Rien à faire, en dépit de tous efforts, la vague de pollution revient chaque hiver plus pernicieuse que jamais. À Harbin, le 4 novembre, l’indice de qualité de l’air (AQI) atteignait le niveau record de 1281 milligrammes/mètre cube (PM 2,5). Pékin, le 9 novembre, virait à 375 PM, démentant la promesse du maire, en 2014 (assortie d’un plan de lutte à 101 milliards d’€) d’avoir « réglé le problème avant 2017 ». Selon les autorités, ces pics de smog tiennent au brûlage anarchique du chaume, au chauffage d’hiver dans les villages et aux pots d’échappement des 5,6 millions dans la seule capitale. Or, à même période vient jouer l’effet La Niña, arrêtant tous les vents qui auraient pu dissiper les miasmes. Pour l’instant, le peuple « oublie de se plaindre ». Mais l’Etat le sait, avec la corruption, ce fléau est un des sujets les plus sensibles auprès de la population. Aussi prend-il le problème toujours plus au sérieux. Parmi ses derniers tigres épinglés pour corruption, un ex-vice ministre de l’Environnement, Sun Hongzi, (2008-2013) va croupir 4 ans en prison pour avoir empoché des enveloppes contre des permis de complaisance ; et dans le seul Hebei, 487 cadres de l’antipollution ont été punis pour déréliction du devoir environnemental.
Le 7 novembre, l’Agence Nationale de l’Energie annonçait vouloir limiter à 1100 GW en 2020 la génération d’électricité au charbon, 55% du mix contre plus de 66% à ce jour. À même échéance, les énergies tirées du soleil et du vent doivent atteindre 320 GW de capacité, celles du gaz 110 GW, et ensemble avec celles des barrages et du nucléaire, assurer 15% du tout. La consommation énergétique doit encore monter, à 6800-7200 milliards de KW/h contre 5690 milliards fin 2015, mais elle atteindra son pic et sa lente redescente avant 2030, selon les engagements au traité mondial de la COP21. Le plan énonce pour 2020 une baisse de 18% des émissions de taux de dioxyde de carbone « par % de PIB », l’étalon officiel de mesure en ce pays, par rapport à 2015. La bourse nationale des crédits carbone sera pour 2017– probablement la principale incitation aux firmes à investir dans le bas carbone. Dorénavant face à tout projet de centrale thermique, Pékin répondra au mieux par un feu « orange », au pire par un « rouge ».
Apparaît alors pour « décarboniser » les centrales à charbon, une filière nucléaire originale chinoise, inspirée des 30 ans d’apprentissage auprès de groupes tels Areva ou Westinghouse. Le projet de réacteur à gaz à haute température HTR-PM prétend s’adapter sur des centrales à charbon existantes (supercritiques, de 600 MW) dès fin 2018, remplaçant la chaudière par une série de petits réacteurs nucléaires, et conservant le reste du circuit (turbine, refroidissement), pour une forte économie d’investissement tout en éliminant toute émission de particules. Ce système pourra aussi équiper des centrales neuves. Selon les auteurs, cette centrale serait « 100% sûre, même en cas de perte complète de pressurisation », ce qui la rendrait très attractive pour des zones urbaines densément peuplées.
Une incertitude plane certes depuis le 9 novembre avec l’élection présidentielle de Donald Trump aux Etats-Unis, climato-sceptique qui prétendait durant sa campagne torpiller les accords mondiaux de la COP21. Pékin l’a mis en garde—un retrait des USA du système compromettrait gravement l’effort mondial, et aggraverait encore la fièvre de la planète à l’horizon 2100, estimée aujourd’hui à 3,4°C.
La Chine se réveille donc en pleine alerte : un simple réchauffement de 2°C en 2100, aura pour effet de noyer une partie de Shanghai où vivent 11,6 millions d’habitants , et dans l’hypothèse de 4°C, 22,4 millions qui seront sous l’eau (cf photomontage).
Même sans penser à demain, cette pollution coûte au pays 4000 morts par jour dès 2016. C’est ce constat qui fait que le régime, après avoir vécu 50 ans dans le déni, agit avec force : il sait qu’il n’a plus le choix.
Sommaire N° 38 (2016)