Inauguré le 5 novembre par le Président Emmanuel Macron, le Centre George-Pompidou lançait sa troisième antenne internationale à Shanghai, après Malaga et Bruxelles. L’inauguration avait lieu durant une semaine riche en événements artistiques et culturels dans la ville, avec le West Bund Art & Design Fair et Art 021, les deux grandes foires annuelles d’art contemporain de l’Empire du Milieu, ainsi qu’une exposition consacrée à l’architecte français Jean Nouvel.
L’histoire de l’institution parisienne en Chine commence en 2005 avec l’exposition « Nouvelles Vagues, un point de vue sur l’art français contemporain » organisée au Shanghai Art Museum, dans le cadre de l’année de la France en Chine. Un succès qui allait convaincre le Centre Pompidou l’année suivante, d’ouvrir une nouvelle branche dans la mégalopole. Il jetait alors son dévolu sur un bâtiment historique datant des années 1930, situé sur la prestigieuse Huaihai Lu – l’actuelle Maison Hermès. Une ouverture prévue à l’origine pour 2010, mais qui ne se fera finalement jamais, le projet ayant fini par capoter, notamment à cause d’opaques désaccords entre acteurs et partenaires.
Ce n’est qu’en 2016, en partenariat avec le musée Picasso, que le Centre Pompidou revient à Shanghai, tambour battant, avec « Masterpieces from the Centre Pompidou, 1906-1977 ». Une exposition qui fit l’événement – 72 chefs d’œuvres montrés pour la première fois en Chine – et qui bénéficia d’une belle couverture médiatique. Ce fut une étape décisive quant au projet, jamais abandonné, de lancer un Centre Pompidou temporaire en Chine…
En 2019 , le projet se concrétise enfin avec l’ouverture au public le 8 novembre, du « Centre Pompidou x West Bund Museum Project » pour une durée initiale de 5 ans, renouvelable. Il occupe 2 100 des 25 000 m2 d’un bâtiment flambant neuf signé par l’architecte britannique David Chipperfield, situé au cœur du nouveau et très prisé Xihui Waterfront, le « corridor culturel » dédié à l’art contemporain de la mégalopole.
Ce « cube blanc » inauguré avec l’exposition « The Shape of Time » rassemblant une centaine d’œuvres d’artistes du XXe et XXIe siècles dont Picasso, Kandinsky ou encore Duchamp autour de la notion du temps. Cinq furent toutefois refusées par les autorités locales. Le président du centre parisien Serge Lasvignes, relativisait le problème, affirmant qu’il était toujours possible de faire des choses intéressantes, tout en étant conscient des critères de censure. Sous l’angle financier, même si le Centre Pompidou reste en charge de la programmation, c’est bien West Bund qui est le commanditaire, couvrant tous les frais. Le musée parisien devrait toucher annuellement 1,4 million d’€ pour l’exploitation de sa marque, auxquels s’ajouteront 2,5 millions d’€ pour la totalité de ses prestations. Jusqu’en 2024, le partenariat prévoit trois expositions majeures d’une durée de 18 mois ainsi que deux expositions temporaires par an, montrant exclusivement des pièces de la collection parisienne. A Paris, le Centre Pompidou mettra en avant expositions et projets portés par des artistes chinois.
Avec cette nouvelle antenne provisoire, le Centre Pompidou perpétue sa politique hors-les-murs engagée depuis une dizaine d’année en France et à l’international, mais permet surtout au pays des Lumières d’exercer son soft-power par le biais de son rayonnement culturel à l’étranger. Emmanuel Macron a d’ailleurs tenu à saluer les nombreux projets menés par des grandes institutions culturelles françaises en Chine parmi lesquelles les musées Picasso et Rodin (qui s’installe à Shenzhen), le château de Versailles (avec une exposition à la Cité Interdite), les rencontres d’Arles (à Xiamen)…
Il en va de même dans le secteur des loisirs et du divertissement : le parc vendéen du Puy du Fou va monter d’ici 2022 un spectacle au pied de la Grande Muraille (à Qinhuangdao), évoquant l’histoire du 1er empereur chinois. Enfin, l’acteur et réalisateur Guillaume Canet, cherche à filmer en Chine certaines scènes d’« Astérix et Obélix, l’empire du Milieu ». Mais les aventures des irréductibles Gaulois pourront-elles aussi être diffusées en Chine ? Il est trop tôt pour le dire…
1 Commentaire
severy
10 novembre 2019 à 23:28Excellente idée qu’a la France d’imprimer en Chine sa marque dans ce qu’elle possède en abondance : l’art. Les Chinois ne peuvent qu’être fascinés de découvrir chez eux des oeuvres qu’ils espètent exemplaires d’un pays qui en est l’un des plus riches producteurs. Et le pouvoir peut, peut-être, considérer ces étalages d’ors et de gemmes artistiques comme une sorte de tribut déposé à ses pieds par une nation qu’il ressent potentiellement – ou symboliquement – comme vassale. Ah, si La Fontaine avait écrit la fable Le coq et le dragon, quelle morale lui eût-il donnée?