Politique : Un 4ème Plénum sans vagues

A l’hôtel Jingxi à Pékin, avait lieu avec plusieurs mois de retard, la rencontre à huis clos la plus importante de l’année : celle des 371 membres du Comité Central du Parti, réunis pendant quatre jours (du 28 au 31 octobre) pour le 4ème Plénum du 19ème Congrès. Leur tâche : approuver les propositions faites par le puissant Politburo.

Avant tout, quelques chaises musicales étaient de rigueur, entre les postes de secrétaires et gouverneurs, en Mongolie Intérieure, au Ningxia et au Henan. Deux membres suppléants étaient formellement admis au Comité Central, après la mise sous enquête du patron de la tutelle boursière, Liu Shiyu, et le suicide du directeur du bureau de liaison de Macao, Zheng Xiaosong.

Outil de consolidation du pouvoir du Président, 27 cadres étaient épinglés par la campagne anticorruption. Parmi eux, deux anciens patrons de la compagnie publique d’électricité Huadian (Yun Gongmin et Li Qingkui). Deux généraux de l’Armée Populaire de Libération (APL) (Rao Kaixun et Xu Xianghua) étaient également déchus. A ce sujet, le communiqué final du plénum réaffirmait le « leadership absolu du Parti sur l’APL, qui accomplira fidèlement ses missions », ce qui conforte l’idée que les rangs des forces armées vont continuer à être scrupuleusement inspectés à l’avenir. Tragique, un décès émaillait ce plénum : Ren Xuefeng, n°3 de Chongqing et autrefois star montante à Tianjin, se serait jeté par la fenêtre de l’hôtel.

Certains médias taiwanais et hongkongais prédisaient la montée de deux autres leaders au Comité Permanent (réduit à 7 sept membres par Xi en 2012), comme une amorce de succession de Xi Jinping en 2022. Il n’en fut rien, confirmant que le Président n’a aucune intention de passer la main à cette échéance. On parle toutefois beaucoup de Chen Min’er, le secrétaire de Chongqing, qui a les faveurs de Xi, de Hu Chunhua, vice-premier ministre (protégé de Hu Jintao), mais aussi de Li Qiang, patron de Shanghai. L’un de ceux-là fera-t-il son ascension au Comité Permanent après 2022, pour être prêt en 2027, à la fin du 3ème mandat de Xi Jinping qui aura alors 74 ans ? Ou alors Xi sautera-t-il cette 6ème génération de cadres pour passer directement à la 7ème, celle née dans les années 70 ? Le débat semble largement prématuré, mais ces spéculations auraient pu être volontairement alimentées par diverses factions du Parti de façon à pousser leurs poulains, et Xi Jinping vers la sortie. En tout cas, à ce jour, Xi reste fermement aux commandes, et personne n’a la carrure pour prendre sa place.

En guise de préambule au Plénum, la revue du Parti, Qiushi, publiait l’extrait d’un discours de Xi datant de janvier 2018, où il affirmait que « nous-mêmes sommes les seuls en mesure de mettre en péril le Parti, personne d’autre ». Ainsi, le thème du 4ème Plénum se résumait en une question existentielle : après 70 ans de règne, comment le Parti peut-il moderniser sa gouvernance afin de faire face aux différents challenges qui s’imposent à lui, et donc se maintenir au pouvoir jusqu’à son centenaire en 2049 ?

Déjà, en choisissant de mettre en avant la « gouvernance » du Parti, plutôt que sa propre gouvernance, Xi Jinping évitait d’avoir à répondre personnellement des mauvais résultats de l’économie, de la contestation envers son plan Made in China 2025, des résultats en dents de scie de son initiative BRI, de sa concentration inédite des pouvoirs et de son mandat illimité en tant que Président. Il n’y avait d’ailleurs aucune allusion directe à la guerre commerciale avec les Etats-Unis dans le communiqué.

Ensuite, le terme « moderniser » ne signifie en aucun cas réformer son système politique vers une démocratie à l’Occidentale. Au contraire, il s’agit de mettre en place des outils de modernisation « aux caractéristiques chinoises », notamment le système de crédit social qui vise à contrôler tout aspect de la vie des individus comme des entreprises, ou le réseau national de caméras à reconnaissance faciale. Toutefois, le week-end suivant à Shanghai, Xi Jinping soulignait l’importance « d’établir des canaux officiels » pour permettre à la population de s’exprimer, et d’explorer diverses formes de démocratie « à la chinoise ». En septembre, le Président de l’Assemblée (ANP), Li Zhanshu, promettait aux gouvernements locaux de leur accorder plus de latitude dans leur législation. Pas par hasard non plus, le 14 octobre, le Bureau des Conseillers du Conseil d’Etat (COSC) situé à Zhongnanhai, ouvrait ses portes à la presse pour la première fois depuis 1949. Il a pour rôle de rassembler les avis de chercheurs ou chefs d’entreprises (même étrangers), aux deux tiers non-membres du Parti, afin de les soumettre au Premier ministre. Mais pourquoi le régime a-t-il ce soudain désir de communiquer sur ses méthodes de consultation ? La crise à Hong Kong a peut-être permis une prise de conscience, ayant été imputée à une mauvaise évaluation du mécontentement des Hongkongais de la part des autorités en charge. Il s’agirait surtout d’éviter que toute situation similaire ne se reproduise sur le continent.

Dans la même ligne, la veille du plénum, était mis à jour le guide des valeurs morales à adopter par la population, ce dernier ayant légèrement pris la poussière depuis 2001. Dans cette nouvelle version, se référant à “la nouvelle ère de Xi Jinping” et au marxisme, le régime expliquait à ses citoyens comment utiliser internet, élever ses enfants, trier ses poubelles, correctement célébrer les fêtes nationales, bien se comporter à l’étranger, réduire son empreinte carbone en voyage, s’occuper de ses vieux parents, défendre l’honneur de sa patrie…  Une section était réservée aux ruraux et à « leurs folklores dépassés », comme les mariages et enterrements « extravagants ». Dans le registre religieux, il appelait le peuple à avoir « foi en Xi Jinping et en le Parti », induisant une sorte de devoir moral de louer son Président et le régime. Ainsi, en dictant les normes privées et publiques, ce guide, largement inspiré des valeurs confucéennes, ambitionne de marquer encore un peu plus la société de la vision de Xi Jinping.

Les dominantes politiques et idéologiques de ce rendez-vous palliaient l’absence de tout nouvel aspect économique. Tout juste apprenait-on que le 14ème plan quinquennal (2021-2026) avait été débattu et que le rôle « dominant du secteur public » était réaffirmé, laissant suggérer que les firmes d’Etat devraient continuer à bénéficier d’un traitement de faveur. Il est cependant probable que le régime préfère attendre et garder ses cartouches « de réforme et d’ouverture » pour les faire peser dans un accord sino-américain ? Attendons la suite…

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