Aviation : Zhuhai, la marche du ciel

Du 1er au 6 novembre, s’est tenu la 11ème édition du salon aéronautique biennal de Zhuhai (Guangdong), rendez-vous incontournable en raison de la vitalité de ce pays comme concepteur-producteur, et plus encore acheteur d’avions. Signe de priorité stratégique, le secteur se classe 3ème au plan décennal Made in China 2025, derrière les technologies de l’information et la robotique.
Célébrant son 20ème anniversaire, le China Air show put voir sur écran géant les taïkonautes Jing Haipeng et Chen Dong flottant dans leur laboratoire Tiangong 2 à 400 km de la Terre. Leurs vœux spatiaux furent reçus par un parterre d’hôtes de marque, diplomates, ingénieurs et vendeurs des 42 nations et des 700 firmes exposantes. 

Le jour de l’ouverture fut marqué par le vol inaugural du chasseur furtif de « 5ème génération » J-20, appareil à double série d’ailes et d’ailerons, tout aussi court que « furtif » : décollés de Foshan, deux J-20 aux allures de Raptor F-22 (le chasseur dernier cri, signé Lockheed Martin) effectuèrent quelques figures au dessus de Zhuhai avant de disparaître, se gardant d’atterrir ou de dévoiler leurs radars et canons. Même ainsi, cette présentation, résultat de 20 ans d’efforts, fut saluée par les observateurs militaires occidentaux comme une « nette avancée de la capacité offensive des forces aériennes chinoises ». Ce J-20 est le second appareil militaire présenté au public avant son entrée en service. Le premier, le J-31, avait été dévoilé lors du Salon de Zhuhai de 2014. « C’est un changement de stratégie de communication de la part de Pékin, qui démontre plus de confiance en ses capacités militaires, et beaucoup de fierté », observait l’expert australien Sam Roggeveen.

Furent aussi présentés le transporteur aérien stratégique Xi’an Y-20 (connu sous le surnom de « la joufflue ») et le drone de combat CH-5. Ce dernier revendique un rayon d’action de 3000 km, une autonomie de vol de 60 heures, et une capacité de lancement et de guidage laser de 24 missiles air-sol. De facto, le CH-5 se pose en rival des drones américains, mais moins chers et accessibles à un marché de pays (Pakistan, Iraq, Arabie Saoudite…) faisant l’objet de réticences de Washington.
Zhuhai 2016 fut aussi le baptême officiel de l’Aero Engine (AECC), ce consortium de 100.000 actifs créé en septembre, pour créer une filière nationale de réacteurs. Pour l’instant, l’aéronautique chinoise dépend à 100% de la Russie ou de l’Ukraine pour ses réacteurs militaires, d’Europe et d’Amérique pour ceux civils.

Un autre aspect attendu de ce salon, était le marché aérien civil, où la Chine s’apprête à dépasser les Etats-Unis d’ici 2024 et devenir n°1. Pour répondre à la demande croissante en transport aérien de sa classe moyenne, elle transportera d’ici 2035 1,3 milliard de voyageurs (chiffres IATA), et selon les projections de Boeing, elle aura acquis 6810 nouveaux avions de ligne pour une valeur de 1030 milliards de $, dont trois-quarts de mono couloirs. 

Sans surprise, on retrouve ici le traditionnel bras de fer entre Airbus et Boeing qui se partagent à 50/50 les commandes chinoises. À long terme, la COMAC chinoise espère reconquérir une part de son propre marché. Ceci force les deux géants à réfléchir sur des stratégies nouvelles à long terme, pour à la fois freiner, mais ne pas désespérer leur plus gros client.

Airbus renforce son implantation en poursuivant à Tianjin l’installation de sa chaîne de finition des cabines du gros-porteur A330. Prévue pour septembre 2018, elle livrera 2 appareils par mois. Cet effort se superpose à sa première chaîne d’assemblage d’A320 : au rythme de 4 appareils par mois, le consortium européen a déjà monté 300 appareils, à partir de pièces et moteurs en grande partie venus d’Europe, depuis son lancement en 2008. 

Boeing de son côté, a longtemps été plus que réticent à s’installer en Chine. C’est en septembre 2015, sept ans après Airbus, qu’il annonça comme à reculons (à l’occasion de la visite du Président Xi Jinping aux Etats-Unis) une installation de son « premier centre hors frontières ». Puis il lui fallut plus d’un an pour confirmer le site de la future halle. Non loin de Shanghai dans l’archipel de Zhoushan, elle se limitera à l’instar de l’ A330, à la finition (équipement, ameublement, peinture…) et à la livraison du 737.

Grand absent à Zhuhai fut le challenger chinois, le moyen-courrier (150 places) C919 de la COMAC. Comme son petit aîné l’ARJ-21, ce modèle accumule les années de retard – il sortira en 2019 ou 2020, trois à quatre ans de retard. C’est le prix à payer pour acquérir l’expérience, surtout en intégration des fonctions—moteurs, alliages et matériaux composites, câblage, voilure, avionique… Déjà 570 appareils sont commandés (parmi le marché captif des compagnies aériennes et de leasing chinois), dont les premiers reviendront à China Eastern. Le premier vol-test serait pour début 2017.

Un autre projet brille à Zhuhai par son absence sauf en maquette (cf photo) : le long-courrier bi-couloirs, encore sans nom, formellement adopté en 2015 par COMAC et le russe United Aircraft Corp. D’une capacité de 280 places et d’un rayon d’action de 12000 km (équivalent Pékin-New York), il pourrait connaître son vol inaugural en 2022, ses premières livraisons en 2025. D’ici là, les partenaires devront choisir un moteur (forcément sur le marché international), et se répartir les tâches – un casse-tête qui, autrefois, entre partenaires européens d’Airbus, coûta des années de palabres !

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