Le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU, la Maison-Blanche, le Quai d’Orsay, l’Association des joueuses de tennis (WTA), des championnes telles que Naomi Osaka et Serena Williams, tous s’inquiètent pour la joueuse chinoise Peng Shuai, absente de la vie publique depuis qu’elle a accusé dans un message posté sur Weibo le 2 novembre, l’ancien n°7 du pays et ex-vice-premier ministre, Zhang Gaoli, d’avoir abusé d’elle.
La championne en double à Roland Garros en 2014 n’est pas la seule à avoir ainsi « disparu » des radars. L’actrice Fan Bingbing, la femme d’affaires Zhao Wei et le milliardaire Jack Ma, se sont eux aussi mystérieusement « évanouis » durant quelques jours, quelques semaines, ou quelques mois, avant de « réapparaître ».
Sauf que cette fois, la communauté internationale s’est saisie de l’affaire et a multiplié les appels à la transparence, en prenant toutefois soin de ne pas nommer l’ex-vice-premier ministre.
Le directeur de la WTA s’est notamment déclaré prêt à faire une croix sur ses activités en Chine (une dizaine de tournois, dont le masters de fin de saison à Shenzhen) pour s’assurer que sa joueuse va bien.
Cette prise de position courageuse intervient alors que Grace Meng, l’épouse de l’ex-directeur d’Interpol, a déclaré dans un premier témoignage à visage découvert, regretter que l’agence internationale de coopération policière se soit contentée de prendre note de la démission de son mari au moment de sa disparition fin 2018. Il a depuis été condamné à 13 ans et demi de prison…
Face à cette pression croissante, des nouvelles de Peng Shuai ont soudainement afflué : un prétendu email d’abord, comportant la barre d’un curseur de logiciel de traitement de texte ; quelques photos d’elle – tout sourire – apparemment publiées sur son WeChat souhaitant un « bon week-end » à ses proches ; puis deux clips vidéo tournés dans un restaurant avec des amis et son coach mentionnant spécifiquement la date du lendemain ; une apparition le 21 novembre lors de la finale d’un tournoi pour enfants sponsorisé par FILA (cf photo) ; et enfin un vidéo-call de trente minutes avec le président du Comité International Olympique (CIO) dans laquelle elle a expliqué être saine et sauve à son domicile mais qu’elle aimerait que sa vie privée soit respectée…
La plupart de ces « preuves » de son bien-être ont été publiées sur Twitter, plateforme bloquée en Chine, et par le biais de journalistes affiliés à des médias officiels tournés vers l’international, comme le Global Times et la chaine télévisée CGTN, déjà connue pour avoir diffusé plusieurs « confessions forcées », notamment celle de Peter Humphrey, citoyen britannique arrêté en Chine en 2013, et celle de Gui Minhai, libraire hongkongais naturalisé suédois, condamné par un tribunal chinois à dix ans de prison fin 2020.
Malgré tous ces efforts pour rassurer l’opinion publique internationale et détourner son attention de Peng Shuai, il est extrêmement probable que les faits et gestes de la championne fassent l’objet d’un contrôle permanent, le temps d’une enquête interne.
De l’autre côté de la grande muraille numérique, toute référence à l’affaire continue d’être expurgée de la toile… Interrogés à plusieurs reprises, les porte-parole du ministère des Affaires étrangères se sont refusés à tout commentaire en arguant qu’il ne s’agissait pas d’un dossier diplomatique.
Sans aucun doute, Pékin tentera d’étouffer cette affaire extrêmement embarrassante pour l’appareil – particulièrement à trois mois des Jeux Olympiques d’hiver – du fait du statut de l’accusé et de la popularité de la victime. Dans son prétendu courriel du 17 novembre, Peng Shuai aurait d’ailleurs affirmé que « les informations, notamment concernant l’accusation d’agression sexuelle, sont fausses ». Il n’est pas difficile d’imaginer que si elle ne coopère pas, cette situation pourrait bien se retourner contre elle…
Quid de Zhang Gaoli, dont les liens avec l’ex-vice-président Zeng Qinghong en font plutôt un opposant au leadership actuel ? L’ancien membre du comité permanent jusqu’en 2017 fera-t-il uniquement l’objet de sanctions internes, affaiblissant ainsi sa position ainsi que celle de ses associés politiques ? Ou alors sera-t-il mis publiquement sous enquête pour « corruption » d’ici quelque temps, ce qui aurait pour inconvénient de rappeler à tous ce scandale ? Le mystère reste entier…
1 Commentaire
severy
22 novembre 2021 à 20:09Zhang Gaoli.
Encore un membre du Parti qui prend le parti du membre.
Qu’attendent les autres membres pour le prendre à parti?
Qu’ainsi atrophié, le Parti se démembre…