Hong Kong : Bas les masques

A Hong Kong, le 70ème anniversaire de la RPC virait au scénario catastrophe le 1er octobre. Alors que la police se préparait à des scènes de chaos, les manifestants appelaient à une journée symbolique de « deuil national ». Un bien mauvais présage, puisque ce jour-là, pour la première fois depuis le début de la crise il y a quatre mois, un lycéen recevait une balle en pleine poitrine, après que son groupe ait attaqué des policiers à la barre de fer. Ses jours ne sont plus en danger, mais la réponse du gouvernement de la RAS était celle de la fermeté : le jeune sera poursuivi en justice pour agression d’un représentant des forces de l’ordre et risque jusqu’à dix ans de prison.

La violence qui agite Hong Kong est le fruit d’une certaine exaspération des protestataires face aux autorités qui restent aux abonnés absents face à des actions pacifiques. Ils sont convaincus qu’ils ont obtenu le retrait définitif de la loi d’extradition grâce à leurs actions violentes. Mais l’aspect le plus préoccupant de cette crise est que cette violence est perpétrée par la jeunesse hongkongaise. Or c’est elle qui constitue le futur de la RAS.

En réponse aux déchainements des manifestants le 1er octobre, l’administration hongkongaise interdisait 72h plus tard le port de masques en invoquant une disposition légale d’urgence datant de l’époque coloniale. Cet élément indispensable de l’attirail des manifestants leur permettait jusqu’alors de se protéger des gaz lacrymogènes mais surtout de cacher leur identité pour éviter d’éventuelles poursuites.

A Pékin, le gouvernement affichait son soutien à cette décision, affirmant que l’interdiction priverait les jeunes manifestants « qui se croient dans un jeu », de leur protection psychologique. Il avançait également pour sa défense que certains pays démocratiques comme la France, les USA, l’Allemagne ou le Canada, ont déjà pris des mesures similaires, à un moment ou à un autre.

Comme on pouvait s’y attendre, les contestataires bravaient cette interdiction, et sortaient toujours masqués en guise de provocation. Quatre jours après l’entrée en vigueur du ban, 16 manifestants étaient officiellement poursuivis pour cette infraction.

Le 7 octobre, la cheffe de l’exécutif déclarait qu’elle chercherait à obtenir le soutien du Parlement local, le « Legco », dès sa reprise le 16 octobre. Elle ajoutait que son administration n’avait aucune intention d’utiliser ses pouvoirs d’urgence pour d’autres mesures. Pourtant le même jour, un politicien hongkongais du camp pro-pékin affirmait à la radio que l’option de couper le réseau internet n’était pas exclue.

Toutefois, Carrie Lam semble dépassée par les évènements : son retrait tardif de la fameuse loi d’extradition n’a pas mis fin aux protestations, et ses mesures répressives risquent de radicaliser davantage les franges extrêmes. Si elle poursuit sur cette voie dure, l’île risque de s’enferrer dans la violence. Elle a pourtant tenté la médiation en organisant fin septembre, un dialogue direct avec 150 citoyens sélectionnés parmi 20 000 volontaires. Mais cette séance tournait court au vu des nombreuses critiques ayant fusé et qui trahissent une réelle perte de confiance de la population envers son gouvernement, mais aussi envers la police. En effet, l’une des demandes répétées des manifestants est celle d’une enquête menée par un organisme indépendant sur les violences policières des 18 dernières semaines. Une exigence que beaucoup considèrent comme une possible sortie de crise, si Carrie Lam y accédait.

De son côté, Pékin n’a aucune envie d’intervenir militairement et préfère laisser la main à Mme Lam pour gérer la situation. Il semble que le régime espère qu’en laissant la situation empirer, le problème finisse par se résoudre de lui-même. Ce positionnement attentiste ressemble plus à une résignation face à un problème dont personne n’a la solution à Zhongnanhai, qu’à une réelle stratégie. Et le ton pour l’instant plus ou moins conciliant de Pékin ne doit pas faire illusion : une revanche est à craindre une fois la situation sous contrôle. Les Hongkongais le savent bien au regard de l’après-Occupy Central de 2014 (muselage de la presse, poursuites judiciaires et destitution des jeunes leaders élus, accélération économique du projet « Greater Bay Area »…). Le retour d’un tel mouvement de contestation cinq ans plus tard, peut conduire Pékin à penser que ses mesures étaient encore trop laxistes. Et c’est bien la crainte des répercussions qui poussent les manifestants à poursuivre la lutte.

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