Politique : Les dirigeants d’hier encore influents aujourd’hui ?

Les dirigeants d’hier encore influents aujourd’hui ?

La cérémonie d’ouverture du Congrès est l’une des rares occasions pour le monde extérieur d’avoir un aperçu des anciens dirigeants chinois, leurs apparitions publiques étant extrêmement rares et très encadrées par l’appareil. Un bâillement, une main dans le dos, un échange de sourires en coin… Les observateurs se pressent à interpréter leurs moindres faits et gestes.

Même si la plupart d’entre eux sont déjà octogénaires et n’occupent plus aucune fonction officielle, leur présence au Congrès permet d’offrir une image d’unité au sein du Parti et de soutien à l’équipe dirigeante en place.

Regroupées dans un « Présidium » du Comité Permanent, ces 46 personnalités sont censées superviser l’agenda du Congrès, mais aussi l’élection du nouveau Comité Central. Un rôle essentiellement symbolique.

Outre les grands absents pour des raisons de santé, à savoir l’ancien Secrétaire général Jiang Zemin (96 ans) que l’on n’a plus vu depuis les célébrations du centenaire du Parti le 1er juillet 2021, et l’ex-Premier ministre Zhu Rongji (93 ans), que l’on dit consterné par la politique « zéro Covid », la plupart des anciens dirigeants étaient présents.

Parmi les participants, l’ex-Président Hu Jintao (79 ans), assis à la gauche de Xi Jinping, mais aussi l’ancien premier ministre Wen Jiabao (80 ans), l’ex-n°7 du Parti Zhang Gaoli (75 ans) dont c’est la première apparition publique (cf photo) depuis qu’il a été accusé l’an passé d’avoir abusé sexuellement de la championne de tennis Peng Shuai, l’ancien-président de la conférence consultative (CCPPC) Jia Qinglin (82 ans), l’ex-vice-président de la RPC Zeng Qinghong (83 ans), ou encore le plus vieux membre du Comité Permanent encore vivant, Song Ping, qui a eu le mérite de rester alerte pendant tout le discours de Xi du haut de ses 105 printemps.

Le centenaire, ayant appelé au retrait total de Jiang Zemin du pouvoir en 2003, s’est récemment fait remarquer en déclarant lors d’un évènement caritatif que « la politique de réforme et d’ouverture est le seul chemin vers la concrétisation du rêve chinois », réutilisant les mêmes termes que Xi Jinping il y a cinq ans.

Cette prise de parole, à seulement un mois du Congrès, a donné lieu à toutes sortes de rumeurs : l’ancien secrétaire du Premier ministre Zhou Enlai chercherait-il à inciter Xi Jinping à promouvoir au sein du Comité Permanent un dirigeant issu de sa propre faction, la « Ligue de la Jeunesse », comme Hu Chunhua ? Nul ne le sait…

Mais cet épisode rappelle que si Xi Jinping devait se retrouver mis en difficulté politiquement, cela serait plus probablement le fait d’une critique publique de l’un de ces vieux dirigeants que d’un coup de l’armée ou d’un soulèvement populaire.

Conscient de cette éventualité et désireux d’empêcher ses prédécesseurs de s’ingérer constamment dans ses affaires (comme sous Hu Jintao), Xi Jinping s’est assuré que les caciques du Parti gardent leur langue dans leur poche.

Dès 2015, Xi Jinping leur adressait une mise en garde à peine voilée dans le Quotidien du Peuple, les priant « d’ajuster leur mentalité » à leur statut de retraité. « Une fois que l’on se retire, le thé refroidit », avertissait le commentaire. Plus tard cette année-là, le tsar de toutes les polices Zhou Yongkang et membre du Comité Permanent jusqu’en 2012, était condamné à la prison à vie pour avoir fomenté un coup contre Xi.

Encore en mai dernier, le Bureau Général du Comité Central, dirigé par l’un des fidèles de Xi, Ding Xuexiang, a publié une directive interdisant aux anciens dirigeants de « commenter négativement » les politiques en cours – en d’autres termes, de critiquer le leadership actuel.

Il est donc bien loin le temps des « huit immortels » (dont le père de Xi Jinping, Xi Zhongxun, faisait partie) tirant les ficelles du pouvoir. Aujourd’hui, l’influence de ces anciens peut se résumer à des entretiens en tête-à-tête avec Xi en vue des nominations des membres du Politburo et du Comité Permanent – une pratique instaurée lors du dernier Congrès en 2017, abolissant la procédure de vote qui prévalait en 2007 et 2012.

Cela signifie que les anciens conservent théoriquement une chance d’influencer la composition finale du leadership en soutenant la candidature de leurs protégés. Xi pourrait bien sûr choisir d’ignorer leurs conseils, mais il serait toutefois risqué pour lui de se les mettre à dos au point qu’ils se sentent obligés de braver les interdits.

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