A la suite du 19ème Congrès, des fissures se forment dans la carapace protectionniste chinoise avec des bribes de dérégulation dans les secteurs automobile et financier. Cela répond à des motivations fortes et diverses :
– la vieille promesse réitérée par Xi Jinping dans son discours-programme lors du 19ème Congrès d’ouvrir à l’étranger le marché intérieur ;
– la notion d’urgence : les dirigeants savent qu’à défaut de progrès vers la réciprocité de conditions, Union Européenne comme USA finiraient par vouloir « punir » le partenaire protectionniste – c’est ce que vient de faire Trump en taxant le contreplaqué chinois accusé de dumping ;
– un besoin aigu de relance du flux étranger en capitaux et technologies, pour atteindre les objectifs en dépit du ralentissement de croissance ;
– l’idée que provinces et consortia, assoupis par des décennies de monopole, auraient besoin de stimulants rivaux étrangers pour les tirer de leur léthargie.
En automobile, le 9 novembre, le ministère des Affaires étrangères annonça aux constructeurs étrangers l’abolition partielle de leur obligation de fonctionner en joint-venture (JV), plafonnée à 49% dans le cadre d’un plan-pilote d’ici juin 2018. Cette annonce majeure marque la fin de 40 ans de mariages forcés, avec obligation de partager technologies et profits avec des groupes locaux pourtant non impliqués dans la production. Désormais, certains constructeurs étrangers pourront conserver 100% de leur capital et de leurs profits.
Cela dit, trois restrictions écornent sérieusement le champ d’action de ce changement, à court terme en tout cas :
– la mesure ne s’applique qu’à la branche énergies nouvelles (NEV) -les véhicules à motorisation classique resteront sous JV;
– elle ne vaut que pour les véhicules produits dans des zones franches (FTZ) ;
– enfin, le gouvernement se réserve le droit de n’octroyer la propriété à 100% qu’à certains constructeurs, et selon des critères non spécifiés -probablement selon le montant de l’investissement étranger.
L’annonce fin octobre de l’implantation de Tesla dans la FTZ de Pudong (Shanghai), sans partenaire chinois, était annonciatrice de cet assouplissement.
VW également, annonçait le 15 novembre un investissement de 10 milliards d’€ dans les NEV, avec ses partenaires SAIC et FAW, afin de sortir 40 modèles d’ici 2025. Toutefois, vu la durée nécessaire de négociation pour s’installer dans les zones franches avant juin 2018, seuls les groupes déjà engagés dans cette démarche seront dans les temps.
Cela dit, en NEV, le planificateur rencontre des difficultés. Son dernier cadre réglementaire imposera à tout constructeur en Chine, local comme étranger, un système de plafonnement et d’échanges (« cap-and-trade ») avec un quota de crédits carbone sur ses voitures NEV. Dès 2019, pour rester dans son quota, le groupe devra assurer 10% de la production en catégorie NEV – puis 12% en 2020. Faute de parvenir à assurer ce pourcentage, il devra en racheter des crédits aux constructeurs champions de l’auto « NEV », tels BYD ou Geely, ou payer une amende. Or, dès aujourd’hui, les experts savent que des groupes chinois tels Great Wall et Chang’an seront dans ce cas.
Dans les conditions actuelles, le parc de NEV à vendre en 2018 ne sera pas atteint. Sauf si l’Etat affine dès maintenant les règles, pour donner aux étrangers une pincée de marché supplémentaire, mais pas trop… ce qu’il a fait !
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Concernant l’ouverture du marché financier, Zhu Guangyao, vice-ministre des Finances, annonçait le 10 novembre le passage des parts étrangères de 49% à 51% dans les joint-ventures de marché à terme, de produits financiers et de marchés fiduciaires, mesure applicable dès que les décrets d’application auront été publiés.
Ceci signifie, comme dans le cas de la construction automobile, que la partie étrangère pourra prendre la majorité de la JV et la diriger : c’est un tournant. L’annonce aura-t-elle une portée concrète ? Sur cette question, les avis sont partagés. Pour K. Pogson d’Ernst & Young, l’offre a goût de « trop peu, trop tard ». Ce que les banques étrangères attendent, dit-il, est moins de « gagner beaucoup d’argent en Chine », que bâtir leur réseau chinois, comme un maillon de son réseau global. De fait, mises à part des banques hongkongaises comme HSBC qui peuvent établir un réseau sous leur statut de filiales et non de JV, les banques étrangères restent à la portion congrue, font leur profit en prêtant aux banques commerciales nationales. D’autres experts croient voir dans cette fenêtre entre ouverte, l’espoir d’attirer du capital afin de « diluer » dans la masse du crédit chinois le poids des mauvaises dettes—officiellement limitées à 1,72% du patrimoine des banques.
Cette mesure constitue un pas vers l’ouverture aux étrangers du marché chinois des services financiers d’un volume de milliers de milliards de dollars. Les Européens recherchent en Chine une croissance organique de leurs investissements bancaires, et réclament depuis longtemps l’accès au marché de la dette obligataire et des capitaux : « toujours bonne à prendre », conclut un expert étranger, « cette mesure reflète sans doute l’opinion que ce marché trop longtemps renfermé, a besoin d’un peu d’air frais ». Toutefois, une semaine après l’introduction de cette concession, la CBRC, tutelle bancaire, retoque son offre : tout rachat « individuel ou de groupe » de plus de 5% d’une banque commerciale, sera soumis à son propre feu vert ! Ce qui, pour Iris Pang, économiste à la banque ING, est un moyen comme un autre pour cette administration, d’écarter un investisseur étranger qui lui déplaît, en reprenant de la main droite, ce qu’elle a cédé de la main gauche…
Sommaire N° 37 (2017)