas contents, allez-vous plaindre plus haut ». Certes, c’était un enterrement qui avait mal tourné, mais vu son illégalité dès le départ, et les risques de sanction pour ses auteurs, Wang Ling était certain qu’ils n’oseraient jamais sauter le pas.
Depuis son poste de secrétaire du Parti à Wulou cependant, Li Liang entendait toujours la pompe à rumeurs, et s’en servait pour poursuivre l’enquête : Liu Qinghua responsable du crématorium de Wulou finit par admettre que la dépouille du vieux Li Chenbin avait été subtilisée puis incinérée le 30 mars 2019. Les voleurs avaient agi juste avant la cérémonie rituelle des 100 jours : c’était par hasard en fait, et ils n’avaient avancé la date du rapt que pour battre de vitesse le dégel qui aurait corrompu le corps. Mais l’information suivante donnée par le fossoyeur était capitale : le corps avait été incinéré en lieu et place de la mère de Wang Hongzhan, qui avait obtenu ensuite un faux certificat de crémation tout en ayant été enterrée. Pour ce tour de passe-passe, son fils avait versé 12 000 yuans à Wang Ling.
Restait à comprendre comment Wang Ling, le boss à Lizhuang (Henan) avait eu vent de l’enterrement clandestin du corps de Li Chenbin, venu du Shandong. La réponse tenait à la fois à la séparation artificielle d’un terroir entre deux provinces et à l’extrême densité de la population locale. En l’occurrence, un braconnier de Lizhuang passant par la colline pour relever ses pièges, avait trouvé le cône de terre fraîche enrubannée. Il avait jasé, et la rumeur avait atteint en un temps record les oreilles du secrétaire. Personne ne sachant qui gisait là-dessous, le mort n’était pas un local -Wang Ling avait vite deviné qu’il venait de la province voisine. Or personne n’était allé le consulter, ne fût-ce que pour partager avec lui le montant de la taxe. C’était là, de la part des auteurs de l’ensevelissement, un manque de bonnes manières ! En effet les ennuis, quand ils arriveraient – et c’était inéluctable – retomberaient sur lui, le secrétaire du Parti. Aussi la nouvelle de ce tombeau tout frais avait suscité chez lui un mélange de perplexité et d’irritation : il fallait d’abord trouver qui c’était !
9 – 11 décembre, Canton : INMEX, Salon international de l’industrie maritime
15-17 décembre, Shanghai : China Wedding Expo, Salon du mariage de Shanghai
15-17 décembre , Canton : Hotelex Guangzhou, Salon international des équipements et fournitures pour l’hôtellerie
16-18 décembre, Shanghai : CPhI & P-MEC China, Salon international de la pharmaceutique