En janvier 2018, il s’engageait à revenir chaque année. Promesse tenue pour Emmanuel Macron qui s’envolait pour son second voyage en Chine du 4 au 6 novembre, trois jours consacrés à établir une « relation de confiance » avec la deuxième puissance économique mondiale. Le Président français visita la seconde Foire de Shanghai (CIIE, du 5 au 10 novembre) où la France était invitée d’honneur, en compagnie de son homologue Xi Jinping. Il lui fit découvrir plusieurs vins français – tout un symbole alors que l’administration américaine venait de les taxer à 25%. Ainsi, les deux leaders affichaient leur entente sur le multilatéralisme, le dossier iranien, le climat, isolant un peu plus les Etats-Unis. Sur la réforme de l’OMC, Macron appelait l’Europe et la Chine à être force de proposition.
A l’issue de la visite présidentielle, la partie chinoise se félicitait de la signature d’une quarantaine d’accords pour 13,5 milliards d’€. Aucune estimation n’était publiée côté français, refusant d’entrer dans une logique de montants records à chaque visite, d’autant plus si elles ont lieu tous les ans. A l’Elysée, on se félicitait des ouvertures du marché chinois et autres avancées notamment dans la filière agroalimentaire (tel le zonage). De plus, après huit ans de négociations, était signée la reconnaissance de 100 indications géographiques protégées (IGP) chinoises et européennes (dont 26 françaises), concernant le vin, le Roquefort, le Comté, les pruneaux d’Agen, le cognac mais aussi le whisky irlandais, la feta grecque, le Porto, le jambon de Parme… L’UE exporte annuellement pour 1,2 milliard d’€ de ces produits vers la Chine. Si l’accord est respecté, ils seront protégés des imitations et usurpations sur le marché chinois. La liste devrait être élargie à 175 IGP en 2024.
C’est ce qui expliquait la présence aux côtés du Président Français, de Phil Hogan le commissaire européen à l’Agriculture, mais aussi d’Anja Karliczek la ministre allemande de l’Education. Déjà en mars dernier à Paris, Macron partageait « sa » rencontre avec Xi Jinping avec le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et la chancelière Angela Merkel. Se présenter à la Chine en collectif européen deviendrait-il une marque de fabrique du Président français ? Devant un parterre de grands patrons français et allemands à Shanghai, Macron affirmait : « Il y a des agendas nationaux, mais plus on joue en franco-allemand et surtout en Européens, plus on a de la crédibilité. »
En mars dernier, l’UE semblait s’éveiller à la puissance chinoise en la qualifiant de « rival systématique » mais aussi de « partenaire de coopération ». Suite à cette déclaration, nombreux avaient été ceux qui espéraient une visite conjointe franco-allemande. Il n’en fut rien, la chancelière allemande devançait le Président Macron en septembre, en étant de passage pour sa 12ème visite en Chine. Les deux locomotives européennes sont-elles sur la même page chinoise ? Les situations sont bien différentes de part et d’autre du Rhin. A l’est, une dirigeante en fin de carrière et un pays affichant un excédent commercial avec la Chine de 21 milliards d’euros. A l’ouest, un leader à mi-mandat, désireux d’endosser un rôle sur la scène internationale, et un déficit commercial de 29,2 milliards.
Toutefois, l’Allemagne assurera la présidence du Conseil Européen de juillet à décembre 2020, période durant laquelle elle a tenu à organiser le prochain sommet UE-Chine à Leipzig (septembre 2020). Elle sera également présente jusqu’au 31 décembre 2020 au Conseil de Sécurité à l’ONU, auquel siègent France et Chine en tant que membres permanents. Enfin, la future présidente de la Commission Européenne n’est autre que l’ex-ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen. Autant d’opportunités de travailler main dans la main au nom de l’UE, et pourquoi pas signer le traité sino-européen sur les investissements qui traine depuis sept ans ? Car la lassitude gagne à Bruxelles, les diplomates chinois étant accaparés par les négociations commerciales avec les USA. Même si les Européens se réjouissent qu’un mini-deal soit trouvé entre Pékin et Washington, ils craignent que cela se fasse à leur détriment.
Enfin, ne se limitant pas à l’Allemagne et la Commission européenne, Macron pourrait élargir sa mission d’émissaire européen en incluant d’autres nations, comme la Suède ou des pays d’Europe de l’Est. Ce serait une manière productive de faire des différences européennes, une force.
Sommaire N° 37-38 (2019)